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Parcelles mal acquises: « Les irrégularités seront traitées au cas par cas »  . Boureima Barry, président de la commission d’enquête parlementaire sur le foncier urbain

 

Le 13 octobre dernier, le rapport sur la commission d’enquête parlementaire sur le foncier urbain au Burkina Faso a été présenté à l’Assemblée nationale. Ce rapport a fait le point sur les lotissements effectués de 1995 à 2015 dans les grandes agglomérations urbaines, notamment Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Boureima Barry, président de la commission d’enquête sur le foncier urbain, nous en dit un peu plus sur les conclusions du rapport et les conditions de travail des députés.

L’Economiste du Faso : Quelle suite sera donnée à l’enquête sur le foncier urbain ?
Boureima Barry : A cette date, nous sommes réellement satisfaits, car au regard des réactions de l’opinion publique, notre travail est globalement apprécié. Si la majorité de la population adhère aux différentes recommandations que nous avons faites, alors il y a un motif de satisfaction. L’objectif de cette enquête est de réparer une injustice dans la gestion du foncier. Nous avons constaté, ces dernières années, de nombreuses spéculations autour des parcelles, de nombreuses malversations, des arrestations de maires dans le cadre d’irrégularités autour du foncier, des populations spoliées de leurs terres et déguerpies à tout moment.
Certains attendent 5, voire 10 ans, sans aucun espoir d’avoir une parcelle. Il était temps que nous situons les différentes responsabilités et donnons des réponses aux populations. Nous avons transmis le dossier au gouvernement. Dans nos recommandations, nous avons souhaité qu’il y ait des poursuites judiciaires pour les cas emblématiques soulevés, également que de façon pratique les injustices soient réparées. Nous avons demandé le retrait d’un certain nombre de parcelles et que celles-ci soient réattribuées aux populations qui devaient en bénéficier.
Au niveau de l’Assemblée, nous avons mis en place un comité de suivi de la mise en œuvre de ces recommandations. Nous allons suivre leur mise en œuvre afin qu’elles ne dorment pas dans les tiroirs.

Concrètement, comment se feront les retraits des 105.000 parcelles ciblées par l’enquête ?
Je tiens à clarifier cette question afin que l’opinion soit située de façon définitive sur ce processus de retrait des parcelles. En visant la réparation d’une injustice, nous n’allons pas en créer d’autres. Si vous faites le point des 105.000 parcelles, vous verrez que plus de 90.000 parcelles concernent les promoteurs immobiliers qui sont en illégalité flagrante avec la loi.
Pour le citoyen lambda qui a acquis régulièrement une parcelle avec les promoteurs immobiliers, il devrait être à même de prouver qu’il est propriétaire, à travers les documents obtenus lors de son acquisition. Nous n’allons pas brimer ces personnes. Nous allons demander au gouvernement de régulariser la situation des personnes dans ce cas de figure. La parcelle sera retirer des mains du promoteur immobilier et la personne qui l’a acquise aura une régularisation de ses documents. En ce qui concerne le reste des terrains incriminés, tels que les lotissements sans autorisation comme c’est le cas du quartier Belle-ville de Bobo-Dioulasso où 4.000 parcelles ont été dégagées, le processus d’attribution n’a pas pu être achevé à cause de plusieurs soucis. Même les attributaires actuels n’ont pas des documents légaux, car le PV d’attribution n’a pas été signé et le processus n’a pas été finalisé.
Certains ont obtenu des documents, mais ils savent que le processus est inachevé. Nous avons donc demandé la reprise du processus d’attribution dès le départ pour être sûr que c’est exactement ceux qui doivent bénéficier des parcelles qui les obtiennent. Il y aura donc à ce niveau retrait et réattribution aux populations. Je tiens donc à rassurer les uns et les autres. Toute personne qui se sent dans ses droits aura l’occasion de se justifier et elle va bénéficier de sa parcelle normalement. Les personnes qui s’inquiètent pour leur sort peuvent se rassurer. Il n’y aura pas de déguerpissement anarchique. Tout sera traité au cas par cas et les populations auront l’occasion de le vérifier. On pourra aussi rétablir certaines personnes dans leur droit.
Que répondez-vous à ceux qui se disent surpris de n’avoir pas entendu certains noms dans le rapport, surtout ceux des grands responsables du parti au pouvoir, alors qu’ils ont participé à la gestion du pays entre 1995 et 2014 ?
Vous faites sûrement allusion à Simon Compaoré qui a été maire de la ville de Ouagadougou pendant 17 ans. Au regard de sa longévité à ce poste, il y a de quoi se dire qu’il a forcément trempé dans des magouilles. Cependant, au niveau de notre commission, nous avons auditionné Simon Compaoré pendant nos enquêtes. Sur des questions où il a semblé avoir des irrégularités, il a pu se défendre. Et nous, au niveau de la commission composée de la majorité mais aussi de l’opposition, nous n’avons pas eu d’éléments tangibles pour l’incriminer. Nous travaillons sur la base des faits et des preuves. Si des gens ont des preuves contre l’ancien maire de Ouagadougou, ils peuvent nous les apporter au niveau de la commission. Ni les maires incriminés, qui étaient sous sa tutelle, ni les autres personnes n’ont accusé Simon Compaoré d’être de mèche dans cette machination. Et nous non plus, nous n’avons pas eu de preuves l’accusant.

Certaines sociétés épinglées par l’enquête parlementaire contestent le rapport. La commission a-t-elle eu vraiment le temps et les preuves nécessaires pour tirer les conclusions de cette enquête ?
A la date d’aujourd’hui, nous avons reçu 3 écrits. L’un d’un promoteur immobilier qui réclame des explications quant au rapport, un autre qui demande une identification de terrains et le dernier qui se plaint de ne pas devoir à l’Etat. Nous avons vu également dans la presse qu’un promoteur immobilier s’est plaint. Lorsque vous vous sentez lésé ou incriminé, il faut s’adresser directement à la commission. S’adresser à la presse directement n’est pas le meilleur moyen pour réclamer une réparation. Nous avons travaillé avec des services techniques, avec les textes en la matière, pour tirer les conclusions de cette enquête.
En ce qui concerne la promotion immobilière, nous n’avons utilisé que les dispositions législatives. Au cours de notre enquête, nous avons découvert que de nombreux promoteurs immobiliers n’étaient pas à jour de leurs payements d’impôts. Si ces personnes pensent que nous nous sommes trompés, ils ont la possibilité de rétablir les faits en nous contactant. Mais une chose est sûre, c’est que nous avons toutes les preuves de ce que nous avançons, car tout a été fait sur la base des différents textes en vigueur au Burkina Faso.

Un journal de la place a remis en cause les accusations portées contre l’ex-président Blaise Compaoré à qui on reproche de détenir 113 parcelles à Ziniaré. De quelles parcelles il s’agit réellement?
Par rapport à l’ex-président Blaise Compaoré, nous avons tous les documents qui confirment ce que nous avons écrit dans le rapport. Il existe une liste de parcelles dans la zone résidentielle de Ziniaré qui appartiennent à Blaise Compaoré et son frère François Compaoré. Nous avons donc la liste des parcelles, les références, les superficies et aussi les montants des taxes de jouissance. Il s’agit de 113 parcelles appartenant à l’ancien président, qui n’ont rien à voir avec le parc de Ziniaré comme certains l’indiquent. Nous avons auditionné certaines personnes proches du président qui ont confirmé l’appartenance de ces parcelles. La loi indique qu’une personne n’a droit qu’à une parcelle quel que soit son statut social. Et c’est pour cette raison que nous dénonçons cet acte. Cela n’a rien à voir avec la personne de Blaise Compaoré. Nous dénonçons juste une inégalité. La liste des parcelles que nous avons n’a rien à voir avec le parc comme l’a indiqué un journal de la place. Nous ne nous sommes pas intéressés au parc, car c’est un environnement aménagé, qui protège certaines espèces en voie de disparition et qui profite à toute la communauté.

Quelles solutions proposez-vous pour en finir avec l’impunité dans la gestion du foncier au Burkina Faso ?
L’Assemblé a donné le ton. Le fait de dénoncer les irrégularités, c’est déjà un point de départ. Cela va amener beaucoup à renoncer à ces pratiques malsaines dans le milieu du foncier. Ce que nous préconisons, c’est qu’il y ait une mise en œuvre intégrale de nos recommandations. Il faut que nous ayons le courage politique et moral d’assainir ce milieu, car il y va de l’avenir de notre pays. Notre terre est sacrée et nous devons ensemble la protéger car, à ce rythme, nos enfants n’auront pas de parcelle pour habiter. En 90 jours, nous avons pu découvrir toutes ces illégalités. Imaginez-vous si nous avions eu plus de temps. Nous reconnaissons qu’il peut y avoir des failles. Ainsi, si certains ont des apports à faire, ils peuvent nous contacter au niveau de la commission pour les faire. Une enquête n’est pas fermée, mais ouverte, et chacun doit apporter sa contribution.

Germaine Birba

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