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Aide publique au développement: la pauvreté augmente, malgré les milliards FCFA

• Plus de 1.200 milliards FCFA injectés en 5 ans

• La corruption est une des causes

• Les indicateurs de développement pas reluisants

Le 29 juillet 1987, à la tribune de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) à Addis-Abeba, en Ethiopie, le Président Thomas Sankara a dit en substance que l’aide n’aidait pas les pays africains à se développer. En d’autres termes, dit-il, que l’aide tuait le développement. 35 ans après, ce constat semble être toujours d’actualité. Et pour cause, dans un rapport publié en mai 2022, intitulé « Etude de l’efficacité de l’aide publique au développement (APD) au Burkina Faso », le Centre d’étude et de recherche appliquée en finances publiques (CERA-FP) est sur la même longueur d’onde que le président. Pire, le document révèle la cupidité, voire le manque de « patriotisme » de certains Burkinabè. Ceux-ci s’évertuent à fond dans la corruption des sommes reçues.
Conséquence, détournement, mauvaise qualité des infrastructures réalisées au profit des populations, etc. Sur la période de 2016 à 2020, le volume de l’aide reçue est passé de 1.095 millions de dollars US (630,26 milliards FCFA) à 2.142 millions de dollars US (1.232,71 milliards FCFA), soit un quasi-doublement sur la période. Ce montant, constitué de dons et de prêts, a été injecté dans 5 secteurs que sont : la gouvernance économique, l’agriculture, l’environnement, l’eau et l’assainissement, l’éducation, la santé, le transport et la communication, etc. Malgré les 1.232,71 milliards FCFA d’investissements, le Burkina Faso demeure toujours un pays en voie de développement, regrettent les enquêteurs.

Développement : 47e place sur 54 pays en Afrique en 2018
Les rédacteurs du rapport notent qu’au fil des décennies passées, l’APD n’arrive pas à créer de la richesse nationale. Le rapport affirme qu’après plusieurs décennies de coopération au développement, et face aux résultats atteints par l’APD, de nombreuses interrogations se posent. En effet, malgré des flux importants d’APD au cours des dernières décennies, la situation socioéconomique du pays n’a pas connu d’amélioration significative. Selon le rapport sur le développement humain 2018 du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), le Burkina Faso occupe la 47e place sur 54 pays en Afrique et la 183e sur 189 pays au niveau mondial, avec un indice de développement humain (IDH) de 0,402.

Corruption mondiale : 86e place sur 180 pays en 2020
Le niveau de pauvreté a augmenté, remettant en doute la capacité des flux d’aides à améliorer la situation économique et sociale du pays. En matière de développement des infrastructures, le pays est classé à la 31e place sur 54 pays africains classés en 2020, selon l’indice de développement des infrastructures de la Banque africaine de développement (BAD), avec un score de 18,522 sur 100. Malgré un progrès de l’indice de 2018 à 2020, passant de 17,055 à 18,522, force est de constater que les efforts entrepris sont entravés, entre autres, par la faible qualité de la gouvernance.
En effet, selon le rapport 2020 du REN-LAC sur l’état de la corruption, il ressort que le niveau de la corruption, selon la perception citoyenne, est très élevé. Selon ce rapport, l’Indice synthétique de perception de la corruption montre qu’elle est en constante augmentation depuis 2016. Il est passé de 10,1 en 2016 à 42,4 en 2020. Ces résultats sont en conformité avec ceux de Transparency international, qui, dans son rapport 2020 sur l’indice de la perception de la corruption dans le monde, classe le Burkina Faso à la 86e place sur 180 pays classés avec 40 points sur 100.

Mauvaise qualité des investissements réalisés
Cette situation est une réalité et se traduit par la mauvaise qualité des investissements réalisés. Dans ce sens, de nombreuses infrastructures publiques (écoles, centres de santé, routes, ponts, etc.) construites ces dernières années par l’État sont sujettes à des dégradations rapides (souvent avant leur réception) pour cause de mauvaise qualité, suite aux intempéries. Ainsi, la corruption affecte la fourniture des biens et services aux citoyens, à travers la mauvaise qualité, les retards dans la livraison, les livraisons partielles, les surfacturations et les avenants excessifs, etc. En définitive, cette situation fait supporter par l’ensemble de la société des coûts financiers anormalement élevés et dans certains cas, des pertes en vies humaines. En conséquence, ces infrastructures onéreuses et de piètre qualité infligent à la société des coûts beaucoup plus élevés.

L’aide va plus dans les projets
Dans la répartition de l’APD, il ressort une prédominance de l’aide projet. L’aide projet représente en moyenne 73,92% de l’APD sur la période 2016-2020, soit un montant annuel moyen de 1.096,152 millions de dollars US. Les appuis budgétaires (2e ) avec un montant annuel moyen de 312,387 millions de dollars, soit 21,07% de l’APD sur la période. Viennent ensuite, l’assistance et les secours d’urgence avec un volume annuel moyen de 37,534 millions de dollars US, soit en moyenne 2,53% de l’APD. Enfin, l’aide alimentaire avec un volume annuel moyen de 36,726 millions de dollars, soit une part moyenne de 2,48% de l’APD.
Synthèse de Ambéternifa Crépin SOMDA

Encadré 1 :

Il faut repenser l’utilisation de l’APD

Les prêts émanant de l’APD contribuent à alourdir le poids de la dette publique dont le paiement restreint les capacités de financement sur ressources propres de l’Etat. Les origines de cette situation sont liées à la faiblesse des ressources de l’APD, à la faible capacité d’absorption, au non-respect des principes de l’efficacité de l’aide et à un manque de vision claire de l’utilisation de l’APD. Par ailleurs, la conception de l’aide met souvent en avant les intérêts géostratégiques des pays donateurs qui ne sont pas toujours en phase avec les besoins et les priorités de développement de pays bénéficiaires.
Pour que l’APD, en tant qu’instrument de financement, revête toute sa pertinence, il est nécessaire de requestionner la politique actuelle de gestion de l’aide, tant du côté des pays bénéficiaires que des donateurs. En outre, l’argent de l’APD génère une irresponsabilité impressionnante chez les dirigeants et gestionnaires des projets et programmes financés par l’APD.

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