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Plan de riposte contre la Covid-19: près de 230 milliards FCFA de crédits engagés par le Burkina Faso

• Pour un budget révisé de 177 milliards FCFA

• La logistique et la communication, plus gros postes budgétaires

• Les bénéfices des emprunts peu visibles

33,3% des nouveaux emprunts signés entre janvier et décembre 2021 ont été injectés dans le secteur de la santé au Burkina Faso, contre moins de 5% en 2020. La raison ? La Covid-19. Le pays a enregistré son premier décès dû à la pandémie à la mi-mars 2020. En réaction, les autorités ont fermé aéroports et frontières terrestres et instauré un couvre-feu à l’échelle nationale. L’état d’urgence sanitaire a ensuite été décrété, entraînant une mise en quarantaine des villes les plus touchées du pays, dont sa capitale, Ouagadougou. À la suite de ces mesures d’urgence, l’économie du pays a été durement touchée, avec un commerce international fortement réduit, ainsi que la capacité du secteur informel à fonctionner réduite par des couvre-feux et des restrictions sur les rassemblements.

Au titre des partenaires techniques et financiers, 4, 7 milliards FCFA ont été promis en dons et prêts. A l’arrivée, 912 millions FCFA ont été décaissés et 2,5 milliards FCFA d’annonces fermes au 31 mars 2020. Ce qui signifie dans le jargon des PTF, que ces annonces sont conditionnées et que le décaissement sera effectué selon un calendrier bien établi. (Source: Plan de riposte Covid-19 revisé)

177 milliards FCFA pour des mesures d’urgence
Afin d’atténuer les effets de ces mesures d’urgence, le gouvernement burkinabè a adopté, le 2 avril 2020, un plan de riposte à la Covid-19, avec un budget révisé estimé à 177,9 milliards FCFA. Le budget, tel que soumis à l’Assemblée nationale en juin 2020, stipulait qu’une partie des dépenses sera financée à partir du budget de l’Etat. Ainsi, sur les 177 milliards, l’Etat engagerait 33,17 milliards, soit 18,64% du total. Le reste (143,83 milliards) sera financé par les dons et les prêts des partenaires techniques et financiers (PTF) du Burkina Faso, ainsi que les contributions volontaires.
A l’adoption de ce plan, le ministère de la Santé a publié un premier bilan sur les ressources mobilisées. Au titre du budget de l’Etat, 500 millions sur les 33 milliards FCFA ont été décaissés. Les contributions volontaires, quant à elles, s’élèvent à 988 millions FCFA. Au titre des partenaires techniques et financiers, 4, 7 milliards FCFA ont été promis en dons et prêts. A l’arrivée, 912 millions FCFA ont été décaissés et 2,5 milliards FCFA d’annonces fermes au 31 mars 2020. Ce qui signifie dans le jargon des PTF, que ces annonces sont conditionnées et que le décaissement sera effectué selon un calendrier bien établi.
Afin de combler le gap et poursuivre les actions annoncées dans le plan de riposte, l’Etat burkinabè a dû se tourner vers d’autres types de crédit, en plus de celui des PTF. Le gouvernement s’est donc endetté, cette fois-ci, auprès du marché des titres publics de l’UMOA. 126 milliards FCFA ont ainsi été acquis entre avril et juin 2020, à travers des émissions de « bons sociaux Covid-19 », avec l’implication de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
La part que le gouvernement devrait injecter dans ce plan de riposte était de 33 milliards FCFA. Cependant, le pays a continué à s’endetter sur le marché financier régional. Après les « bons sociaux Covid-19 », la BCEAO a lancé les Obligations de relance. Le Burkina y a emprunté encore 100 milliards FCFA. Ainsi, au cours d’une seule année, sur un total de 33 milliards qu’il devait injecter dans la riposte contre la Covid-19, le pays a souscrit à des prêts au niveau international, auprès des PTF et auprès du marché régional à hauteur de plus de 226 milliards FCFA, soit près du double de ce qu’il avait annoncé lors de son plan de riposte.
L’argent a-t-il été utilisé autrement ? Il faut dire qu’au niveau du Burkina, le gouvernement a aussi pris certaines mesures dans le cadre de la relance économique. Parmi elles, on peut citer la gratuité en eau et en électricité sur une période de 3 mois, le paiement de certains salaires et aussi la mise en place d’un fonds de relance au profit des entreprises impactées.
Pour la gratuité de l’électricité, la mesure exceptionnelle sur 3 mois a coûté la somme de 14,2 milliards FCFA à l’Etat, selon le rapport de la mission de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC).
En ce qui concerne la mesure sur les factures d’eau, la gratuité a coûté 6,9 milliards FCFA. Enfin, selon les dernières données enregistrées sur l’utilisation du fonds de soutien aux entreprises impactées par la Covid-19, aucun décaissement n’a eu lieu au cours de la première année de lancement.
Le bilan en fin mai 2021 de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Burkina fait ressortir une somme totale de 10, 6 milliards accordée aux entreprises au titre de financements d’investissements ou de besoins de trésorerie au bénéficie de 16 entreprises. Quand on additionne tous ces montants versés par l’Etat pour soutenir l’économie et la santé pendant la période de Covid-19, il ressort que près de 66 milliards FCFA ont été effectivement décaissés. Pourtant, au niveau du marché financier régional et des partenaires techniques et financiers, le gouvernement a emprunté plus de 226 milliards. Où est passé le reste du montant ?

4,7 milliards engagés dans la logistique et la communication
Quelle a été la portée de ces crédits sur la santé des populations ? Et son impact sur le développement économique du pays ?
L’examen des différentes rubriques du budget du plan de riposte indique qu’il porte sur 11 axes, dont la prise en charge des cas, la prévention et le contrôle des infections, l’acquisition de la logistique, l’équipement des laboratoires, la coordination des activités, la surveillance, la recherche, la communication, la prise en charge des équipes d’intervention rapide, le contrôle au niveau des points d’entrée et la sécurité.
En croisant les dépenses avec la situation des contributions des institutions et des partenaires techniques et financiers, il ressort que c’est la logistique qui engouffre le plus gros budget, soient 4,7 milliards FCFA. 4 postes de dépense sont restés sans budget, selon le point fait par le ministère de la Santé, en 2020. Il s’agit des postes pourtant essentiels. Ainsi, aucune somme n’a été affectée pour la prise en charge des équipes d’intervention rapide, rien non plus pour ce qui concerne la prise en charges des cas, tout comme pour la sécurité et la recherche.
C’est dire que dès le début de la pandémie au Burkina Faso, l’Etat s’est endetté et l’essentiel de l’argent emprunté et des dons a été utilisé pour la communication (358 millions FCFA) et pour la logistique (3,6 milliards FCFA). o
ESS

 

Encadré

Des emprunts peu bénéfiques aux populations

Plusieurs griefs sont à rapporter sur ce plan de riposte. Le premier est qu’aucune autre maladie n’a eu un tel plan de riposte au Burkina Faso. Les prêts engagés par l’Etat du Burkina sous prétexte de la riposte contre la Covid-19 (226 milliards FCFA) dépassent de loin tout l’argent mis dans la lutte contre le paludisme et le Sida, pour ne prendre que ces deux.
La présidente du Conseil d’administration du réseau des personnes vivant avec le VIH alertait, en juin 2021, sur le risque que des personnes vivant avec le VIH n’ont pas eu leurs antirétroviraux (ARV) pendant six mois, des examens non réalisés, un manque de suivi, des ruptures d’intrants, etc.
La Société burkinabè de pédiatrie (SOBUPED) a, lors d’une conférence de presse en décembre 2021, dénoncé l’accent mis sur la lutte contre le Coronavirus, au détriment d’autres pathologies. En conséquence, de nombreuses personnes n’ont pas pu effectuer le test de dépistage du VIH/Sida depuis le début de la pandémie. Les agents de santé ne sont pas toujours disponibles pour dépister la population, explique la SOBUPED. Elle soutient que beaucoup de laboratoires ont été sollicités pour effectuer les tests Covid-19. « Le nombre de personnes vivant avec le VIH au Burkina Faso, en mars 2019, était estimé à 94.000, dont 9.400 enfants de moins de 15 ans, selon le rapport d’activité 2019 sur la riposte au Sida, du Conseil national de lutte contre le Sida et les IST ».
Tout comme le VIH/Sida, la lutte contre le paludisme a aussi pris un coup, surtout entre mars et mai 2020, période de pic des contaminations de la Covid-19. Selon le Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), plusieurs patients ne se faisaient pas consulter. Les campagnes de sensibilisation de masse n’ont également pas eu lieu. Pourtant, le paludisme constitue l’un des problèmes majeurs de santé publique au Burkina Faso. Il est la première cause de consultation, d’hospitalisation et de mortalité dans les formations sanitaires. Sur près de 21 millions d’habitants en 2019, plus de 11 millions de cas de paludisme ont été enregistrés en 2020 au Burkina. En moyenne, 3.600 personnes en sont mortes au cours de la même année, a confié le coordinateur du PNLP, Docteur Gauthier Tougri, à l’occasion d’une campagne de collecte de dons de sang, le 28 octobre 2021, à Ouagadougou.
Pendant ce temps, entre le 9 mars et le 31 décembre 2020, seules 85 personnes sont mortes de la Covid-19, selon le décompte officiel des autorités burkinabè.
L’annuaire statistique 2020 du ministère de la Santé, de l’Hygiène publique et du Bien-être rapporte que le paludisme reste parmi les dix principaux motifs de consultation externes dans les centres médicaux, les hôpitaux, et dans les formations sanitaires de base.
Ces pathologies ont bénéficié, avec la tuberculose, d’une subvention de plus de 160 milliards de francs CFA accordée entre 2015 et 2020 par le Fonds mondial. Le même Fonds a décaissé un peu plus d’un milliard pour soutenir le plan de riposte du Burkina Faso. Le Burkina Faso bénéficie de ces financements tous les trois ans.

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