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Prêts usuriers: entre la proie et le prédateur

Vie chère… Pouvoir d’achat faible… Imprévus… Afin de pouvoir joindre les deux bouts, nombre de Burkinabè, fonctionnaires, travailleurs du privé et particulierssont obligés de se tourner vers les prêteurs usuriers lorsque les portes des institutions financières «formelles» se ferment devant eux. Dans l’euphorie des besoins urgents à satisfaire, on omet les contraintes, on ne tient pas réellement compte des conditions exigées. Et l’aventure peut vite se transformer en cauchemar. Virée dans les coins et recoins de Ouagadougou où cette pratique, quoique interdite par la loi, se réinvente une autre vie en ces temps de crises.
Un vendredi du mois de novembre 2015. 10h45 à Ouagadougou. Nous faisons le pied de grue devant le bâtiment de la SOBCA. Cinq personnes assises sur un banc… un sixième qui est au téléphone sous l’arbre épie tous nos mouvements… Il semble être intéressé subitement par nous. A peine a-t-il raccroché l’appel qu’il se dirige vers nous et nous aborde avec une question en langue nationale mooré: «Bonjour! Vous désirez quelque chose?»
Quelques minutes de réflexion et nous décidons de nous lancer: «Bonjour… Oui, en fait, on a coupé notre courant ce matin, et nous avons urgemment besoin d’argent pour payer notre facture d’électricité». Les échanges commencent à devenir intéressants. Un sourire commence à se dessiner sur le visage de notre homme. Il lance un «han bon!» et décide de «gagner en temps»en donnant une idée du deal: «Bon… ici chez nous, le travail qu’on fait n’est pas simple. Vous voyez tous ceux qui sont assis là-bas? On fait exactement le même boulot et nous vivons de cela depuis des années. Nous prenons des sommes d’argent chez nos patrons pour les prêter aux personnes qui en ont urgemment besoin. Comme nous aussi on doit vivre de cela, nous déballons les conditions et si le «client» est d’accord, il dépose le matériel qu’il met en gage. Il nous dit quand il pourra rembourser l’argent. Nous établissons une reconnaissance de dette avec notre pourcentage sur la somme prêtée ; le client nous remet son matériel qu’il met en gage et nous lui donnons l’argent. Il remet les 5% ou 10% de la somme reçu à l’intermédiaire qui l’a amené chez nous. Et plus tard, il doit nous rembourser la somme qu’il a empruntée avec 30% d’intérêt».
C’est le moment pour nous de poser les questions qui dérangent: «Quoi ? En plus de prendre le matériel de l’intéressé, vous récupérez aussi 30% de la somme qu’il vous doit ? Ce n’est pas trop élevé ça ? C’est parce que nous sommes démunis que nous venons vous voir ce matin et si, à la fin, nous devons vous rembourser avec 30% en plus, est-ce que nous allons nous en sortir?». Notre homme revient à la charge: «Tu sais, nous aussi c’est notre travail comme ça. Nous vivons des pourcentages que nous imposons sur les prêts. Ici ce n’est pas comme à la banque où il faut passer des semaines avant d’avoir son prêt. Tu viens, tu dis ce que tu veux; ce que tu peux donner comme garantie, le délai de remboursement, etc. Nous tombons d’accord sur les conditions. Tu déposes le matériel que tu veux mettre en gage. Nous le mettons dans notre garage. Nous élaborons ta reconnaissance de dette; nous te remettons l’argent que tu veux et nous attendons que tu reviennes faire le remboursement pour récupérer ton matériel. C’est avec ça qu’on nourrit nos familles! ». Sonneries de portable dans la poche de notre interlocuteur. Il enlève l’appareil de sa poche, sans nous dire mot, commence une longue causerie. Les échanges l’amènent jusqu’à plus de cent mètres de nous. Une affaire de centaines de milliers de francs «sapsap». Deal ok. Un lieu de rendez-vous est donné à son correspondant au téléphone. Il raccroche et revient vers nous: «Mon frère, on ne va pas faire sap sap? J’ai une affaire assez urgente à gérer vers Tampouy. Tu veux combien et tu vas déposer quoi comme gage?» Il commence à faire le tour de notre engin à deux roues. Se courbe pour vérifier les pneus.Quand nous décidons d’aller droit au but: «Bon voilà! Nous avons besoin de 75.000 F CFA». «Et en plus, ce n’est même pas une grosse somme!», répondit notre homme avant de continuer en ces termes: «On peut gérer ça tout de suite hein ! C’est la moto que vous déposez?» «Non, mon frère, la moto fait plus de 500.000 F CFA. On ne peut quand même pas donner ça pour 75.000 F !» Répondons-nous immédiatement. Les choses sérieuses commencent. Le Smartphone ? Le Ipad ? Notre télé ? Notre montre ? Notre interlocuteur commence à se lasser. Aucun de ces objets ne mérite son «soutien». «Ce sont des machines qui se gâtent vite… Par principe, nous ne prenons jamais en gage du matériel électronique, électroménager ou informatique. Il y a eu des antécédents. Le client, quand il vient payer, pour se venger de nous, peut dire que sa télé ne marche plus ou que son Ipad ne marche plus… On fait comment dans ce cas ? Beaucoup d’entre nous ont eu à répondre de cela devant la police. Vraiment, mon frère, je veux t’aider hein, mais nous on ne prend pas tout ce que tu as cité… Si c’était cette moto, par exemple, on la fait entrer au garage et je verse l’argent tout de suite».
Nous décidons de lui proposer «du concret» comme il l’a demandé: «Vous prenez au moins les bague en or ? Je peux mettre en gage l’alliance que j’ai au doigt?». Un bref regard sur ma main et le visage de notre homme commence à se durcir… mais il essaie de faire néanmoins un dernier effort: «Mon frère, ça c’est dangereux… affaire de bague en or-là, c’est compliqué. Si ça se perd, c’est vous qui allez nous convoquer à la police. C’est mieux d’aller voir un bijoutier pour cela. C’est eux qui acceptent de prendre l’orcomme garantie».
Notre homme prend congé de nous. Il rejoint le groupe assis face à la SOBCA. Deux personnes dudit groupe se détachent pour le suivre du côté de la station Shell. Des minutes d’entretien… Ils nous jettent un coup d’œil furtif. Chacun des deux jeunes hommes lui tend une liasse de billets… une autre affaire qui commence avec plein de «bénéfices». Plus une seconde pour nous… notre deal ne les arrange pas !
Mission échouée. Nous décidons de recontacter notre «informateur» afin qu’il nous trouve un autre usurier capable de résoudre notre problème. Quelques appels téléphoniques et le tour est joué. Rendez-vous au marché de Gounghin… Là-bas, se trouve un jeune homme que nous nommerons Seydou. «Il peut même avoir 20 millions pour vous, si vous avez de quoi garantir le prêt», prévient notre contact. Il nous passe le numéro de celui qui sera peut-être la solution à notre problème. Notre interlocuteur s’exprime bien en français… des minutes pour planter le décor, pour mieux cerner notre problème; c’est aussi ok avec lui. Rendez-vous le lendemain à 10h au marché de Gounghin pour «gérer notre situation».

«La carte grise de votre moto seule ne suffit pas comme garantie»
Vendredi 11 septembre. 9h55. Nous sommes au marché de Gounghin. A la première tonalité de téléphone, Seydou décroche notre appel. Nous indique le lieu du rendez-vous. Quelques renseignements pris de gauche à droite et nous sommes sur les lieux. Une petite boutique en tôle. Nous prenons place sur un petit banc qui commence à craqueler sous notre poids, juste le temps de faire connaissance avec Seydou et de détailler notre situation et nos besoins. Tout allait bien. La somme demandée n’est pas un souci comme signalé la veille par notre «informateur». Le hic c’est au niveau de la garantie. Seydou a le niveau BEPC. Né d’un père commerçant, il a très vite eu un faible pour l’argent liquide.Il s’est lancé dans la vente de céréales et les affaires marchent bien pour lui, mais «l’argent ne suffit jamais oh», nous lance-t-il entre deux petits rires.


 

Seydou s’empresse de nous informer que c’est le magasin de motos que le vieil homme vient d’ouvrir… un magasin qui abrite au moins 30 engins à deux roues âgés en moyenne de 4 ans et dont les prix varient entre 300.000 et 1 million de F CFA. (DR)
Seydou s’empresse de nous informer que c’est le magasin de motos que le vieil homme vient d’ouvrir… un magasin qui abrite au moins 30 engins à deux roues âgés en moyenne de 4 ans et dont les prix varient entre 300.000 et 1 million de F CFA. (DR)

Et de continuer: «J’ai connu le vieux ça fait plus de 5 ans. Il aide les gens qui ont des problèmes d’argent depuis plus de 10 ans hein. Il est très riche aujourd’hui. Il a acquis une dizaine de parcelles grâce à cette affaire-là. Moi je suis juste un intermédiaire, je conclue le deal avec les demandeurs. Ils me disent ce qu’ils veulent comme argent et ce qu’ils ont comme gage. Je leur dis ce qu’ils doivent donner en retour et les conditions,par exemple, si tu demandes 100.000 F CFA, tu me verses 10% de la somme dès que le vieux te donne les 100.000 F. Tu dois rembourser l’argent au vieux avec un intérêt de 30%. Donc tu me donnes 10.000 F pour mon intervention. Tu déposes ta moto et les pièces de ta moto. Le vieux va mettre la moto dans le garage. Quand le délai arrivera, tu vas verser 130.000 F CFA au vieux. Si tu ne respectes pas le délai donné, le taux d’intérêt pourrait passer de 30% à 60% et même plus. Et si tu tardes à payer, vu que tu as signé une reconnaissance de dette et que ta moto et toutes tes pièces ont été confiées au vieux, ta moto devient sa propriété et il a la latitude de la vendre au prix qu’il voudra».
Voici le deal expliqué en quelques mots par notre nouvel interlocuteur. Nous n’avons pas le choix. Nous décidons d’aller plus loin. Notre homme compose le numéro du vieux et lui signale notre présence. Nous entendons des bribes de voix de l’autre côté de la ligne. Une voix entrecoupée par des quintes de toux. Quarante secondes d’échanges avec le vieil usurier et notre interlocuteur revient à nous: «Il dit que c’est un petit problème… qu’il croyait que c’était une affaire de millions. Il demande qu’on traite le temps qu’il arrive. Il est allé chercher de la kola sous l’arbre que vous voyez là-bas». C’est le moment de discuter… Nous n’avons aucune intention de mettre notre moto en gage. Nous proposons plutôt de mettre en gage la carte grise de ladite moto. Notre interlocuteur lance un long soupir appuyé par un « là, c’est compliqué!». L’affaire commence mal et n’aboutira pas certainement. Il continue en ces terme : «J’avais pourtant dit à Moussa de vous donner toutes les informations. On ne peut pas prendre seulement des papiers. Il faut l’engin comme garantie. Sincèrement, mon frère, le vieux n’acceptera jamais de prendre la carte grise de votre moto». Sa phrase est ponctuée par l’arrivée d’un vieil homme qui semble avoir égrené plus de 70 ans de vie. 1m60 de taille à peu près. Il est vêtu d’un boubou qui semble avoir vécu plusieurs vies,un boubou rapiécé avec des morceaux de tissus tirés d’au moins dix pagnes différents.
Le vieil homme marche de façon nonchalante. Mais ce qui est bizarre, c’est le respect qu’on lui voue au marché. Un respectégalement sans pareil. Tous s’inclinent devant lui. C’est l’argent qui parle. Tout laisse croire que c’est notre homme. A sa vue, Seydou se lève pour lui tendre la chaise, le vieil homme, lui, est plutôt assez direct. Il va donc droit au but: «Vous vous êtes compris? On fait entrer la moto ?». «Non, papa, on ne s’est pas encore compris. Il dit qu’il ne peut pas déposer sa moto vu que c’est avec ça qu’il fait ses courses. Il veut déposer plutôt sa carte grise», répondit Seydou. Notre hôte, après avoir croqué sa kola blanche à pleine dent, nous lance un «ce n’est pas la peine» et nous tourne le dos. Il se dirige vers un magasin dont il ouvre la porte aussitôt.
Seydou s’empresse de nous informer que c’est le magasin de motos que le vieil homme vient d’ouvrir… un magasin qui abrite au moins 30 engins à deux roues âgés en moyenne de 4 ans et dont les prix varient entre 300.000 et 1 million de F CFA. Et d’ajouter: «Il a un carton plein de cartes grises, de chèques et autres documents qui ont permis à beaucoup d’avoir des prêts avec lui. Ces personnes, après avoir eu l’argent, ont fait des déclarations de perte desdits documents à la police et finalement, les autorités leur livrent de nouveaux documents et ils ne viennent plus rembourser ce qu’ils avaient pris comme prêt. Mon frère, on est des humains comme vous, mais c’est l’homme qui rend l’homme méchant. Sincèrement, le vieux n’acceptera jamais une simple carte grise de moto comme garantie. Si tu donnes une voiture, une moto, un permis d’habiter ; ça marche sinon vraiment».
Le vieux vient de faire sortir une moto du magasin, il la démarre, vient vers nous, demande que nous nous entendions avant de l’appeler et conclut par un «je vais chercher du benga à manger». Il n’y aura pas de «transaction».
Nous nous excusons auprès de Seydou et démarrons pour un autre rendez-vous devant la salle de Ciné de Wemtenga. Trente minutes de route et enfin devant «le ciné coco taillé de Wemtenga». Notre nouvel interlocuteur arrive aussitôt. Jeune homme bien bâti. Teint clair. La trentaine environ, il se déplace sur une moto «135», cet engin à deux roues ayant une valeur de plus d’un million. A chaque mouvement de main, ses gourmettes en or annoncent leur présence de parleur éclat et le fin bruit qu’elles font. Notre homme «sent l’argent», comme on aime le dire des personnes assez friquées. Il est d’une arrogance têtue. Ne dit-on pas que c’est l’argent qui parle? Lui, il est assez direct. Il ne parle pas en termes de moto de moins de 1 million. Ce qui l’intéresse, ce sont les clients qui ont des véhicules ou des parcelles à mettre en gage. «Mon patron est banquier. Lui, il gère sap sap. Si tu as une parcelle ou une voiture qui est dans l’argus comme garantie, tout va vite. On fait les papiers. On monte le dossier. Et pendant que notre expert évalue la parcelle ou le véhicule, nous te versons 25% de la somme que tu demandes. Dès que l’expertise est ok et que la valeur de la garantie peut couvrir le prêt, nous te versons le reste. A la fin, tu dois nous rembourser la somme prêtée avec un intérêt de 30% dans un délai allant de 1 mois à 3 mois. Si ce délai n’est pas respecté, nous vendons ce que tu as mis en garantie avec aucune possibilité de nous amener devant la police où la gendarmerie. Les documents signés attestent que tu nous dois et que tu paieras dans les délais».
La situation se complique. Faut-il aller plus loin en lui donnant les documents d’une parcelle pour mieux comprendre ce milieu de requins et de «profiteurs» ? «Non», nous dira notre informateur qui continuera en ces termes: «Mon père qui a évolué plus de 15 ans dans ce milieu, nous a dit une fois que ceux qui donnent leurs parcelles comme garantie arrivent rarement à rembourser la somme qu’ils ont empruntée. Il m’a dit que les usuriers ont des marabouts qui leur donne des «crissi» et des talimans pour leur permettent de bloquer les affaires de leurs clients et de garder leurs biens. Tu leur donnes une parcelle de 12 millions pour emprunter 6 millions. Et tu dois leur rembourser 7 millions 800.000 francs. Si tu ne rembourses pas ladite somme après le délai imparti, tu deviens encore plus pauvre parce que tu perds ta parcelle. C’est de l’arnaque. C’est du vol. De l’argent facile qui ne leur sert finalement pas. Ce sont des gens qui finissent dans la misère. Dieu même a interdit cette pratique dans le Coran. Un bon musulman de doit pas être usurier». Mais ce n’est pas pour autant que nous laisserons tomber l’affaire… Nous décidons de continuer l’aventure. Pourquoi ne pas tenter le coup du véhicule.

«C’est du vol, de l’escroquerie…»
Un usurier assez connu à Ouagadougou a élu bureau à quelques pas du siège d’une structure financière sis au Ciné Burkina. Il y est installé depuis plus d’une dizaine d’années. Nous le nommerons Gaoussou. Ses affaires prospèrent. En plus de son activité traditionnelle, il a également la possibilité de facilité l’accès à la liquidité via les sociétés financières qui octroient du matériel électroménager à crédit. Un fonctionnaire de l’Etat ou un travailleur du privé qui a besoin de liquidité fait une demande à son service pour acquérir du matériel. Notre usurier aide à formaliser le deal. A la fin de l’opération, l’usurier garde le matériel pris et remet la somme demandée au «client». Par exemple, si la Télé coûte 400.000 F CFA, elle servira de garantie. L’usurier garde la télévision. Et remet 300.000 F en liquide au client. Celui-ci signe un engagement qui dit qu’il doit 300.000+30% de 300.000 F à l’usurier pour «achat de télévision à crédit».
Il est 10h45 à Ouaga. Nous voilà devant «la banque» de Gaoussou. Un petit regard panoramique et eurêka ! Notre homme est bien là… vêtu d’un «bazin riche». Les gourmettes qu’ils portent rivalisent en éclat. Or, argent, s’allient pour le faire scintiller comme ces gars du système blingbling. Son parfum est piquant. On sent un homme qui vit. Chaque phrase qui sort de sa bouche est un ordre donné à cette dizaine d’hommes autour de lui. Des hommes dont les âges varient entre 25 et 50 ans. Ses employés, coursiers, intermédiaires, etc. Gaoussou ne nous serrera pas la main.Juste un petit bonjour qui a eu du mal à sortir de sa bouche. Ensuite on passe au deal. «Votre moto-là ne vaut pas les 400.000 F CFA que vous demandez hein, mais on va voir. Nous avons vu le papier de la moto aussi. Il n’est pas à votre nom, mais plutôt au nom de votre compagne. Pouvez-vous la faire venir s’il vous plait pour concrétiser les choses?». 12h45. Le caissier me tend une liasse de billets qu’il me demande de compter. Cinq minutes de compte et c’est ok. «Ça fait 400.000 F CFA». Il nous demande de signer une reconnaissance de dette à travers laquelle nous reconnaissons devoir la somme de 520.000 F CFA à sa structure, soit 120.000 F comme intérêt (les 30%). L’opération vient d’être bouclée. A la porte, «l’usurier margouillat» qui nous a introduits réclame 10% des 400.000 F CFA comme désintéressement. Finalement l’usurier garde la moto et tous les documents y afférant. Nous retournons avec 360.000 F à la maison. Et devons lui reverser la somme de 520.000 F dans au plus tard 1 mois, sinon, la moto sera vendueà bas prix au premier venu.
Avant de nous en aller, nous tenons à être rassurés que ladite moto ne sera pas utilisée par nos «prédateurs» durant la période impartie. L’intermédiaire du deal nous rassure qu’il n’en sera rien. «La moto sera garée sous l’arbre ici. Vrai vrai là, personne n’ose toucher aux engins mis en gage».«Faux», nous rétorquera quelques jours plus tard madame Sanon. «J’ai eu affaire à eux une fois.
Ils ont commencé à me harceler dès la veille de la date limite. J’ai couru partout, je n’ai pas pu avoir la somme à temps. Finalement, c’est un mois plus tard que j’ai pu rembourser cet argent. Et vous savez combien j’ai versé au bout? Pour un prêt de 2 millions, je leur ai reversé finalement 3.200.000 F CFA. Leur taux d’intérêt est passé de 30% à 60% et cela juste parce que j’ai fait un retard de 1 mois.
Mais ce qui m’a fait mal, c’est l’état de ma voiture quand je suis allée la récupérer dans un coin vers Ouaga 2000. Elle était cabossée. Rétroviseurs, vitres et autres cassés… Quand je me suis plaint, ils m’ont dit que personne n’a utilisé mon véhicule. Ils m’ont dit qu’il a été garé durant tout ce temps… C’est du vol, de l’escroquerie».Nous ne vivrons heureusement pas la même mésaventure que madame Sanon. 72h plus tard, après d’âpres négociations, nous arriverons à «libérer» notre moto. Le taux d’intérêt a été légèrement revu à la baisse.

Quand le bon samaritain devient le bourreau
Durant notre brève plongée dans le monde des usuriers, nous avons pu rencontrer de nombreux citoyens qui ont une fois eu recours à ces banquiers du marché noir et beaucoup s’y sont brûlé les ailes. Sali, vendeuse de robes prêt-porter, a eu recours à un usurier afin de pouvoir acheter cash son premier lot de marchandises. Le délai passé, elle a subi une pression tellement forte de l’usurier que finalement elle a dû emprunter ailleurs pour pouvoir gérer la situation, mais finalement, elle a dû vendre sa moto pour s’en sortir. Pour elle, c’est un cercle infernal. Mieux vaut ne pas y entrer. «Quand tu fais un retard sur le délai de remboursement, le taux d’intérêt est automatiquement multiplié par 2. On ne peut pas s’en sortir. Ce sont des escrocs», nous dira la jeune dame, après un long soupir.
Hamed, lui, dit maudire le jour où il est entré en contact, dans un kiosque, avec le jeune qui l’a amené chez cet usurier qui a ruiné sa vie. «Ma mère était sérieusement malade. J’ai couru partout. Personne n’est venu à mon secours. Un jour, au kiosque, dans mon quartier, j’ai abordé le sujet et un jeune m’a dit qu’il avait un ami qui pouvait m’aider à gérer cette situation. Je l’ai écouté. C’était tellement simple. J’ai pris les sous. J’ai donné ma parcelle en garantie. J’ai remis 10% du prêt au jeune qui m’a mis sur l’affaire. Finalement, la somme ne m’a pas permis de régler mon problème. Je n’ai pas pu rembourser la somme à temps. Le délai était de 3 mois. Ils ont fait pression sur moi dès le milieu du deuxième mois. J’ai couru partout mais rien. Finalement, quand j’ai eu l’argent qu’ils m’avaient prêté avec les 30% en plus, je suis allé les voir; mais c’était trop tard. Ils avaient vendu mon terrain. J’ai fait le tour des commissariats et gendarmeries, rien ! J’ai perdu mon terrain comme ça ! J’ai tout perdu. J’ai dû repartir de zéro».
Salif, lui, déteste cette pratique plus que tout au monde et avec juste raison: «Quand je suis allé voir le monsieur, il m’a dit qu’il pouvait me donner les 500.000 F que je demandais, à condition que je lui verse en plus un certain pourcentage. Moi je ne sais pas lire. Je ne sais pas écrire non plus. Ils m’ont donné un document à signer.
Moi j’avais besoin d’argent sapsap. J’ai signé, j’ai pris mon argent. Je suis allé prendre ma marchandise, mais finalement mes affaires n’ont pas marché. J’avais donné un délai de 2 mois. Et le jour net, il m’a appelé pour réclamer son argent. Ça m’a fait mal et on s’est rentré dedans et puis un jour la police m’a appelé. Convocation pour non-paiement de dette. Je suis allé. Il était là-bas dans son grand boubou».
Un long soupir… et une petite parenthèse: «Ces gens-là méritent pire que l’enfer. Ils sont pires que des voleurs. Ils pillent les pauvres. Ils profitent de la pauvreté des gens pour les anéantir». Ensuite, notre homme continue à raconter sa mésaventure. «L’escroc-là a dit ce qui s’est passé, mais il n’a pas dit toute la vérité. Il a dit que je lui devais 650.000 F. Vous voyez comment c’est malhonnête. J’ai dit à l’agent de police que j’ai pris plutôt un prêt de 500.000 F et qu’en son temps, j’avais tellement chaud que je n’ai pas pris le temps d’écouter les conditions. Il m’appelle pour me dire que je lui dois 650.000 F. J’ai dit que c’était plutôt 500.000F. Nous nous sommes tiraillés et voilà! Le policier a demandé à mieux comprendre et c’est là qu’il lui a parlé de 30% de commission.
Ce jour-là, le policier lui a dit que c’est lui-même qui devait être coffré pour activité interdite. Il nous a dit que cette pratique était interdite et même sanctionnée par la loi. Voyant que l’affaire devenait bizarre, l’usurier a décidé de se retirer très rapidement. Quelques jours après, j’ai entendu dire que le commissaire qui nous a reçus a été rabroué par son supérieur parce qu’il n’a pas traité le dossier jusqu’au bout en m’obligeant à payer».

Samdpawendé GOULOUBIDA


 

Une pratique condamnée par l’Islam

Les religions monothéistes condamnent cette pratique qu’est l’usure. A travers le verset, suivant, le Coran donne sa vision de cette pratique : «Ceux qui mangent [pratiquent] de l’intérêt usuraire ne se tiennent (au jour du Jugement dernier) que comme se tient celui que le toucher de Satan a bouleversé.
Cela, parce qu’ils disent: «Le commerce est tout à fait comme l’intérêt».
Alors qu’Allah a rendu licite le commerce, et illicite l’intérêt.
Celui, donc, qui cesse dès que lui est venue une exhortation de son Seigneur, peut conserver ce qu’il a acquis auparavant; et son affaire dépend d’Allah.
Mais quiconque récidive… alors les voilà, les gens du Feu!
Ils y demeureront éternellement.
Allah anéantit l’intérêt usuraire et fait fructifier les aumônes.
Et Allah n’aime pas le mécréant pécheur.»


 

«Si on n’existait pas, beaucoup de gens allaient fuir Ouaga»

«Si on n’existait pas, beaucoup de gens allaient fuir Ouaga et rentrer au village. Je n’imagine pas le nombre de personnes que nous sauvons tous les jours. Cela va de dizaines de milliers de FCFA à des millions de F CFA. L’homme est ingrat. Tu viens chez nous pour demander notre aide. Nous t’aidons sans tergiverser ; ici ce n’est pas comme en banque. Tu demandes l’argent aujourd’hui, il n’ya pas d’aller et revenir. Si tu as la garantie, nous te versons les sous. Au début, nous donnons les prêts juste avec en contrepartie des garanties comme des chèques, des documents de moto, voitures, PUH et autres… mais façon on nous a eus. Beaucoup nous ont donné des faux documents et n’ont finalement pas remboursé ce qu’ils nous devaient. Ils ont fait des déclarations de pertes et ont pu avoir de nouveaux documents. Finalement, la police fait une descente dans notre magasin et nous attaque pour recel, vol d’engins… Nous sommes obligés de leur remettre leurs engins sans un sou en échange. C’est pour cela que nous exigeons depuis quelque temps des garanties telles que des parcelles, des véhicules, des engins à deux roues avec les documents et aussi une reconnaissance de dette. C’est encore plus sûr. Les 30% que nous prenons comme intérêt, c’est notre bénéfice sur le deal. C’est de cela que nous vivons». Témoignage de Hamidou, usurier de son état depuis plus de 10 ans.
A la question de savoir l’origine des sommes d’argent qu’ils prêtent, notre homme, après une brève pose, se lance encore: «Moi, j’ai un ami banquier. J’ai des amis commerçants. Il y en a qui prennent leur fonds de commerce chez des DAAF, des comptables. Il y en a qui utilisent l’argent de tontines.».
Salif, lui, garde un amer souvenir d’un deal qui, au début, sentait bon: «Un matin, un homme est venu me voir pour un prêt de 350.000 F CFA. N’ayant pas cette somme d’argent, je l‘ai conduit chez un ami. Il est venu ce jour-là avec une moto Yamaha d’origine. Il nous l’a donnée en gage avec tous les documents. Nous n’avons pas vérifié le nom sur la carte grise et la facture dudit engin. Tout se passait bien donc, jusqu’à ce que, 48 heures plus tard, l’homme se présente chez moi avec une convocation de la gendarmerie. Je m’y suis rendu le lendemain. Les gendarmes ont voulu m’enfermer pour recel de moto; mais après explications, une autre convocation a été faite, mais celle-ci était plutôt adressée à mon ami usurier. Ce dernier quand il s’est rendu à la gendarmerie a été retenu pendant plus de 72h. Et vous savez pourquoi? La moto appartenait à l’épouse du monsieur. Et c’est cette dernière qui a déposé une plainte contre nous pour vol d’engin. Ils ont demandé que nous remettions ladite moto à son véritable propriétaire. Ce que nous avons fait finalement, mais l’affaire ne s’est pas arrêtée là. Quand mon ami a été libéré, il a déposé une plainte contre l’époux de la femme, le monsieur qui avait contracté le prêt. Ce dernier a été entendu et retenu à la gendarmerie. Et le comble, c’est que sa femme a dû prendre un engagement avec la gendarmerie afin de rembourser la somme qu’il nous devait. C’est après cela qu’il a été libéré. Nous ne sommes pas des mauvaises personnes. Nous aidons comme nous pouvons. Aucune banque ne peut donner de l’argent aussi facilement et aussi rapidement que nous!»
Ce business qui ne date pas d’hier continue son émergence sur un marché encore plus réceptif avec la crise de la vie chère. Il est devenu la solution ultime et le dernier recours pour nombre de Burkinabè qui ont le dos au mur. En attendant la mise en application des textes en vigueur dans le domaine des prêts bancaires et assimilés, cette niche parallèle au fort potentiel continuera d’attirer davantage de prêteurs en quête d’argent facile et un nombre de plus en plus croissant d’emprunteurs qui, sans le vouloir réellement, ont choisi de flirter avec la faillite.

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RAF
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2 commentaires

  1. Bonsoir,
    Ne perdez jamais espoir car l’heure de Dieu est la meilleur
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