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Tribune

Les banques centrales sont-elles à bout de munitions ? – Par Adair Turner –

LONDRES – L’économie mondiale est confrontée à une insuffisance chronique de la demande nominale. Au Japon, la croissance est proche de zéro et l’inflation minimale. Dans la zone euro, le taux d’inflation est à nouveau négatif, en Grande-Bretagne elle est nulle et la croissance diminue. La situation est un peu meilleure aux USA, bien que le redémarrage après la crise financière de 2008 reste décevant, le chômage y est encore supérieur à ce qu’il était en 2007 et l’inflation n’atteindra pas avant plusieurs années le taux de 2%, ciblé par la Réserve fédérale.
Mais le débat sur les mesures qui pourraient relancer la demande est confus et omet les questions clés. A Shanghai, les ministres des Affaires étrangères du G20 se sont engagés à recourir à tous les outils possibles (structuraux, monétaires et budgétaires) pour doper la croissance et éviter la déflation. Mais beaucoup des principaux acteurs préfèrent insister sur ce qu’ils ne peuvent pas réaliser que parler de ce qu’ils peuvent faire.
Si le problème essentiel est l’insuffisance de la demande mondiale, seules des mesures monétaires ou budgétaires peuvent y remédier. Néanmoins, les banques centrales ont raison de souligner les limites des mesures monétaires à elles seules.
La Banque du Japon a récemment adopté des taux d’intérêt négatifs et la semaine prochaine la Banque centrale européenne pourrait abaisser encore son propre taux en zone négative ou lancer une phase supplémentaire de relâchement monétaire. Mais ces leviers n’ont guère d’impact sur la consommation et l’investissement dans l’économie réelle.
Les taux d’intérêt négatifs doivent inciter en principe les entreprises et les ménages à recourir au crédit. Mais si les banques ne veulent pas imposer des taux négatifs à leurs déposants, il peut en résulter un effet pervers : elles pourraient augmenter leurs taux de prêt pour maintenir leurs marges face aux pertes sur leurs propres dépôts auprès des banques centrales.
Ainsi que l’a noté Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, les taux d’intérêt négatifs ne doivent servir qu’à stimuler l’ensemble de la demande mondiale et non à la déplacer d’un pays à un autre par une surenchère à la dévaluation ; mais il n’est pas dit que ce soit efficace. Et il n’est pas sûr que davantage de relâchement monétaire conduise à des changements de comportement dans l’économie réelle.
Autrement dit, la demande nominale n’augmentera que si la fiscalité diminue ou si la dépense publique augmente, c’est-à-dire selon l’expression de Milton Friedman, si l’on injecte directement la nouvelle demande «dans le flux des revenus». Or, beaucoup de gouvernements se sentent incapables de faire cela.
Le ministère des Finances du Japon est convaincu qu’il faut réduire l’important déficit budgétaire du pays en augmentant la TVA à partir d’avril 2017. Les règles de la zone euro imposent à ses membres de réduire leur déficit. En Grande-Bretagne, George Osborne, le ministre des Finances, est lui aussi déterminé à réduire – non à accroître – le déficit budgétaire.
Le discours officiel consiste à dire que les pays qui ont encore une marge de manœuvre budgétaire devraient l’utiliser. Mais il n’y a aucune raison de penser que les pays qui sont dans cette situation, notamment l’Allemagne, feront quoi que ce soit. Et il n’est même pas sûr que si tous les pays qui le peuvent le faisaient, cela stimulerait suffisamment la demande mondiale. Ces impasses alimentent la crainte que nous nous retrouvions «sans munition» pour redresser une croissance inadéquate et combattre le risque de déflation. Mais si notre problème est l’insuffisance de la demande nominale, une mesure est toujours efficace : si un déficit budgétaire important est financé non pas par une dette supplémentaire porteuse d’intérêts, mais avec l’argent de la banque centrale, la demande nominale va augmenter et générer une hausse de l’inflation et de la production réelle.
C’est pourquoi on discute de plus en plus de la création de monnaie (parfois appelée «largage par hélicoptère»). Mais le débat est criblé d’idées fausses.
On dit souvent que la monétisation d’un déficit budgétaire obligerait les banques centrales à maintenir en permanence des taux d’intérêt très bas, une stratégie qui aboutira nécessairement à une inflation excessive. On dit en même temps (ce sont parfois les mêmes) que le financement monétaire ne stimulera pas la demande parce que les consommateurs craindront l’apparition d’un impôt supplémentaire sous forme d’inflation.
Ces deux affirmations ne peuvent être vraies simultanément – en fait aucune ne l’est. Une création de monnaie très limitée pour financer un déficit budgétaire n’aurait qu’un faible impact sur la demande nominale, tandis que la création de monnaie à grande échelle entraînerait une inflation dangereuse. Quelque part entre les deux, il existe un équilibre optimal, c’est là une idée de bon sens qui est souvent absente du débat.
Dans toute cette confusion, on oublie le problème politique le plus important: pouvons-nous concevoir des règles et attribuer les responsabilités voulues à des institutions, de telle sorte que le financement monétaire soit utilisé à bon escient, avec toute la modération et la rigueur nécessaire, ou bien la tentation d’en abuser sera-t-elle irrésistible ? Si l’irresponsabilité politique est une donnée intangible, nous sommes à court de munitions que nous pourrions utiliser sans nous faire exploser avec. Mais si comme je le crois, nous pouvons faire preuve de rigueur, nous devons commencer à reformuler les règles et à revoir l’allocation des responsabilités institutionnelles.
Une chose est sûre: compter exclusivement sur des mesures monétaires, sur des réformes structurelles ou encore sur des mesures budgétaires appliquées par des gouvernements persuadés que tout déficit doit être financé par la dette ne mettra pas fin à l’insuffisance chronique de la demande.

Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Copyright: Project Syndicate, 2016.
www.project-syndicate.org


Souligner les réformes qui porteront fruit

Les banques centrales soulignent fréquemment les limites de leur pouvoir et se plaignent du manque d’avancées en faveur de «réformes structurelles» – une expression fourre-tout qui fait tout aussi bien référence au libre-échange, aux réformes du marché du travail et des produits qu’aux mesures destinées à résoudre les problèmes budgétaires à moyen terme, tels que l’augmentation de l’âge de la retraite.
Si certaines de ces mesures peuvent favoriser la croissance potentielle à long terme, pratiquement aucune ne peut avoir d’impact sur la croissance ou l’inflation dans un horizon de un à trois ans.
Certaines réformes structurelles comme l’augmentation de la flexibilité du marché du travail (par exemple en facilitant les licenciements) pourraient avoir au début un effet néfaste sur la confiance des consommateurs et sur leurs dépenses. Dans l’idéal, il faudrait s’abstenir de toute référence vague à des «réformes structurelles», chacun devant préciser de quelles réformes il s’agit et le temps au bout duquel elles porteront leurs fruits.

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