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Boukaré Keita: le retour à la terre d’un commerçant de céréales

Boukaré Keita, posant à côté d’un pied d’anacardier. Le producteur est à l’essai sur cette culture. (DR)

A la recherche d’un interlocuteur dans la région de Sapouy, pour nous parler de la commercialisation des produits agricoles, nos renseignements nous ont conduit auprès de Boukaré Keita. Il a une lourde expérience du secteur. Ce natif de Sankar yaré, à Ouagadougou, est actif dans le commerce des céréales depuis 28 ans.

Il a fait ses classes auprès de ses oncles commerçants de céréales dont le plus célèbre était Ladji Ali Sana. C’est ainsi qu’il se consacra à son métier au détriment de l’école qu’il a abandonnée en 1992. Il s’est définitivement installé avec sa famille à Sapouy, du côté du village de Nevry, à environ 100 kilomètres de la capitale. Une zone propice à l’agriculture. Le commerçant est devenu agro-sylvo-pasteur.

L’Economiste du Faso : Comment êtes-vous arrivé ici, à Sapouy ?

Boukaré Keita : Pendant que j’étais actif dans la commercialisation des produits agricoles, j’ai acheté cette brousse (il nous montre plus d’une dizaine d’hectares clôturés avec des espaces en jachère et d’autres mis en valeur plus de 15 ans). Je ne l’exploitais pas. Il y a environ 15 ans, j’ai constaté qu’il y avait un ralentissement au niveau des activités commerciales. Je me suis dit, pourquoi ne pas produire ? Voilà comment de commerçant, je suis devenu producteur.

Mais parlez-nous de la commercialisation des céréales. Comment ça se passe concrètement, sur le terrain ?

La commercialisation des céréales au Burkina,  c’est le principe d’achat-vente. Il faut d’abord avoir l’expérience, des moyens financiers. Une fois que tu as les semences et les moyens financiers, le reste, ça va.

Où est-ce qu’on trouve ces moyens en tant que commerçant presque dans l’informel? Comment faites-vous avec votre fonds de campagne ?

Généralement, on part de presque rien. Moi, par exemple, quand j’ai quitté mes oncles, j’ai commencé avec moins de 500. 000 FCFA. C’est de l’argent que j’avais mis de côté quand je travaillais avec mes oncles. Avec cet argent, j’achetais et je revendais et certains moments, je pouvais compter  jusqu’à 20 millions FCFA! Sinon, ce n’est pas un héritage (rires).

Pour les achats, avez-vous des zones, ou avez-vous des intermédiaires?

Il faut les deux. Il faut cibler les zones d’achat et aussi avoir des intermédiaires. Par exemple,  on partait à Pouytenga acheter  l’arachide, le pain de singe, le tamarin pour les expédier à Bamako. Il faut aussi des relais. Il y a des femmes qui collectent tous les trois jours, chez qui je partais prendre. On ne trouve pas toujours toutes les céréales au même endroit. J’ai fait mon verger pour la production de l’anacarde, mais pas pour commercialiser.

Que produisez-vous concrètement sur vos 32 hectares ?

C’est de l’agro-sylvo-pastoral (il commence une énumération avec ses doigts). Quand tu fais les arbres, c’est sylvo. Pastoral : il faut faire du bétail ; l’élevage et tu es obligé d’associer l’agriculture. Car, c’est la base. J’ai un champ de plus d’un hectare de maïs, plus de 5 hectares de sorgho, un hectare de haricot, près de 12 hectares d’anacarde et j’ai quelques têtes de moutons et de chèvres avec le petit frère, j’ai des poules ! Donc, je peux dire que je suis agro-sylvo-pasteur (rires).

Avec tout cela,  peut-on dire que vous êtes un homme heureux ?

Dire que je suis un homme heureux, c’est trop dire. Je suis un homme indépendant. Déjà, cela me rend heureux. Je vais où je veux. Je peux mener l’activité qui m’enchante comme je veux. Donc, je suis à l’aise.  Hadja Mamounata Vélegda est l’une de mes patronnes à Sankaryaré. Quand elle avait  des marchés, elle me contactait pour que je les fasse pour elle. Il y a eu des moments où c’est moi qui partais au Mali, pour payer les céréales et venir lui donner pour qu’elle livre à ses clients. C’était le bon vieux temps.

L’année dernière, on a vu que la campagne n’était pas bonne, et le gouvernement avait bloqué un peu l’exportation des céréales. Comment appréciez-vous ces genres de mesures ?

Ce sont des mesures très importantes. A un certain moment, si vous voyez qu’en faisant sortir ces céréales, votre population va en souffrir, il faut renoncer, car c’est un sacrifice.

Qui ne veut pas de bénéfices ? Mais si le bénéfice appartient à un certain nombre de personnes et la population risque de souffrir, il vaut mieux bloquer. C’étaient des mesures un peu dures pour certaines personnes, mais c’est salutaire pour les populations.

Un mot sur cette campagne qui tire vers sa fin. Pensez-vous qu’elle sera bonne ?

Contrairement à l’année passée, la campagne sera bonne. On espère que nous allons nous en sortir. Nous aimerons que le gouvernement accompagne toujours les producteurs (agriculture, élevage, sylviculture) directement. Souvent, on entend à la radio qu’un tel a bénéficié d’une aide, alors que sur le terrain, ce n’est pas ça.

Mais vous, depuis que vous êtes installé dans cette zone, n’avez-vous pas encore bénéficié d’appuis directs des projets du gouvernement ?

Non. Pas encore. Je ne suis pas trop solide, mais je me débrouille avec les moyens de bord.

Au niveau de Léo, le marché de l’anacarde se porte-t-il bien ?

Pour ma petite expérience, ce n’est pas donné à tout le monde d’être un exportateur d’anacarde. Quand les camions viennent charger, c’est pour emmener à Ouaga. Ici, à ma connaissance, il n’y a pas d’unités qui transportent le beurre. C’est la noix de karité qui est exportée et non le beurre. Il y a quelques-unes qui exportent le beurre, mais ma patronne, Hadja Mamounata Vélegda, à un moment, avait des usines qui lui permettaient de transformer et d’exporter. Mais ce n’est pas donné à tout le monde.o

Propos recueillis par FW et retranscrits par Rahinatou Kouda (Stagiaire)

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