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Salaire des membres du gouvernement: la pilule ne passe pas

Afin de mieux expliquer les motivations derrière ce nouveau décret, le SG du gouvernement, Jacques Sosthène Dingara, était en direct sur le plateau de la Télévision nationale.

Plus de 64 millions FCFA par mois pour 27 personnalités au sommet de l’Etat. C’est la facture du nouveau décret signé par le président du Faso le 15 avril 2022, portant rémunération des membres du gouvernement.
Le Premier ministre, les présidents d’institutions et les membres du gouvernement perçoivent un traitement de base mensuel indexé sur les grilles salariales des agents publics de l’Etat, stipule le nouveau décret en son article 7. Le nouveau décret abroge celui N°2008-891/PRES/PM/MEF du 31 décembre 2008 portant rémunération du Premier ministre, des présidents d’institutions et des membres du gouvernement

Les motivations de la révision du décret
Afin de mieux expliquer les motivations derrière ce nouveau décret, le SG du gouvernement, Jacques Sosthène Dingara, était en direct sur le plateau de la Télévision nationale.
La première raison évoquée c’était que la révision du décret de 2008 s’imposait, du fait de l’article 19 de la Charte de la Transition qui prévoyait qu’une fois les membres du gouvernement installés, le président du Faso devrait prendre un décret pour harmoniser la rémunération des personnalités de l’Administration. Autres explications, le texte de 2008 était statique, il ne prenait pas en compte l’évolution du coût de la vie. « Pour harmoniser les salaires de l’ensemble de ces ministres, il fallait naturellement évoluer, changer le texte, le rendre plus dynamique et le relier à la grille salariale des agents de la fonction publique. Voilà l’explication qu’on pourrait donner. Comme je l’ai dit, l’avantage de ce décret c’est qu’aucun ministre n’avait négocié son contrat ni son salaire. C’est une avancée significative par rapport à l’ancien décret de 2008 », a-t-il conclu.

Une seule explication tient la route
De prime à bord, la question de la révision du décret de 2008 est fondée. Il est connu, le salaire des membres de l’ancien gouvernement ne respectait que très peu ce texte. En 2021, le Centre d’information, de formation et d’études sur le budget (CIFOEB) a mené une étude sur le coût salarial estimatif des gouvernements de 2016 à 2021. Il y ressort que des trop perçus de salaire au mépris des dispositions du décret montrent qu’en moyenne le salaire de chaque ministre a été majoré de 1.068.886 FCFA. « De 2016 à 2020, les ministres du gouvernement issus du premier mandat du Président Kaboré se sont servis anormalement environ 2.090.741.505 FCFA du budget de l’État de plus que ce qui est consacré par le décret », peut-on lire dans le document publié sur le site du Centre. Ainsi, l’on peut confirmer les propos du SG du gouvernement quant au fait que le décret de 2008 soit dépassé.

La pilule ne passe pas
Pourtant, la pilule du gouvernement Damiba passe mal. Cela s’explique, d’une part, par le secret cultivé autour du décret. Il aurait fallu l’article de nos confrères du journal Le Reporter pour savoir qu’un nouveau décret portant modalités de rémunération du Premier ministre, des présidents d’institutions et des membres du gouvernement a été pris et que celui-ci a pris effet depuis le 1er mars 2022. Sans cela, aurions-nous eu droit aux explications du gouvernement ?
Le contexte rend aussi cette révision des salaires des personnalités de l’Etat quelque peu indécente.
Déjà, la situation sécuritaire à laquelle le pays est confronté. Dans la même semaine de la prise du décret, le Burkina enregistrait une attaque qui a coûté la vie à au moins 12 soldats. « Ce vendredi 8 avril 2022, une attaque complexe a visé le détachement militaire de Namissiguima aux environs de 5 heures du matin. Le bilan provisoire établi à l’issue des combats fait état de 12 militaires et 4 VDP (Volontaires pour la défense de la patrie) tombés », peut-on lire dans le communiqué publié par le CMGA qui évoque également «21 militaires blessés ». Le lendemain, le 9 avril, la Société des mines de Taparko (Somita) annonçait l’arrêt de ses activités d’exploitation minière pour cas de force majeure « liée à des raisons de sécurité ».

L’évolution du coût de la vie
L’une des raisons avancées par le SG du gouvernement lors de sa sortie sur le plateau de la RTB était que le « texte de 2008 qui a été pris en son temps a été statique. Il ne prenait pas en compte l’évolution du coût de la vie ». Cet argumentaire ne devrait pas servir que pour les salaires des membres du gouvernement. Chaque mois, le coût des produits de grande consommation augmente. C’est l’INSD qui le dit. Aussi, chaque travailleur burkinabè fait face à cette évolution du coût de la vie, et devrait ainsi pouvoir bénéficier d’une révision à la hausse de ses revenus, si l’on s’en tient à l’argumentaire du SG du gouvernement. Ce qui n’est malheureusement pas le cas. Les Burkinabè doivent supporter la hausse des produits alimentaires, du carburant et des charges attenantes aux conséquences des attaques terroristes. Dieu sait combien de fonctionnaires se retrouvent avec des charges supplémentaires ou accueillent des parents qui ont fui le village pour la ville.
Un décret dynamique
Le terme a été répété plusieurs fois par le Secrétaire général du gouvernement sur le plateau du JT de 20h. « Quand vous prenez le décret qui a été pris par son Excellence le président du Faso, il est pratiquement dynamique et relié à la grille salariale des agents de la fonction publique. Le décret dit que les hautes personnalités reçoivent une rémunération indexée sur l’indice le plus élevé des grilles spécifiques de la fonction publique. Donc, le nouveau décret suit l’évolution de la grille salariale des agents de la fonction publique », a affirmé Jacques Sosthène Dingara. Doit-on comprendre à cela que dès qu’un corps dans l’administration publique aura un indice de plus de 5.700, le salaire des membres du gouvernement devra automatiquement être revu à la hausse ?
Pourtant, la Charte de la Transition sur laquelle le gouvernement s’est basé pour modifier le décret de 2008 stipule en son même article 19 que « la disposition sur le taux unique de rémunération des membres du gouvernement « n’est susceptible d’aucune révision ». Si une telle disposition ne peut être révisée, pourquoi alors rendre le salaire des membres du gouvernement dynamique ?
JB

 

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