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La justice fiscale n’est pas une bataille technique, c’est un outil crucial pour faire progresser les droits humains

Magdalena Sepúlveda est Directrice exécutive de la Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights et membre de la Commission indépendante sur la réforme de la fiscalité internationale des entreprises (ICRICT). De 2008 à 2014, elle a été le rapporteur des Nations unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’Homme. @Magda_Sepul

La justice fiscale n’est pas une bataille technique, c’est un outil crucial pour faire progresser les droits humains
On a beaucoup glosé sur le « monde d’après », celui qui renaîtrait de ses cendres au lendemain de la pandémie, et qu’on espérait moins matérialiste, plus durable, plus solidaire et féministe. Mais une nouvelle vague d’infections et le surgissement de variants semblent repousser une nouvelle fois cet « après-Covid-19 », et nous entrons dans la troisième année de la crise sanitaire. Alors que le monde commémore ce 10 décembre la « Journée internationale des droits humains », il est clair que l’hypocrisie et le cynisme restent de mise, en particulier, de la part des pays riches, qui multiplient les beaux discours tout en contribuant, par leurs actions, à empêcher l’essentiel de la population d’avoir et de voir leurs droits les plus fondamentaux respectés.
La Covid-19 en est la meilleure illustration. Malgré leurs promesses, la majorité des Etats du Nord ont monopolisé et thésaurisé les vaccins. Aujourd’hui, ils font la sourde oreille alors qu’une centaine de pays émergents, emmenés notamment par l’Afrique du Sud et l’Inde, demandent la levée des brevets sur les vaccins et traitements contre le virus. Certes, les droits de propriété intellectuelle ne sont pas la seule raison pour laquelle à peine 7% de la population africaine sont complètement vaccinés, mais ils constituent un obstacle de taille. Cet égoïsme vaccinal n’est pas seulement moralement scandaleux, il revient déjà comme un boomerang dans les pays riches avec l’apparition de nouveaux variants.
L’autre image lamentable de cette fin d’année 2021 est la multiplication des drames concernant les migrants aux portes de la Pologne, dans la Méditerranée, dans la Manche, ou à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Là encore, les dirigeants des pays riches font mine d’oublier que si la reprise économique est manifeste chez eux, elle continue à se faire attendre dans le monde en développement qui a connu une explosion de pauvreté depuis le début de la pandémie, contraignant des centaines de milliers de personnes à l’exil forcé.  Environ 97 millions de personnes supplémentaires vivent avec moins de 1,90 dollar par jour à cause de la pandémie, et 163 millions de plus vivent avec moins de 5,50 dollars par jour. En clair, trois à quatre années de progrès vers l’élimination de l’extrême pauvreté ont été perdues.
Loin des grands titres de la presse, une récente actualité souligne le double discours des grandes puissances : il s’agit de la réforme de la taxation des multinationales. Après deux années de négociations, un accord a été adopté début octobre, avec comme mesure phare l’introduction d’un impôt mondial sur les bénéfices des entreprises. L’objectif ? En finir avec la dévastatrice concurrence que se mènent les Etats en termes de fiscalité des entreprises, provoquant une hémorragie des ressources aux dépens du financement des droits comme l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, ou au vaccin. Chaque année, au moins 483 milliards de dollars de recettes fiscales sont perdus en raison des abus fiscaux commis par des multinationales et des particuliers fortunés. Cela suffirait à couvrir plus de trois fois le coût d’un schéma vaccinal complet contre la Covid-19 pour l’ensemble de la population mondiale.
Le monde continuera à être privé de ces fonds. Les négociations organisées par l’Organisation de coopération et de développement économique, l’OCDE, sans vraiment écouter les pays en développement, n’a abouti qu’à la mise en place d’un impôt de 15% sur les multinationales. Cela ne générera que 150 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires qui, de surcroît, iront en priorité aux pays riches. On aurait pu obtenir 250 milliards de dollars de plus avec un taux de 21% par exemple, et même un gain de 500 milliards de dollars avec un taux de 25%, comme le préconisait l’ICRICT, la Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises, dont je fais partie auprès de personnalités tels Joseph Stiglitz, Thomas Piketty, Jayati Ghosh et José Antonio Ocampo.
Là encore, les leaders des pays riches s’émeuvent de l’ampleur de l’évasion fiscale, mais restent convaincus que la meilleure façon de servir leur intérêt national est de se soumettre aux injonctions des multinationales et des revendications des paradis fiscaux. Rappelons que la majorité de ces derniers ne sont pas des petites îles bordées de cocotiers : les pays de l’OCDE sont responsables de 78% des pertes fiscales annuelles subies à travers le monde au profit des multinationales et des plus riches. La palme de l’hypocrisie allant au Royaume-Uni, qui, avec son réseau de territoires d’outre-mer et de « dépendances de la Couronne », est à l’origine de 39 % des pertes mondiales.
Il est rageant de constater que les dirigeants des pays riches ne prennent toujours pas la mesure des crises que nous traversons. Cependant, un monde meilleur est possible, grâce au mouvement croissant de personnes qui, partout dans le monde, mettent les gouvernements au défi de faire contribuer les multinationales et les super-riches à leur juste part. Chaque pays peut, s’il le veut, adopter unilatéralement un taux de taxation des multinationales beaucoup plus ambitieux, à commencer par les Européens. L’effet d’entraînement sur les autres pays sera inéluctable. Qu’on se le dise : la justice fiscale n’est pas une bataille technique, c’est un outil crucial pour faire progresser les droits humains.
Commission indépendante sur la réforme de la fiscalité internationale des entreprises (ICRICT).

 

Encadré

Les conséquences de l’évasion et l’optimisation fiscales

Continuer à tolérer l’évasion et l’optimisation fiscales des plus riches et des multinationales, et en conséquence, priver les Etats de ressources supplémentaires revient à s’attaquer de plein front aux droits humains. Impossible, sans ces fonds, de remettre à flot les systèmes de santé qui se sont battus héroïquement contre le virus – des milliers de médecins et d’infirmiers y ont laissé la vie – en dépit de leurs faibles moyens, sans cesse attaqués par les programmes d’austérité. Impossible, non plus, de redonner un futur à tous les enfants privés d’école pendant la pandémie – c’était le cas de 99% des enfants, par exempleen Amérique Latine, pendant une année entière, et l’on estime que 3,1 millions d’entre eux sont déscolarisés à jamais.
Sans fonds supplémentaires, impossible également de financer des infrastructures donnant accès à l’eau ou à l’assainissement, ou encore des crèches et asiles, continuant à alourdir la charge de travail des femmes, qui sont les premières victimes de la pandémie. Impossible, enfin, de faire face à l’urgence climatique, alors que la multiplication des catastrophes naturelles prive des populations entières de toit et d’alimentation.

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