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Affaire charbon fin : Quel laboratoire pour l’expertise indépendante ?

Le procès de l’affaire dit « charbon fin » s’est poursuivi le mardi 14 janvier 2020 au Tribunal de Grande instance de Ouagadougou. Toutes les personnes ont plaidé non coupables.
Le tribunal est revenu sur la demande formulée par les Avocats de la mine d’or Essakane, au cours de l’audience du 17 décembre 2019, qui porte sur le retrait des rapports des experts requis par le Parquet. En effet, après avoir saisi la marchandise de la Mine en partance pour le Canada, via le port d’Abidjan, le Parquet a désigné 02 experts, dont Arsène Yonli, professeur titulaire de chimie, et Aimé Nana, inspecteur des Douanes, présenté comme un expert en contrôle et lutte contre la fraude douanière. Ces personnes sont non inscrites comme experts au tribunal. Le tribunal a rejeté la demande en annulation des rapports d’expertise introduite par la défense de la Mine.
La décision du tribunal semble ne pas être au goût des Avocats de la Mine qui sont revenus à la charge.
Cette fois-ci, ils ont souhaité la nomination d’un expert indépendant pour des enquêtes complémentaires. Cette requête a rencontré l’assentiment du Parquet.
Le procès est renvoyé au 11 février 2020, pour délibérer sur la commission d’un expert qui travaillera sous le contrôle d’un magistrat.
Le tribunal a eu connaissance de la demande des Avocats de l’Etat concernant le retrait de leur requête de saisie conservatoire des biens d’Essakane formulée au cours de l’audience du 17 décembre 2019. Les Avocats de l’Etat avaient demandé au tribunal de prendre cette mesure conservatoire pour permettre l’exécution de la décision à l’issue du procès en cas de condamnation de la société minière IAMGOLD Essakane. Cette requête, selon les Avocats de l’Etat burkinabè, visait à éviter l’insolvabilité de la Mine en cas de condamnation. Cette requête des Avocats de l’Etat avait surpris certains experts, dans la mesure où la saisie conservatoire reviendrait à signer l’arrêt de mort de la société ? Une situation qui embarrasserait l’Etat-actionnaire au vu des conséquences économiques et financières immédiates (cessation de paiement, chômage technique, perte de recettes).
La demande des Avocats de la Mine de procéder à une expertise indépendante n’est pas une nouvelle proposition. Essakane a toujours contesté les résultats des rapports des experts commis par le Parquet et se proposait même de prendre en charge les frais liés à cette expertise.
Dans une interview accordée aux Editions Le Pays du 25 septembre 2019, Oumar Toguyeni, vice-président régional Afrique de l’Ouest de Iamgold corporation, soutenait : « Nous n’avons pas été convaincus par les rapports des experts commis par le Procureur et dont les conclusions suscitent des controverses sur le plan technique. Nous pensons que ce qui est fondamental, c’est que les quantités exactes d’or et d’argent dans les conteneurs saisis soient clairement établies, puisque toute l’histoire a commencé par les soupçons de dissimulation d’or dans les conteneurs. C’est pour cela que nous avons demandé et continuons de demander la nomination d’un cabinet d’experts reconnus indépendants, qui puisse procéder à une contre-expertise en vue d’établir les quantités exactes d’or et d’argent contenues dans les conteneurs.».
Cette expertise indépendante avait aussi été demandée par l’Etat burkinabè.
Au cours d’une conférence de presse qu’il a animée le 3 mai 2019, le ministre des Mines et des Carrières, Oumarou Idani, a estimé que dans ce climat de suspicion et de crise de confiance généralisée, on ne pouvait pas faire économie de la science et de la technique pour que toute la lumière éclate dans cette affaire. Pour ce faire, il a proposé  «de faire recours à un cabinet d’expertise indépendant ou même d’un arbitre neutre composé d’une équipe pluridisciplinaire comprenant au minimum un métallurgiste spécialisé en chimie minérale et caractérisation des matériaux, un juriste, un expert douanier ». Ces experts indépendants, selon Oumarou Idani, doivent être de  « notoriété reconnue et choisis consensuellement pour garantir toute la transparence requise et mettre fin à toute cette polémique ».
Au cours d’une interview accordée à la Télévision nationale le 21 juillet 2019, le Premier ministre Christophe Dabiré a aussi donné sa lecture de cette affaire. Pour lui, comme l’expertise de la Justice a été contestée par la société : « Nous avons dit que pour résoudre la question, il faut que les 02 parties se mettent autour d’une table parce que ce n’est pas l’affaire du gouvernement. Cela nous arrangerait d’avoir 300 milliards FCFA dans nos comptes, mais ce n’est pas l’affaire du gouvernement. On vous recommande de faire appel à une expertise internationale indépendante qui vous mettra d’accord sur les résultats de vos évaluations de part et d’autre ».
Mais contre toute attente, les Avocats de l’Etat ont demandé au tribunal le rejet de la requête sur l’expertise indépendante, prenant à contre-pied le Premier ministre et le ministre des Mines. Pour les Avocats qui défendent les intérêts de l’Etat, la requête est imprécise. En plus, la défense aurait dû formuler la demande un peu plus tôt. Pour eux, vaut mieux instruire le dossier. Si à un moment, des blocages sont constatés, le tribunal pourra faire appel à un expert. $Rendez-vous le 11 février 2020 au tribunal, pour la suite du procès.

Elie KABORE


Quel laboratoire pour l’expertise indépendante ?

Selon les informations disponibles, le Burkina Faso dispose de 5 laboratoires d’analyses reconnus dans le domaine des analyses des échantillons. Il s’agit du Bureau des mines et de la géologie du Burkina (BUMIGEB). C’est cette société d’Etat qui a évalué les teneurs en or avant l’exportation vers le Canada par Essakane. Les 02 parties feront-elles appel à son expertise, puisque le Parquet n’a pas tenu compte de ses avis et a poursuivi l’enquête ? Les 04 autres sociétés privées qui excellent dans le domaine sont Abilab, SGS, Bigs Global, Atlab. Mais on constate que malgré la présence de ces 5 sociétés répertoriées, plus de 300.000 échantillons, toute nature confondue, sont exportés pour analyses et essais de traitement à 20 laboratoires de 5 pays étrangers, dont l’Afrique du Sud, l’Australie, le Canada, l’Espagne et le Pérou.

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