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Lutte contre la corruption: la Justice, le maillon faible

Sagado Nacanabo est le nouveau Secrétaire exécutif du Réseau national de Lutte anti-corruption (REN-LAC) à l’issue de la dernière Assemblée générale ordinaire du réseau. Quels sont les défis du nouveau bureau, quel est l’état de la lutte contre la corruption ? Il répond à ces questions posées par L’Economiste du Faso. C’était le 6 juin 2019 à Ouagadougou.
L’Economiste du Faso : Quelles sont les grandes conclusions de la dernière Assemblée générale du REN-LAC ?
Sagado Nacanabo: Cette Assemblée générale ordinaire s’est tenue du 25 et 26 avril 2019. C’est un exercice annuel de redevabilité qui nous a permis d’examiner et d’adopter les rapports d’activités et financiers 2018, le rapport des commissaires aux comptes 2018, le plan de changement 2019 et son budget. Nous avons aussi relu les statuts et le règlement intérieur pour nous conformer à l’évolution du réseau et aussi aux dispositions de la nouvelle loi sur les associations. L’Assemblée générale a aussi exclu une organisation membre qui ne cotise plus et ne participe plus aux activités depuis plus de 5 ans. On a aussi renouvelé les membres du Secrétariat exécutif et le commissariat aux comptes. Nous avons restitué les conclusions de l’AG au cours d’une cérémonie publique au cours de laquelle nous avons proclamé et attribué le Prix de la lutte contre la corruption qui récompense des journalistes.

Vous avez parlé de stratégie de mobilisation des ressources. Qu’est-ce qui explique cela ?
Non seulement les ressources extérieures sont en baisse, mais on s’est rendu compte qu’on ne peut pas se contenter des partenaires extérieurs. Même si ces partenaires ne nous posent pas de contraintes pour les financements, c’est toujours gênant de ne pas se sentir indépendants. Une commission a travaillé sur l’applicabilité de certaines mesures de la stratégie.

Quels sont les défis que le nouveau bureau que vous dirigez compte relever ?
Nous comptons poursuivre les activités traditionnelles du REN-LAC comme la production du rapport annuel sur l’état de la corruption qui est à son 18e numéro, la bande dessinée et le jeu concours Kouka qui est aussi à sa 18e édition, l’Assemblée nationale annuelle, les journées nationales de refus de la corruption, etc. Notre ambition est non seulement de les maintenir, mais aussi de les améliorer. Plus spécifiquement, nous comptons accroître la veille citoyenne et le contrôle de l’action publique par les citoyens avec tous les instruments disponibles et avec l’appui des organisations membres. Nous comptons aussi améliorer la mobilisation de nos ressources financières en interne, améliorer la visibilité et les performances propres du réseau. Dans ce sens, nous allons créer un centre de formation anticorruption dont le processus est sur la bonne voie. Nous allons lancer un bulletin d’information pour relayer nos activités, parce que les médias n’arrivent pas à les couvrir toutes. Nous allons commencer la rédaction de notre plan stratégique 2021-2024. Nous souhaitons augmenter notre couverture territoriale en créant d’autres Comités régionaux anticorruption (CRAC) en plus de celles existantes et du siège dans la région du Centre.

Comment évaluez-vous la contribution du REN-LAC dans la lutte contre la corruption ?
Le REN-LAC a commémoré ses 20 ans et un livre sera publié. En plus de ses activités classiques, il a réalisé une série télévisée qui a été diffusée sur la Télévision nationale et sur BF1. Il a réalisé plusieurs études thématiques sur la corruption (éducation, santé, valeurs morales, mines, marchés publics, etc.). En matière de lutte contre la corruption, on avance. Au tout début, lorsque vous parlez de corruption, on disait que c’est l’œuvre d’aigris ou de personnes qui ne goûtaient pas à la soupe. Mais aujourd’hui, la lutte anticorruption est prise au sérieux. La preuve, l’ASCE-LC est le fruit d’une évolution institutionnelle. Aujourd’hui, tout le monde dénonce la corruption. Les acteurs améliorent leurs actions et gagnent en efficacité. Des coalitions comme la CCVC dont le REN-LAC est membre, inscrivent la lutte contre la corruption dans leurs actions. Enfin, l’adoption de la loi anticorruption est un grand acquis dans la lutte. Des personnes sont épinglées, des sanctions sont prises sur la base de la loi. La lutte progresse, même si ce n’est pas comme on l’aurait souhaité.

Quelle appréciation faites-vous de l’action des autres structures dont les activités concourent à la lutte contre la corruption ?
Pour avoir une efficacité dans la lutte, chaque structure doit travailler dans une synergie d’action. Chaque structure travaille dans son coin alors qu’on aurait pu faire certaines choses ensemble pour mieux réussir. Mais la nécessité d’une collaboration entre les acteurs n’est pas perçue par tous, à tel point qu’on a l’impression que certaines structures portent la lutte contre la corruption dans leurs missions mais en réalité, la lutte ne fait pas partie de leurs préoccupations. L’ASCE-LC est une autorité mise en place par l’Etat. Le même Etat ne semble pas vouloir que l’ASCE-LC fasse son travail. Presque 2 ans se sont écoulés sans que la restructuration de l’ASCE-LC soit une réalité. Les projets de textes (décrets et arrêtés) proposés par le Conseil d’orientation traînent à être signés. Nous avons de bons rapports avec l’ASCE-LC avec une fluidité des relations. Lorsque nous avons un dossier qui n’est pas du ressort de nos activités, on ne se gênera pas de l’envoyer à l’ASCE-LC et vice versa, parce qu’il y a des domaines où les structures étatiques ne sont pas à l’aise.
Nos relations avec la Cour des comptes ne nous permettent pas de parler d’efficacité. On avait voulu avoir des relations de coopération pour faciliter les échanges et nous permettre d’être efficaces mais on attend toujours.
Les Inspections techniques sont inefficaces, presque congénitalement. Elles dépendent des ministères qu’elles sont censées contrôler. En plus, elles sont utilisées par certains ministères comme des voies de garage pour de vieux fonctionnaires qu’on ne sait pas où affecter ou des sinécures pour d’autres personnes pour qu’elles puissent avoir des avantages et continuer à faire autre chose. Ces Inspections techniques n’ont pas les moyens et la liberté d’action pour être efficaces. On peut donc affirmer que ce sont des coquilles vides. Dans certains ministères, des Comités anticorruption (CAC) ont été installés comme dans toutes les grandes Directions du ministère en charge des finances. Cependant, bien qu’ayant été suggérés par le REN-LAC, ces CAC ont été mis en place unilatéralement sans que le REN-LAC n’en soit informé. Mais nous avons essayé de collaborer avec ces CAC. Si avec certains, les relations sont bonnes, tel n’est pas le cas pour les autres. Avec ce grand nombre de structures de lutte contre la corruption, le résultat actuel dans la lutte contre la corruption n’est pas satisfaisant. Il est temps que ces structures mutualisent leurs forces.

De nombreux dossiers de crimes économiques révélés par les rapports ASCE-LC ont du mal à connaitre un dénouement judiciaire. Quelles sont, selon vous, les raisons ?
La Justice est le maillon le plus faible dans la lutte contre la corruption. Nous estimons que si tous les dossiers que l’ASCE-LC a transmis à la Justice étaient traités, ce serait une grande avancée. Mais on constate une sorte de conflit de compétence entre l’ASCE-LC et l’appareil judiciaire. Ça se passe comme si certains pensent que l’ASCE-LC marche sur leurs plates bandes. Ce qui se passe frise le sabotage de

Avec ce grand nombre de structures de lutte contre la corruption, le résultat actuel dans la lutte contre la corruption n’est pas satisfaisant. Il est temps que ces structures mutualisent leurs forces. . (DR)

l’action de l’ASCE-LC. Lorsque nous avons tenté de nous mettre ensemble, REN-LAC, ASCE-LC et Justice, on a toujours rencontré des échauffourées entre les acteurs judiciaires et l’ASCE-LC comme si l’ASCE-LC était venue pour retirer une partie de leurs attributions ou bien que l’ASCE-LC les accuse à tort. Le climat n’est pas toujours serein. Alors qu’il devait être empreint de collaboration et de synergie d’action. Même si l’ASCE-LC a des insuffisances, la Justice devrait pouvoir les corriger. Depuis que la Commission d’enquête mise en place par le Conseil supérieur de la magistrature a épinglé 34 magistrats, la Justice doit faire sa toilette interne pour légitimer son action, à savoir rendre la justice au nom du peuple et pour le peuple. Pour ce faire, la Justice elle-même doit être propre pour pouvoir juger les autres. Si la Justice refuse d’extirper les brebis galeuses en son sein, elle va perdre toute légitimité, si ce n’est pas déjà le cas. Les 3 syndicats de magistrats sont membres du REN-LAC. Nous ne manquons pas, dans nos discussions, de rappeler que c’est bien d’avoir des magistrats intègres et qui veulent une Justice propre, mais jusqu’à présent, avec ce qui se passe, on se demande comment cette Justice retrouvera ses marques pour faire son travail. Tant que la Justice ne fera pas son travail, l’impunité des crimes de corruption aura des beaux jours devant elle. La Justice est un problème pour ceux qui luttent contre la corruption.

Le REN-LAC est à la base de la loi anticorruption. Quatre ans après son adoption, quels sont les points de satisfaction et d’insatisfaction à propos de son application ?
La loi a suscité beaucoup d’espoirs mais à l’heure actuelle, il y a beaucoup d’insatisfactions dont les plus grandes sont dues au fait des difficultés que rencontre l’opérationnalisation de l’ASCE-LC et qui l’empêche de mettre en œuvre certains aspects qui sont ses prérogatives. L’ASCE-LC a été restructurée pour reprendre à bras-le-corps la prévention, dont la déclaration des biens, la poursuite des délits d’apparence. Mais l’insatisfaction vient du fait que des déclarations sont faites, mais l’ASCE-LC ne peut pas les traiter par manque de personnels qualifiés, d’infrastructures, de moyens financiers, etc. En plus, le blocage de l’appareil judiciaire depuis 2018 freine la mise en œuvre de la loi anticorruption. Le REN- LAC a mis en place un mécanisme pour évaluer la mise en œuvre de la loi. Pour ce faire, il a signé une convention avec le ministère de la Justice qui permet d’avoir accès à des informations judiciaires pour faciliter cette évaluation. Ce n’est pas toujours facile, parce que dans l’appareil judiciaire, on rencontre des gens hostiles à la loi et à sa mise en œuvre.
Je ne nie pas le fait qu’il y ait des points de satisfaction. Le fait même que la loi ait pu résister à ses détracteurs est une victoire. Certaines personnes cherchaient et cherchent toujours l’occasion pour se débarrasser de cette loi. Les déclarations d’intérêt et la possibilité de déclaration en ligne sont des points de satisfaction, même s’il y a des insuffisances dans le processus. Il y a eu des procès sur la base de la loi, dont 22 en 2017. On a enregistré des condamnations pour des délits d’apparence, pour commerce incompatible, pour des surfacturations, etc. Maintenant que les infractions prévues par la loi figurent désormais dans le nouveau Code pénal, les magistrats qui étaient hostiles à la loi anticorruption n’ont plus d’arguments pour ne plus appliquer les sanctions prévues.

Entretien réalisé par Elie KABORE et Abdoulaye TAO


Des doutes sur les chiffres du Premier ministre

Dans son discours sur la situation de la Nation, le Premier ministre a déclaré que «les pôles judiciaires spécialisés de lutte contre les infractions économiques et financières ont jugé 12 affaires et enregistré 125 dossiers en 2018, après leur mise en place en 2017». Pour le Secrétaire exécutif du REN-LAC, ces informations ne sont pas très exactes. Selon ses informations, les 12 dossiers ont été jugés en appel à Bobo-Dioulasso. Ce sont de vieux dossiers qui datent d’avant la mise en place de ces pôles économiques.
D’ailleurs, ces pôles économiques ne fonctionnent pas aujourd’hui comme on pouvait s’y attendre, comme le Premier ministre a voulu laisser croire tout simplement, parce qu’il y a eu maldonne.
Ces pôles judiciaires devaient se spécialiser dans la répression des crimes économiques. Des magistrats ont été formés et affectés dans ces pôles judiciaires. Dans les échanges qu’il a eus avec le ministère de la Justice, le REN-LAC a eu à dire que les magistrats qui exercent dans ces tribunaux devaient avoir un traitement spécifique. Malheureusement, cela n’a pas été le cas et actuellement, certains sont en train de quitter ces tribunaux. Il aurait aussi fallu ne leur confier que des dossiers spécifiques en les soulageant des autres dossiers ordinaires pour leur permettre de se concentrer sur leur travail. Cela n’a pas été fait. A la longue, ces pôles vont tomber dans la léthargie comme les autres institutions de l’appareil judiciaire.

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RAF

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