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Débat sur l’IUTS : Instaurer un dialogue franc et plus de technicité

Quels sont les risques liés à une exonération totale de l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) sur les primes et les indemnités des travailleurs du public, du privé et du parapublic au Burkina Faso? L’Economiste du Faso a posé cette question à Tidiane Kaboré, Inspecteur des impôts. En rappel, cette suppression a été posée comme préalable aux négociations gouvernement/syndicats le 21 mai 2019.

L’Economiste du Faso : Qu’est-ce que l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) et quelle est sa base légale ?
Tidiane Kaboré, Inspecteur des impôts: Faisant l’économie de son historique, nous pouvons dire que L’IUTS est l’impôt unique sur les traitements et salaires qui est un impôt d’Etat (impôt destiné au budget de l’Etat).
Il touche les revenus des travailleurs du public et du privé et ceux des gérants de société, en nom collectif, en commandite simple, de sociétés à responsabilité limitée (SARL) et de sociétés civiles et l’administrateur unique de la société anonyme (SA). Les revenus concernés sont les traitements, salaires, pécules, indemnités, émoluments, primes, gratifications et leurs suppléments ainsi que tous autres avantages en argent ou en nature accordés à ceux qui rentrent dans le champ d’application de l’IUTS. Cet impôt est régi par les articles 105 à 119 et 760 à 762 du Code général des impôts (CGI)

Combien l’IUTS contribue-t-il dans le budget de l’Etat ces dernières années ?
L’IUTS est un impôt qui évolue très bien en termes de rendement pour le budget de l’Etat. Il vient en troisième position après la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les impôts sur les bénéfices (Impôt sur les sociétés (IS), Impôt sur les bénéfices industriels commerciaux et agricoles (IBICA), Impôt sur les bénéfices non commerciaux (IBNC). Pour ce qui est des montants encaissés au titre de cet impôt, les données statistiques en notre possession et vérifiables auprès de la Direction générale des Impôts (DGI) nous indiquent que respectivement pour 2016-2017 et 2018, les réalisations étaient de 78.996.946.894 F CFA, 89.664.568.721 F CFA et 101.272.845.885 F CFA. Ce qui est très intéressant pour le Trésor public et honorable pour tous les travailleurs du Burkina Faso, en général, et ceux du public, en particulier, accusés de vouloir absorber toutes les ressources du pays.

L’Unité d’action syndicale (UAS) exige la suppression de l’IUTS sur les primes et indemnités des agents du public, privé et du parapublic. Quels sont les risques liés à une exonération totale de l’IUTS sur les primes et les indemnités de tous les salariés ?
La question de l’exonération totale des indemnités et des primes nécessite un dialogue franc et moins de radicalisme et plus de technicité.
En effet, pour ces deux éléments de revenus, une exonération totale serait la porte ouverte à des «évasions fiscales» sous nos propres cieux, car les contribuables profiteront de cette faiblesse de la législation fiscale pour payer moins d’IUTS. Dans l’hypothèse où le gouvernement accède à une exonération totale, ne soyons pas étonnés de voir un travailleur toucher un salaire mensuel de 2 millions F CFA et une prime annuelle de 4 millions F CFA et payer l’IUTS juste sur une petite partie du revenu. Si de concert, l’employeur et l’employé décident, lors de la signature du contrat, de transférer 1,5 million F CFA dans le poste des indemnités, la prime aussi étant exonérée, le Trésor public perdra une base imposable annuelle de 22 millions FCFA (1,5 million FCFA x12+ 4 millions FCFA de prime) sur un revenu annuel de 28 millions F CFA.
Savez-vous qu’en octobre 2013, si je ne me trompe de date, quand le barème de l’IUTS a connu une modification avec une exonération de la première tranche (0——30.000 = 0%), il y a eu des cas où vous prenez des déclarations d’IUTS où 90% des salaires déclarés n’excède pas les 30.000 FCFA par mois. On a d’autres exemples où les contribuables facturent moins de 50.000 hors taxe parce qu’ils ne veulent pas opérer la retenue à la source, les commandes publiques, pour éviter les droits d’enregistrements de 3%, et s’arrangent pour être en dessous de 1.000.000 F CFA, bref.
Ma position sur la question est d’aller vers une exonération partielle pour ce qui est des primes avec des plafonnements bien sûr. Pour les indemnités, l’Etat pourrait rehausser les seuils des exonérations pour celles relatives au logement, de fonction et de transport, car cela prendra en compte et les intérêts des travailleurs du privé et ceux du public. Si les seuils d’exonération restent en l’état, les syndicats du secteur public diront que le gouvernement voudrait prendre avec la main gauche ce qu’il a donné de la main droite, car avec les luttes menées ces dernières années, beaucoup d’indemnités dans le public tendent à franchir les seuils qui étaient exonérés.

Votre dernier mot ?
Une solution médiane doit nécessairement être trouvée sur la question, d’autant plus que le gouvernement avait pris des engagements sur la question. Mais au vu de la réalité du terrain, ce serait suicidaire pour le gouvernement de concéder une exonération totale des indemnités et des primes. S’il le fait, il y aura de conséquences majeures : une perte énorme de recettes fiscales due à l’évasion fiscale qui pourrait s’en suivre, aussi les commerçants, les professions libérales et bien d’autres secteurs pourraient réclamer une révision à la baisse de leurs barèmes d’imposition relativement à ce qui se passe.

Interview réalisée par Elie KABORE

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