Dossier

Corruption dans la santé : Racket tous azimuts des malades

Le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) a publié le 4 décembre 2018, son «Etude sur les présomptions de corruption et pratiques assimilées dans le système et les services de santé au Burkina Faso».
Sur les 172 malades et accompagnants enquêtés, 26,7% ont été victimes ou témoins de pratiques corruptrices. Un chiffre sous-estimé au regard des réticences de certaines personnes à parler de la corruption.
L’étude a révélé les principales formes de pratiques corruptrices et assimilées en cours dans le secteur.
Les entretiens ont révélé que le racket est la pratique corruptrice la plus récurrente dans ce secteur. 42,10% des malades d’un même centre hospitalier n’ont pas payé à la caisse pour la réalisation des examens d’analyses médicales ou imageries.
Un médecin d’un centre hospitalier universitaire explique que lorsqu’il remet un bulletin à un malade pour un examen, un autre agent l’accoste pour négocier un arrangement. Au lieu de 7.000 FCFA à payer à la caisse, l’agent propose 5.000 FCFA sans passer par la caisse. Le malade qui économise 2.000 FCFA accepte.
Le racket se pratique aussi au niveau de la caisse où la nature de l’acte médical est rectifiée pour changer le tarif. Le tarif d’une intervention chirurgicale au foie K450 serait de 78.750 FCFA. Le caissier saisit le K 225 (ablation de l’appendice) qui coûte 39.375 FCFA et propose un arrangement avec le malade si celui-ci donne quelque chose. Dans ce cas, la caisse de l’hôpital perd au moins 40.000 FCFA et le caissier empochera au moins 10.000 FCFA. Il faut une confrontation entre les registres de la comptabilité et du bloc opératoire pour s’en rendre compte.
«Un agent de la chirurgie a été pris en flagrant délit de réception d’un transfert de plus de 100.000 FCFA devant servir à l’intervention d’un patient et celui-ci se charge de verser à la caisse», témoigne un agent de santé à Batié.
Ces pratiques se rencontrent dans les dons de sang. Un usager d’un centre de santé a affirmé avoir été témoin d’un acte de corruption portant sur la somme de 5.000 FCFA contre une poche de sang. Pourtant, le malade qui avait un bon a été refoulé parce qu’il n’y avait pas de sang.
La vente directe des produits par les agents de santé est une autre pratique en cours dans le secteur. Ce sont les médicaments de la mesure de gratuité des soins de santé, les médicaments des dépôts de médicaments génériques prescrits en excès au malade et récupérés à la sortie, les médicaments volés aux malades, les échantillons gratuits donnés par les délégués médicaux. Un usager de l’hôpital Yalgado raconte: «Pour les soins de mon enfant, l’ordonnance avoisinait 8.000 FCFA. Un agent de santé m’a proposé les médicaments à 5.000 FCFA et les 3.000 FCFA sont restés dans ma poche».
Certains médicaments vendus sont même prohibés et non autorisés au Burkina Faso. En tête de liste de ces médicaments trônent l’Analgin et le Novalgin. Selon le témoignage de cet agent de santé, ces produits qui sont vendus à 4.000 FCFA sont détenus par les agents qui se ravitaillent au Mali. La pratique est bien connue dans le milieu. On parle de «novalginothérapie» pour désigner les agents qui se rendent coupables de cette pratique. Le détournement des médicaments subventionnés est une pratique rencontrée dans le secteur.
Un scandale a été révélé à Bobo-Dioulasso lorsqu’un agent a été pris avec des médicaments volés d’une valeur de plus de 13 millions de FCFA. L’affaire est passée devant les tribunaux. En dehors des détournements des malades vers le privé, l’étude révèle ces cas de surfacturations. Le paracétamol est vendu au-delà des prix fixés par le ministère de la Santé par les agents qui retiennent le surplus.
Un gestionnaire d’un centre médical lors d’une Assemblée générale a présenté l’achat à 1.500.000 FCFA de 3 seringues pour les aspirations manuelles intra-utérines. Il détenait des factures justifiant la dépense. Les praticiens ont déclaré qu’une seringue pareille ne coûte pas plus de 40.000 FCFA. Un appareil dénommé «Human» de qualité douteuse a été livré en biochimie à l’hôpital Yalgado sans que l’on ne sache par quel moyen.
Parmi les mesures prises par l’administration contre les auteurs de corruption, l’étude renseigne que c’est la traduction devant le conseil de discipline, les mises en garde, les mises à pied (au plus 15 jours) et des mutations.

Elie KABORE


Les facteurs favorisants

Parmi les facteurs favorisants la corruption dans le secteur, on peut citer ceux liés à la gouvernance et ceux spécifiques au secteur de la santé et son personnel. L’impunité des crimes économiques et la politisation à outrance de l’administration sont d’autres facteurs favorisants tout comme les conditions médiocres de travail des agents, le niveau de traitement salarial sans commune mesure avec la charge de travail.

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