Economie

Trafic d’or au Burkina: L’Indien et les 6,8 kg de métal jaune

Cela fait six ans que les 6,8 kilogrammes d’or dorment quelque part dans les coffres forts du Trésor. Le colis y a trouvé refuge par les bons soins coordonnateur national de la lutte contre la fraude d’or, en attendant la fin de la procédure qui s’est avérée compliquée et semée d’embûches. Le 24 janvier dernier, la Cour de Cassation clôturait définitivement cette affaire en ordonnant à l’administration de remettre les scellés de l’affaire objet de procès-verbal de saisie du 10 mars 2012, pour infraction non constituée. La gestion de ce dossier montre combien le travail des limiers de la lutte contre la fraude est délicat, risqué et ingrat. Devant le juge, les circonstances de la saisie et les textes de lois visés n’ont pas permis de confondre le commerçant. Il détenait, certes, de l’or ce jour-là, mais n’a pas traversé de poste douanier. L’homme produira plus tard son agrément lors du procès. Les limiers de la Coordination nationale de la lutte contre la fraude (CNLF) restent sur leur faim, convaincus qu’il y avait quelque chose de louche. Mais, la justice a tranché. Pourtant, l’équipe de la CNLF, sur information, a pisté pendant plusieurs semaines un ressortissant indien détenteur d’un permis d’achat et de commercialisation de l’or au Burkina pour suspicion de sortie illégale d’or ; sans toutefois parvenir à le confondre. Mais, ce 10 mars 2012, l’information en possession de la Coordination nationale paraissait crédible. Dans le jargon, c’est «un avis d’exportation frauduleuse d’or» qui a été émis. C’est ainsi qu’une fois dans le périmètre de la zone frontalière avec le Ghana, du côté de Léo, l’homme est arrêté et conduit à la brigade de gendarmerie de Léo pour une fouille minutieuse, mais infructueuse dans un premier temps. C’est sur insistance des gendarmes que le commerçant avouera finalement la cachette: plusieurs plaquettes d’or bien emballées et dissimulées dans une cachette aménagée sur le bloc moteur. Un PV de saisie est dressé sur la base des articles 263, 264, 265 du Code des douanes et une plainte sera déposée plus tard auprès du parquet du TGI de Ouagadougou. C’est ainsi le début d’une affaire où les avocats du commerçant tentent d’abord de faire annuler le procès-verbal N°37 du 10/03/2012 de saisie dressé contre le Sieur Singh Kuldip pour détention illégale et exportation en contrebande d’or, et d’obtenir la restitution des objets saisis.
Une requête aux fins d’annulation de ce procès-verbal est déposée auprès du tribunal administratif de Ouagadougou, le 7 juin 2012. Cette date marque le début du contentieux judiciaire. Le 27 septembre 2012, l’affaire est finalement enrôlée. Il est reproché au Sieur Kuldip la fraude en matière de commercialisation de l’or, une détention illégale de marchandises soumises à autorisation et la contrebande. A l’issue des débats, le tribunal relaxe le prévenu pour infractions non constituées et ordonne la restitution des objets saisis. L’agent judiciaire du Trésor, qui représente les intérêts de l’Etat, fait appel de la décision. L’affaire est débattue le 22 novembre 2013, et le délibéré intervient le 13 décembre de la même année. L’Etat succombe à nouveau. La Cour d’Appel confirme le jugement attaqué; c’est à dire la relaxe du prévenu; et condamne l’Etat aux dépens.
Convaincu du bon droit de l’Etat, ses représentants se pourvoient en cassation. L’audience de la Chambre criminelle de la Cour, le 24 janvier 2018, rejette le pourvoi. Tous les recours ayant été épuisés, le commerçant se retrouve ainsi blanchi. Son avocat, Me Dembelé, vient d’introduire auprès de l’administration une demande de restitution des 6,8 kg d’or qui ont dû prendre de la valeur durant ces 6 ans.

 


La teneur de la saisie

61 pièces de métal jaune d’un poids total de 6,876 kg, sa valeur est estimée au moment de la saisie à 175 millions de FCFA. Un véhicule 4×4 estimé à 7 millions l’a été aussi. Le tout a fait l’objet d’une amende prévisionnelle de 728 millions de FCFA représentant quatre fois la valeur des biens saisis, selon la réglementation.


Conflit de compètences

Dans cette affaire, la Coordination nationale de la lutte contre la fraude (CNLF) s’est heurtée à certaines difficultés. La première, c’est l’authentification de l’or saisie. Toute saisie présumée de cette matière doit faire l’objet d’une expertise par un service compétent, en l’occurrence le Bureau des mines et de la géologie du Burkina (BUMIGEB). Saisie par la CNLF pour l’expertise, cette dernière s’est vue confrontée en son temps à un conflit d’autorité. Le Bureau national de lutte contre la fraude est intervenu entretemps pour que le BUMIGEB lui transmette le rapport en question, au motif que la répression de la fraude était de sa compétence exclusive. Cette guéguerre a été finalement résolue par un échange de bons procédés. La brigade nationale a remis une copie du rapport d’expertise à la CNLF. Cette dernière lui a transmis le procès-verbal de saisie, mais a gardé les objets saisis, notamment l’or que réclamait la BNAF, et introduit une action en justice.

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