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Tribune

Corruption au Burkina Faso La gouvernance locale comme solution ? – Par : Ildevert Méda

Les élections sont une des méthodes de délégation de l’autorité démocratique aux politiciens locaux. Mais, au lieu d’être élus, les décideurs publics pourraient être nommés par des autorités de haut niveau, identifiés par délibération et consensus, voire sélectionnés au hasard. Malgré ces alternatives potentielles, c’est toujours la demande d’élections libres et équitables qui est au cœur des manifestations pro-démocratiques, comme durant le ‘’printemps arabe’’ ou au Burkina Faso en 2014 et 2015. La transition vers une démocratie compétitive et multipartite a permis à la suite une plus grande liberté politique et une concurrence politique plus active. Mais, est-il raisonnable d’espérer que les élections compétitives entraîneront également une réduction de la corruption ?
Selon Transparency International, la corruption et l’inégalité se nourrissent l’une de l’autre ; créant un cercle vicieux entre la corruption, la distribution inégale du pouvoir dans la société et la répartition inégale de la richesse. Pour relever ce défi précis, depuis 2015 et en partenariat avec la Banque mondiale et Innovations for Poverty Action, le gouvernement burkinabè teste, à travers le Programme d’appui aux collectivités territoriales (PACT), des solutions pour faire face au manque de redevabilité des représentants politiques locaux, impliquer les citoyens et les acteurs de la société civile dans les décisions politiques et favoriser un vote basé sur les performances réelles des élus.Ainsi, en 2015, une expérience comportementale a cherché à comprendre comment les élections peuvent réduire la corruption, et si la transparence est nécessaire à cet effet. Par exemple, les élections démocratiques sont-elles un moyen efficace de choisir les décideurs publics ? Les électeurs sont-ils en mesure d’identifier les candidats bienveillants ? Comment les élections influencent-elles les attentes des citoyens et l’évaluation des décideurs publics ? Quelle est la volonté des citoyens de sanctionner le détournement de fonds par les décideurs locaux, et cela dépend-t-il de leur choix ou non ?
L’étude a couvert 472 groupes de citoyens dans 118 communes rurales. Chaque groupe était formé de citoyens choisis au hasard de différents villages d’une même commune. Cela a permis de s’assurer que la population étudiée soit représentative de la population rurale, et que les participants ne se connaissaient pas auparavant.
Dans l’expérience, chaque groupe devait choisir un décideur. Dans certains groupes, il devait être élu démocratiquement. Dans d’autres groupes, il a été sélectionné au hasard parmi les membres du groupe. Cela nous a permis de comparer les décideurs élus et non élus dans un contexte par ailleurs identique. Une première comparaison a porté sur la volonté des décideurs élus de s’enrichir au détriment des autres. Avant que les décideurs ne soient sélectionnés, chaque membre du groupe a été invité à proposer comment ils partageraient 5.000 francs entre eux et le groupe. Toute portion de l’argent qu’ils se sont alloué serait la leur. Toute portion de l’argent qu’ils ont alloué au groupe serait répartie également entre tous les membres du groupe. En comparant ces propositions d’attribution anonymes, qui ont été recueillies auprès de tous les membres du groupe, on pouvait mesurer si les décideurs élus sont moins disposés à s’enrichir que le citoyen moyen. Il s’avère que c’est vrai : même si les membres du groupe n’avaient que dix minutes pour se connaître et que leurs décisions d’attribution restaient anonymes, les personnes qui ont fini par être élues avaient, en moyenne, alloué plus d’argent au groupe que les membres du groupe. Cela signifie que les élections peuvent être un moyen efficace de sélectionner des décideurs bienveillants -même si les électeurs n’ont que des informations très limitées sur les candidats.
Une deuxième comparaison a porté sur la confiance des citoyens envers les décideurs élus. Leur ferait-on plus confiance qu’à ceux choisis au hasard ? Cette question a été examinée dans le type suivant de situation : après que les groupes ont choisi leurs décideurs, chaque décideur reçut un budget dont l’ampleur était inconnue du groupe. Le décideur pouvait partager cet argent au groupe, auquel cas chaque membre du groupe recevrait une part égale dans le budget. Alternativement, le décideur pouvait détourner secrètement de l’argent, en gardant une portion de l’argent du groupe pour elle ou lui-même. Puisque le montant total du budget était inconnu du groupe, les autres membres du groupe seraient ainsi incapables de savoir si leur décideur avait détourné de l’argent, et combien. Après avoir reçu leur part de l’argent, les membres du groupe ont été invités à estimer combien d’argent (le cas échéant) leur preneur de décision avait détourné. Il a été constaté que les citoyens étaient beaucoup moins méfiants envers les décideurs qui avaient été élus par le groupe. En fait, la confiance des participants à l’étude vis-à-vis des décideurs élus était si grande qu’ils ont sous-estimé le montant d’argent que leurs décideurs élus ont effectivement détourné. En revanche, dans les groupes où un décideur a été choisi au hasard, les membres du groupe étaient, en moyenne, corrects dans l’estimation de la somme détournée. Ce résultat est particulièrement intéressant. Même si les décideurs élus ont tendance à être plus bienveillants que les décideurs non élus, tous ne sont pas aussi bienveillants que cela. Ainsi, les citoyens leur font beaucoup plus confiance qu’ils ne le devraient.
Enfin, l’étude a comparé la propension des citoyens à tolérer le détournement de fonds publics. Les citoyens seraient-ils moins indulgents si quelqu’un qu’ils avaient élu eux-mêmes avait détourné de l’argent du groupe ? Pour mesurer cela, les membres du groupe ont été invités à récompenser ou punir leur décideur, en fonction de ce qu’ils croyaient avoir été détourné par le décideur. Les résultats montrent que pour la même quantité de détournements présumés, les citoyens étaient moins susceptibles de récompenser et plus susceptibles de punir les décideurs qui ont été élus que les décideurs qui ont été choisis au hasard. Ainsi, les citoyens sont moins tolérants au détournement de fonds par les décideurs élus. Pris ensemble, ces trois mécanismes mènent à un résultat inattendu : même si les décideurs élus avaient tendance à être plus bienveillants que les décideurs choisis au hasard et que les citoyens étaient plus disposés à sanctionner les décideurs élus s’ils soupçonnaient qu’ils avaient détourné des fonds publics, les élections ne diminuent pas le détournement de fonds dans son ensemble. La raison en est que les citoyens faisaient beaucoup plus confiance aux décideurs élus qu’aux décideurs non élus. Certains décideurs élus ont pu exploiter la confiance accrue des membres de leur groupe et ont détourné des fonds de groupe en toute impunité. Cet effet a complètement neutralisé les effets bénéfiques des élections à éradiquer la corruption.
Les résultats suggèrent donc une perspective nouvelle sur le rôle de l’information dans la démocratie électorale. La transparence, selon cette étude, pourrait jouer un rôle important pour réduire la corruption ; l’information neutralisant la tendance des citoyens à faire trop confiance aux décideurs élus. Si les citoyens n’ont pas accès à l’information, leur confiance peut être exploitée par des décideurs plus intéressés par leurs propres profits. Ce qui diminue l’efficacité des élections. Du fait que les élections augmentent la volonté des citoyens de sanctionner les détournements de fonds, un manque de transparence peut nuire à cet effet, car les citoyens sont moins suspicieux envers les décideurs élus qu’envers les décideurs non élus. L’information sur la véritable étendue du détournement de fonds contrecarre ainsi la tendance des citoyens à faire confiance aux dirigeants élus plus qu’ils ne le devraient.
Le défi de la bonne gouvernance et de l’amélioration de la qualité des institutions pose le problème de la stabilité politique et gouvernementale, impliquant nécessairement l’adoption d’un système démocratique qui garantisse la primauté du droit, de la transparence, de l’alternance et de la lutte contre la corruption. De ce fait, selon le rapport du Plan national de développement économique et social (PNDES), le système de redevabilité devrait être développé à tous les niveaux. L’Indice sur le budget ouvert (IBO) devra être porté de 43/100 en 2015 à 55/100 en 2020 et l’Indice de perception de la corruption (IPC) de 38/100 en 2015 à 60/100 en 2020. Les actions consisteront à renforcer le système interne et externe de contrôle de l›État, à promouvoir le contrôle citoyen à tous les niveaux et à améliorer la transparence de l’administration publique. Promouvoir donc la bonne gouvernance et la sécurité, à travers la transparence, l’efficacité des institutions, la primauté du droit et la participation sont des conditions indispensables pour le bon fonctionnement démocratique. En bonne démocratie, ça ne devrait pas poser problème.

Pour en savoir plus : https://www.poverty-action.org/study/effect-local-elections-embezzlement-burkina-faso


IPA en bref

Innovations for Poverty Action (IPA) a pour mission de découvrir et de divulguer des solutions efficaces pour lutter contre la pauvreté dans le monde. En partenariat avec les décideurs politiques, IPA conçoit, évalue rigoureusement et aide à améliorer les programmes de développement, ainsi que la manière dont ils sont mis en œuvre. Voir https://www.poverty-action.org/country/burkina-faso.

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RAF

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