Women In Action

Autodéfense: petit guide de survie en milieu urbain

Depuis l’affaire Weinstein, les cours pour apprendre à se prémunir des agressions ne désemplissent pas. Mais en quoi sont-ils utiles?

Un parking souterrain. Sous les lumières blafardes, une femme. Seule, perchée sur des talons hauts, vulnérable, elle fouille dans son sac à la recherche de ses clefs de voiture. Soudain, des pas se font entendre derrière elle…

Ce scénario vous donne la chair de poule? Pourtant, il est pétri de clichés. Hollywood a bien travaillé mais la réalité est tout autre. «On nous abreuve d’images anxiogènes, déplore Carole, professeure d’autodéfense Fem Do Chi à Genève. Mais dans 70% des cas, les agressions sexuelles sont commises en plein jour et par une personne connue de la victime. Les témoignages qui ont fleuri sur Internet depuis l’affaire Weinstein le prouvent. Lors de nos stages, proposés en partenariat avec l’association Viol Secours, il faut détricoter les clichés, apprendre aux participantes à fixer des limites. Nous expliquons aussi aux femmes et aux adolescentes qu’elles sont en droit d’imaginer des scénarios positifs, où elles hurlent, frappent, se défendent. Bref, agissent.»

Dans les divers cours d’autodéfense disséminés à travers le canton, on cause étranglements, points faibles et coups dans les parties, mais aussi prise de conscience. «Il ne s’agit pas uniquement de savoir où et comment frapper. L’autodéfense est à la fois verbale, émotionnelle et physique, ajoute Carole. La majorité des agressions sont commises par des personnes qui se sentent le droit de tester les limites de l’autre. C’est le « bon père de famille », l’ami d’amis, le collègue de travail. Sauf exceptions, ces personnes ne sont pas des psychopathes: si les règles sont clairement fixées, ils les entendent et le pire est évité.»

Ne pas avoir peur de faire mal

À en croire les spécialistes, les femmes auraient donc beaucoup à apprendre en matière d’agression. Mais depuis qu’une pluie de #Metoo a inondé les réseaux sociaux, les consciences se réveillent. Raphaël Guichon, responsable de l’Association Formation Self Défense (AFSD) et formateur en self-défense féminin pour Ladyfense, constate par exemple depuis quelques mois une augmentation de la demande de cours privés. « Il y a comme une prise de conscience collective autour de la culture du viol, explique-t-il. Mais il reste encore beaucoup à faire en termes de prévention auprès des jeunes filles et des jeunes garçons. L’autodéfense devrait être une question de santé publique. »

Serge Pralong, formateur en autodéfense et fondateur du Centre d’autodéfense de Genève (CAD) propose depuis quelques années des cours en partenariat avec l’Université de Genève. «À chaque rentrée, les inscriptions sont plus nombreuses. Dans nos cours, le cheminement reste le même. Au début, nos élèves paniquent, ne parviennent pas à se dégager d’une étreinte. Au bout de quelques mois, cela leur prend dix secondes. On assiste parfois à des choses extraordinaires. J’enseigne comment plonger la main dans son sac, en sortir n’importe quel objet et s’en servir pour se défendre. Pour être efficace, l’autodéfense doit être contextuelle.»

«Tu crois que t’es belle?»

Aurélie*, 45 ans, a un lourd passif de victime derrière elle. Elle a décidé de sortir d’un cercle qu’elle sait vicieux, en s’inscrivant à un stage Fem Do Chi et s’estime grandie: « Ce cours a été un révélateur. Mon attitude dans la rue va changer, je vais marcher la tête haute désormais. Je sais que j’ai le droit de dire non à tout moment, y compris dans le cadre du couple. J’ai repris confiance en moi. »

Une prise de conscience qui n’étonne pas Carole: «Les femmes sont avant tout prisonnières de leur socialisation. On dit aux petits garçons de se défendre si on les embête et aux petites filles d’aller le dire à la maîtresse ». Résultat, nombre de victimes racontent qu’elles se sont retrouvées paralysées, incapables d’agir, tout simplement parce qu’on ne leur a jamais montré comment asséner un coup, voire parce qu’elles avaient peur de faire mal ou même de se faire mal.

Autre cliché à la peau dure: croire que si on se laisse faire, ce sera «moins pire». Associé à la peur de prendre des coups, le cocktail est radical. «Au contraire, plus vite on réagit, moins l’adversaire a acquis la certitude qu’il pouvait tout faire, objecte Serge Pralong. Les agresseurs ont un scénario dans la tête, il faut casser ce scénario.»

D’autant que les astuces des agresseurs pour dominer leurs proies restent toujours les mêmes. Physiques et psychologiques. Ce sont toujours des phrases identiques qui reviennent: Mais franchement, tu crois que t’es belle? Tu crois franchement que je voudrais te violer? Comment tu peux croire que tu m’intéresses? T’as rien compris! L’idée: ébranler la victime. Sauf que si on connaît le truc, cela ne fonctionne plus…

Par Cécile Denayrouse pour  Tribune de Genève

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