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Imam Tiégo Tiemtoré: «La mendicité est une pratique réprouvée par l’Islam»

 

L’Economiste du Faso: Quel est le point de vue de l’Islam concernant la mendicité ?
Imam Tiégo Tiemtoré de l’Association des élèves et étudiants musulmans du Burkina Faso (AEEMB) et du Cercle d’études et de formation islamiques (CERFI): L’Islam, dans ses enseignements, appelle à la miséricorde et la grâce entre les êtres humains. Le Prophète Mohamed dit à ce propos: «Soyez miséricordieux à l’égard des créatures de Dieu, et Dieu le sera aussi à votre égard». Il y a là une invite à la solidarité, à la générosité et au partage. Le Coran et la tradition prophétique indiquent des catégories de personnes qui peuvent recevoir l’aumône et l’aide.
Il s’agit exclusivement de ceux qui sont dans l’extrême pauvreté, les invalides, les voyageurs en rupture de provisions, les veuves et les orphelins, les personnes en détresse. Ils n’ont pas besoin de se déplacer pour mendier. Il appartient aux communautés de trouver des mécanismes pour leur venir en aide, dans le respect de leur dignité.
La mendicité est une pratique réprouvée par l’Islam et plusieurs propos prophétiques proscrivent la mendicité professionnelle. Je peux citer trois propos: «S’ils savaient ce qu’il y a dans la mendicité, personne ne se serait rendu chez personne pour mendier» et «celui qui en fait une profession, viendra au jour dernier le visage griffé et balafré». «Quand l’un de vous prend sa corde puis va à la montagne pour en rapporter un fagot de bois sur son dos le revendre afin que Dieu lui épargne l’humiliation de la mendicité, cela lui est bien plus préférable que de tendre la main aux gens».

Malgré tout, cette invite à se montrer généreux peut inciter à la mendicité.
La religion musulmane invite les croyants à donner et à se montrer généreux à l’égard de leurs semblables. Toutefois, ceci n’est pas une raison pour se mettre à mendier pour profiter, tel un parasite dans la société, de ces largesses. La mendicité n’est autorisée qu’en cas de situation critique: quelqu’un

L’école coranique sous la forme actuelle a fait son temps. Il faut la rénover et l’adapter au contexte. Dans le passé, cette école n’existait qu’au village. Les apprenants étudiaient et servaient dans les champs du maître coranique, qui assurait leur prise en charge complète à partir des revenus tirés des récoltes, selon l’Imam Tiégo Tiemtoré. (Ph: Lefaso.net)

dont les biens ont été frappés par une calamité. Il a le droit de demander assistance jusqu’à ce qu’il retrouve de quoi vivre. Celui qui est acculé par une nécessité réelle ou qui vit dans une pauvreté extrême. On voit ici que l’acte de tendre la main peut être temporaire et circonstanciel et non permanent comme on le voit souvent autour de nous.
L’Islam ordonne à ses partisans de travailler dur pour subvenir à leurs besoins, d’éviter l’oisiveté et de ne pas faire de la mendicité une profession. Le travail est un acte d’adoration. Toute activité ou travail que le croyant exerce est considéré comme un acte de culte d’adoration, du fait qu’il ne triche pas et qu’il cherche toujours à gagner un salaire ou un bénéfice de manière licite. Si le musulman a les capacités physiques de travailler, il ne faut pas qu’il soit une charge pour les autres ou qu’il tende sa main aux gens. Son devoir lui impose d’être utile à sa famille et à la société humaine. L’Islam va plus loin encore en vantant les mérites auprès de Dieu de celui qui travaille pour satisfaire ses besoins et les besoins de sa famille. Le Prophète Mohamed dit, «celui qui revient fatigué le soir de son travail voit ses péchés tomber comme tombent les feuilles sèches d’un arbre». Cela ne veut pas dire qu’il est interdit de solliciter de l’aide d’autrui. Dans le vécu quotidien, chacun d’entre nous est souvent conduit à demander du soutien de toutes natures à des connaissances. Il faut aussi comprendre que la mendicité est un fléau des temps modernes. Elle est en train de prendre une proportion démesurée dans les centres urbains, et elle nous met en face d’un paradoxe le plus souvent: une misère insultante et un luxe insolent cohabitant dans la même société. Adorer Dieu, c’est aussi être proche des créatures.
Un hadith du Prophète Mohamed (saw) indique que «toutes les créatures constituent la famille de Dieu. Celui qu’Allah aime le plus est celui qui est utile à cette famille». Où se trouve donc notre foi quand on est indifférent aux pleurs de l’orphelin, à la misère de la veuve, à la complainte du malade, aux déboires des enfants de la rue? Aujourd’hui, vous pouvez être à l’abri du besoin. Mais quelle assurance avez-vous pour ce que vous serez dans un an ou cinq ans?

Quelles solutions à préconisez-vous face à des gens qui ont perdu leurs emplois, des malades sans ressource, des veuves et orphelins sans soutien, des personnes du 3e âge abandonnées à elles-mêmes?
L’Islam va prescrire deux mécanismes, la Zakat (prélèvement obligatoire sur la fortune au profit des pauvres) et la Sadaquat (aumône volontaire), en vue de promouvoir la solidarité et l’entraide entre les individus et secourir les plus vulnérables de la société.
Ils jouent un peu le rôle d’un fonds de solidarité. Le Coran (sourate 93/10) dit: «Quant à celui qui te demande assistance, ne le repousse pas». Il y a d’une part le désir de venir en aide à des personnes en détresse et d’autre part l’exploitation malsaine qu’en font certains, au point de devenir des mendiants professionnels.

Quelles sont les solutions éventuelles pour résoudre le problème des enfants talibés?
L’école coranique sous la forme actuelle a fait son temps. Il faut la rénover et l’adapter au contexte. Dans le passé, cette école n’existait qu’au village. Les apprenants étudiaient et servaient dans les champs du maître coranique, qui assurait leur prise en charge complète à partir des revenus tirés des récoltes. Aujourd’hui, le contexte a changé: l’école est en ville et on voit que les enfants consacrent la plupart de leur temps à la rue et moins à leurs études. Il y a une fuite évidente de responsabilité des parents. En ville, les maîtres coraniques n’ont que très peu de moyens et ne disposent pas, comme auparavant, d’espaces de culture.
La mendicité des talibés, au Burkina Faso, au Mali ou ailleurs n’est pas un problème pour la seule communauté musulmane, c’est un problème de développement pour toute la société. Dans un contexte où nos pays ont réellement besoin de toutes les capacités, notamment en ressources humaines qualifiées, un nombre important d’une population non éduquée est un frein au développement.
La solution passe donc par une large concertation impliquant autant la communauté musulmane que les pouvoirs publics. L’Islam n’encourage ni la mendicité des grands ni celle des enfants. La mendicité obligatoire des jumeaux tire peut-être sa source de nos traditions africaines. Vous n’avez aucun texte coranique ou de la tradition prophétique qui parle de jumeaux, a fortiori de la possibilité de mendier.

Propos recueillis par Germaine BIRBA


Les nouvelles formes de mendicité

Le phénomène de la mendicité a pris des proportions inquiétantes à travers le monde et particulièrement en Afrique de l’ouest. La mendicité est devenue un travail pour beaucoup. Les préceptes de l’Islam, tels qu’ils ressortent de cet entretien, sont assez clairs à ce sujet.
Une certaine catégorie de personnes serait autorisée à la mendicité du fait de son incapacité physique ou morale. Toutefois, ces considérations sont bien loin, car même les plus valides s’adonnent à la mendicité.

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