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Economie

Débat: pour l’institution d’un impôt général sur les revenus des personnes physiques au Burkina faso

Dr Nébila Amadou Yaro, fiscaliste, enseignant, ancien ministre et directeur général de l’Enaref, ouvre le débat sur la refonte des impôts, notamment celui sur les revenus.
Il est une vérité que de dire que les grands courants économiques, politiques, pour ne pas dire idéologiques, ont entre autres pour fondements que le financement du développement doit reposer, autant que possible, sur les ressources propres que les pouvoirs publics peuvent mobiliser. Ainsi, le débat actuel sur les nouvelles mesures fiscales, né de l’adoption par le parlement des quatre impôts et taxes dont la perception est entrée en vigueur le 1er septembre 2016, doit être analysé avec un peu de recul dans le sens de la nécessité de modernisation progressive du système fiscal burkinabè.
Ce processus de modernisation de notre tissu fiscal, faut-il le rappeler, a pris corps véritablement et pour la première fois depuis longtemps (en fait depuis l’adoption et la mise en œuvre du code des impôts en 1965), au début des années 1990, à la faveur des réformes économiques que le gouvernement de l’époque a engagées et que beaucoup ont appelées le PAS (Programme d’ajustement structurel). Dans la matrice du document cadre portant sur les réformes fiscales, figurait en bonne place la réorganisation des services des impôts et la création de plusieurs impôts, et taxes. La réorganisation des services fiscaux a abouti à la création de l’actuel Direction générale des impôts par la fusion des anciens services fiscaux et les services du cadastre et des domaines. Plusieurs impôts et taxes ont aussi été créés parmi lesquels la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Mais d’autres ne l’ont pas été pour des raisons diverses. Il en est ainsi de l’Impôt général sur le revenu (IGR).
Plus de vingt-cinq (25) ans après ces moments importants sur le plan financier, il est nécessaire de continuer la réflexion en vue de la prise en compte effective d’une imposition plus efficace des revenus des personnes physiques. Plus concrètement, il s’agit de l’adoption d’un Impôt général sur les revenus des personnes physiques (IGRPP), ceci à l’instar de nombreux autres pays africains qui possèdent dans leurs législations fiscales cette catégorie d’impôt. Il en est ainsi de la Côte d’Ivoire, du Bénin, du Togo ou du Maroc. Cet impôt peut avoir des formes différentes. Il convient donc de l’adapter à notre contexte, même si un certain nombre de fondamentaux reste les mêmes.

1- Comment peut se présenter un IGRPP ?

Il convient de préciser que notre système fiscal est du type cédulaire, c’est-à-dire que chaque revenu est imposé séparément. C’est ainsi du salaire qui subit l’Impôt unique sur les traitements et salaires que tous les salariés (connaissent) constatent sur leurs bulletins de salaires en fin de mois. Cette technique d’imposition peut être confrontée à une autre qui est de regrouper tous les revenus ensemble pour les imposer. Il s’agit alors d’une imposition globale connue sous le nom de l’Impôt général sur le revenu. Cet IGR peut générer d’autres catégories d’imposition dont l’IGRPP. Un IGRPP fait donc partie de la grande famille de l’IGR. Les spécialistes de la fiscalité remontent l’IGR en France au début des années 1910 et précisément par la loi du 15 juillet 1914 et son décret d’application en date du 15 janvier 1916. C’est donc un impôt qui s’applique à tous les revenus et profits des personnes morales et des personnes physiques. Des exonérations existent dans certains pays comme le Maroc. L’Impôt général sur les revenus des personnes physiques va plutôt concerner une partie des contribuables et une partie de leurs revenus.

1-1- Qui peut être imposé ?

Comme son nom l’indique, l’IGRPP pourrait toucher plusieurs types de contribuables :

– Il s’agit d’abord des personnes physiques. Il faut entendre les individus au sens juridique du terme, par opposition aux personnes morales qui sont soumises à d’autres catégories d’impôts comme l’impôt sur les sociétés, en tant contribuables. Dans ce dernier cas, les actionnaires et les dirigeants des sociétés, du fait qu’ils sont différents au point de vue juridique de la société qu’ils administrent, seront concernés par l’IGRPP.
– Le foyer « fiscal » : il faut entendre par ces termes l’hypothèse d’une imposition du couple. La taxation consiste à imposer non pas les individus isolément, mais les ménages qu’ils composent. Si le contribuable est célibataire, veuf, divorcé le foyer fiscal n’est composé que par lui-même. S’il est marié (e), le foyer fiscal sera obligatoirement composé des deux ou plusieurs conjoints. Certaines législations intègrent les enfants mineurs à charge.
– Les sociétés de personnes et notamment les sociétés civiles : en droit des affaires, les associés de ces formes de sociétés sont personnellement et indéfiniment responsables des dettes de leurs entreprises. Ils sont donc traités comme des personnes physiques avec toutes les conséquences juridiques.

1-2- Quels sont les revenus concernés ?

L’Impôt général sur les revenus des personnes physiques concerne les revenus des personnes physiques. Le revenu d’une personne ou d’un agent économique désigne « l’ensemble des droits sur les ressources disponibles qui lui sont attribués au cours d’une période donnée, sans prélèvement sur son patrimoine». Il peut provenir du travail, du capital ou de transferts. Le revenu s’oppose ainsi au capital. De manière concrète, les revenus suivants seraient concernés :
– Les salaires et traitements
– Les rémunérations des dirigeants de sociétés
– Les revenus fonciers
– Les revenus mobiliers
– Les rémunérations des actionnaires lorsque l’entreprise distribue des dividendes.

En somme, l’IGRPP pourrait toucher tous les revenus que le contribuable viendrait à obtenir au cours d’une période donnée. Dans tous les cas, le législateur peut décider d’exonérer certains revenus ou étendre la loi aux revenus acquis sur le territoire national et/ou ceux acquis à l’étranger.

2- Ses avantages et ses inconvénients pour notre système fiscal

2-1- Des avantages
Il faut rappeler que cette formule d’imposition avait été envisagée au début des années 1990. On peut donc en retirer quelques avantages qui ne sont pas encore « désuets » :
– Une meilleure modernisation de notre fiscalité : il est habituel de dire qu’un bon système fiscal est entre autres celui par lequel on connait tous les contribuables et tous les revenus qu’ils génèrent. L’une des faiblesses de notre système fiscal généralement soulignées est son incapacité à générer un fichier de tous les contribuables sur le territoire national.
– Un facteur de justice sociale: de par le fait que cet impôt permet de connaitre dans les détails les revenus acquis par une personne et de les imposer, on crée de facto une forme de justice fiscale. La charge de l’impôt ne va plus reposer sur quelques contribuables parce qu’ils « ne peuvent pas échapper à l’agent des impôts ». Il en est ainsi du salarié qui n’a que pour seul revenu son salaire qui est amputé de l’IUTS sans qu’il n’ait son mot à dire. La conséquence de cet avantage (une plus grande justice sociale) est la réduction des inégalités. Du fait que tous les revenus sont imposés, le contribuable dispose effectivement d’un revenu net plus « légitime ». Mais au regard des expériences dans d’autres pays, on peut s’interroger aujourd’hui sur sa capacité à réduire les inégalités.
– Une augmentation du taux de pression fiscale : l’une des raisons pour lesquelles le taux de pression fiscale (ou effort fiscal) est en dessous des seuils exigés par l’UEMOA est la non-connaissance exhaustive de tous les contribuables et de tous les revenus susceptibles d’être imposés. L’institution de cet impôt permettra l’élargissement de l’assiette fiscale, avec la conséquence d’une meilleure rentabilité financière de notre système fiscal.
– Une augmentation des recettes fiscales. Autrement, sa rentabilité budgétaire, car avec l’IGR, on trouve véritablement la « fameuse capacité contributive » tant recherchée par le fisc et qui constitue un des éléments cardinaux de la définition de l’impôt moderne.

2-2- Des inconvénients certains
– Ce serait une méthode « inquisitoriale»: avec une telle imposition,« on rentre dans la vie privée des contribuables». S’il est correctement mis en œuvre et accepté, tous les revenus doivent être déclarés. Il s’agit bien de tous les revenus, sans exception, et quelques soient leurs sources qui doivent être déclarés.
– Une possible hausse de la fraude fiscale : une certaine culture du secret chez certains contribuables peut les emmener à toujours vouloir échapper à l’impôt en ne déclarant pas tous les revenus.

3- Sa mise en œuvre possible
L’adoption et la mise en œuvre d’un tel impôt nécessitent des préalables, mais surtout une préparation qui doit porter aussi bien sur les contribuables que sur les services compétents.
3-1- Le temps
Il parait indispensable de mettre en œuvre un tel dispositif par étape. On pourrait commencer par un recensement général des contribuables. Dans ce sens, les sorties physiques des agents sur le terrain ne seraient pas de trop, ceci pour mieux appréhender le tissu économique. Par la suite, ne pourraient être concernés que les contribuables connus et dont on peut avoir une bonne traçabilité de leurs revenus.
Dans certains pays, la sélection s’est faite sur la base du niveau de fonction qu’occupe le contribuable.

3-2- Un bon fichier cadastral
La nécessité d’un cadastre fiscal s’impose de par l’importance des revenus fonciers concernés par cet impôt. Dans la plupart des pays africains où cette forme d’imposition est en vigueur, les revenus fonciers constituent une part importante des revenus qui sont déclarés.
3-3- Doter l’administration fiscale des moyens nécessaires
La question de savoir si les services fiscaux sont prêts pour « une telle aventure » a été la même dans les pays qui disposent de cet impôt dans leur arsenal fiscal.
Les moyens sont essentiellement matériels, mais surtout humains. Il convient à cet effet de « spécialiser » davantage les professionnels de l’impôt afin de les fixer sur des impôts très précis.

Conclusion
L’approche qu’il convient de considérer dans l’optique d’une adoption et d’une mise en œuvre d’un Impôt général sur les revenus des personnes physiques doit être pragmatique et surtout en phase avec l’évolution de notre système fiscal.Ce plaidoyer entre dans ce sens, celui d’une évolution de notre système fiscal qui doit encore être mieux expliqué et mieux connu des contribuables.

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RAF

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