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Tribune

Retrouver l’espoir d’hier – Paul Kagamé et K.Y. Amoako

Kemal Dervis, ancien ministre des Affaires économiques de la Turquie et ancien administrateur du Programme de développement des Nations Unies (PNUD), est vice-président de la Brookings Institution.

WASHINGTON, DC – L’année 2015 a été difficile, ponctuée par la baisse des prévisions de croissance, des attaques terroristes horribles, des flux massifs de réfugiés et de graves défis politiques qu’entraîne la montée du populisme dans de nombreux pays. Au Moyen-Orient, en particulier, chaos et violence ont continué à proliférer, avec des conséquences dévastatrices. Cela représente un virage décevant par rapport au monde sans doute imparfait, mais avec beaucoup plus d’espoir, d’il y a quelques décennies.
Dans son autobiographie, Le Monde d’hier, Stefan Zweig décrit un changement drastique similaire. Né en 1881 à Vienne, Zweig a passé sa jeunesse dans un environnement optimiste, civil et tolérant. Puis, à partir de 1914, il a été témoin de l’effondrement de l’Europe dans la Première Guerre mondiale, suivie par des convulsions révolutionnaires, la Grande Dépression, la montée du stalinisme, et enfin la barbarie du nazisme et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Dévasté, Zweig s’est suicidé en exil en 1942.
On imagine que Zweig aurait été réconforté par la création, après la Seconde Guerre mondiale, de l’Organisation des Nations Unies et du système de Bretton Woods, sans parler des décennies suivantes de reconstruction et de réconciliation. Il aurait pu assister à la coopération et aux progrès qui ont marqué l’ère d’après-guerre. Peut-être, alors, il aurait regardé la période 1914-1945 comme un détour, terrible mais limité, dans la marche du monde vers la paix et la prospérité.
Bien sûr, la seconde moitié du XXe siècle est loin d’avoir été parfaite. Jusqu’en 1990, la paix a été maintenue en grande partie par la menace d’une destruction nucléaire mutuelle. Des conflits locaux, comme en Corée, au Vietnam, dans des parties de l’Afrique et du Moyen-Orient, ont fait des ravages. Et, alors que quelque 100 pays en développement ont obtenu leur indépendance, le processus n’a pas toujours été pacifique.
Dans le même temps, cependant, l’économie mondiale a connu une croissance plus rapide que jamais. Une classe moyenne forte a émergé dans les pays avancés, puis a commencé à apparaître ailleurs. Les démocraties occidentales et le Japon ont construit des économies dans lesquelles la croissance de la productivité a conduit à une prospérité partagée; les gouvernements se sont engagés dans la régulation et la redistribution, tandis que les entreprises privées ont alimenté la croissance en mettant en œuvre des méthodes de production technologiquement avancées. Aussi bien aux niveaux régional que mondial, des progrès décisifs ont été accomplis grâce aux bénéfices du commerce et des économies d’échelle. Le projet d’intégration européenne semblait annoncer un nouveau type de coopération, qui pourrait s’étendre à d’autres régions et même influencer la coopération mondiale.
La génération qui a grandi dans les années 1960 se sentait un peu comme Zweig s’était senti dans sa jeunesse. Nous pensions que, même si les progrès ne sont pas toujours linéaires, nous pouvions compter sur ceux-ci. Nous nous attendions à un monde de plus en plus pacifique et tolérant, dans lequel les avancées technologiques, ainsi que les marchés bien gouvernés, généreraient une prospérité toujours plus grande. En 1989, lorsque l’Union soviétique était sur le point de s’effondrer et que la Chine entamait un passage à une économie de marché, Francis Fukuyama annonçait la «fin de l’histoire».

Au cours des deux dernières décennies, cependant, nos espoirs – politiques, sociaux et économiques – ont été déçus à plusieurs reprises. Il fut un temps où les décideurs américains se demandaient si la Russie devrait adhérer à l’OTAN. Cette possibilité est difficile ne serait-ce qu’à envisager aujourd’hui, après l’intervention en Ukraine et l’annexion par la Russie de la Crimée (apparemment effectuée en réponse aux craintes que l’Ukraine puisse approfondir ses liens avec l’Union européenne et l’OTAN).
De nombreuses économies émergentes ont enregistré une croissance rapide depuis plusieurs années – voire plusieurs décennies – permettant à des milliards de personnes d’échapper à l’extrême pauvreté et une réduction de l’écart de richesses entre les pays développés et en développement. Mais cette croissance a récemment ralenti sensiblement, incitant beaucoup de commentateurs à se demander si les économistes avaient parlé trop vite en les considérant comme les nouveaux moteurs de la croissance économique mondiale.
De même, le printemps arabe en 2011 était censé annoncer un nouvel avenir, plus démocratique pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Alors que la Tunisie a pu éviter la catastrophe, la plupart des autres pays touchés ont fini embourbés dans le chaos, dont une guerre civile brutale en Syrie, encourageant la montée de l’Etat islamique.
L’euro, quant à lui, a subi sa propre crise. La monnaie commune, une fois dépeinte comme le début d’une Europe quasi-fédérale, a au contraire créé de graves tensions entre pays «créanciers» et pays «débiteurs» lorsque de nombreux débiteurs ont été confrontés à un ralentissement économique prolongé. A peine l’Europe semblait enfin avoir échappé à la crise de l’euro, les réfugiés, en particulier de Syrie, ont commencé à affluer. Cela a mis en péril l’espace Schengen de voyage sans frontières, et certains se demandent si l’UE peut résister à la pression.
Aux États-Unis, la crise syrienne des réfugiés a amené le Congrès à se précipiter pour restreindre l’entrée sans visa pour les touristes de 38 pays. Cela arrive à un moment où les inégalités de revenus et de richesses sont montées en flèche aux États-Unis – le salaire médian pour les hommes n’a pas augmenté depuis des décennies – menant beaucoup de personnes à se demander si leurs enfants seront en mesure de maintenir le niveau de vie dont ils jouissaient. En plus de tout cela, pour la première fois depuis des décennies, la croissance du commerce international ne dépasse plus confortablement la croissance de la production mondiale.

Traduit de l’anglais par Timothée Demont
Copyright: Project Syndicate, 2015.
www.project-syndicate.org


 

Le monde ne manque ni de ressources ni d’innovations technologiques

Une cause fondamentale à beaucoup de ces problèmes pourrait bien être la vitesse de changement sans précédent – générée par la mondialisation et l’innovation technologique – qui a produit des perturbations trop vite et à trop grande échelle pour que nous puissions les gérer. Par exemple, tandis que la technologie de communication a fait des merveilles, par exemple, pour élargir l’accès au financement en Afrique, elle a également permis à des réseaux terroristes de crypter leurs communications de manière efficace. De même, comme la crise financière mondiale l’a démontré de façon spectaculaire, les régulateurs ont du mal à suivre le rythme de l’innovation financière.
Le potentiel pour le progrès humain semble encore immense, parce que le monde ne manque ni de ressources ni d’innovations technologiques. En effet, la technologie offre l’espoir de traitements médicaux permettant de sauver des vies, d’une plus grande productivité économique et de systèmes énergétiques durables. Mais les gens ont peur, comme l’indiquent le retour des politiques identitaires et un manque d’ouverture économique et politique. En conséquence, la croissance de la productivité ralentit et, bien que le capital semble bon marché et les profits abondants, l’investissement reste atone.
La clé pour gérer les perturbations et apaiser les craintes des gens est la gouvernance. Zweig a vu le monde tomber en morceaux il y a un siècle, non pas parce que la connaissance humaine a cessé d’avancer, mais en raison de défaillances généralisées de la gouvernance et de politiques. Alors que nous entrons dans 2016, nous devons nous concentrer sur l’adaptation de la gouvernance, dans toutes ses dimensions économiques et politiques, au vingt et unième siècle, de sorte que nos ressources et connaissances produisent des progrès inclusifs et non pas des conflits violents.

 

 

 

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