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Tribune

Loi de finances 2016 : Inquiétudes pressantes sur son adoption par le CNT-Par l’Institut de recherche en Finances publiques et les investissements au service du développement (IRFID)

Le budget 2016 va-t-il connaitre un pire scénario d’adoption que celui de 2015, adopté in extremis le lundi 29 décembre 2014 ? Le Conseil des ministres du mercredi 25 novembre 2015 a marqué son accord pour la transmission du projet de loi de finances (ci-après PLF) gestion 2016 au CNT. Si ce dernier est l’organe législatif de la transition, sa légitimité et l’opportunité pour adopter le PLF 2016 peut être sérieusement discutée (I.). Le scénario qui se profile laisse entrevoir qu’il serait convenable de recourir aux techniques constitutionnelles d’urgence budgétaire pour établir le budget 2016 (II.).

L’adoption inopportune de la loi de finances 2016 par le CNT
L’adoption du budget est l’une des prérogatives importantes des Assemblées parlementaires (art. 103 de la Constitution). On ne pourrait le nier. Mais celle du PLF 2016 par le CNT paraît inopportune pour des raisons à la fois juridiques (A.) et politiques (B.).

Les raisons juridiques
L’adoption du PLF par le CNT pose un problème de calendrier. L’importance de la matière budgétaire a conduit le constituant à fixer un délai de 60 jours aux représentants de la Nation pour l’adoption du projet de loi de finances. Ce délai court en principe à compter du jour de l’ouverture de la deuxième session ordinaire fixée par la Constitution au dernier mercredi du mois de septembre. Mais, les circonstances particulières de fonctionnement du CNT ont conduit à l’instauration d’une session unique jusqu’à la fin de la transition (art. 25-1 du règlement du CNT). Ce règlement précise en son article 25-3 que le PLF doit être introduit au moins 60 jours avant la fin de la transition. Cette dernière prend fin à l’investiture du président du Faso, qui intervient 15 jours suivant la proclamation des résultats de l’élection présidentielle. (Art. 21 de la charte de la transition). Le dépôt du projet de loi de finances gestion 2016, annoncé par le gouvernement de la transition à l’issue du Conseil des ministres du 25 novembre 2015, intervient donc de façon manifestement tardive. Même en prenant en compte le délai de 40 jours en cas d’urgence prévu à l’article 119 de la Constitution, le temps restant au CNT ne permet pas de couvrir ce délai. La fin imminente de la transition pose également la question de la légitimité du CNT pour examiner et adopter un budget qui sera exécuté par un pouvoir qui sera, lui, issu du suffrage universel direct. Il risque de se poser un problème d’(ir)responsabilité politique dans le règlement du budget 2016. En effet, quelles autorités répondront-elles des résultats de l’exercice 2016 ? Le gouvernement qui l’a exécuté, mais qui ne l’a pas élaboré, conformément au programme politique qu’il met en œuvre ou les autorités de la transition dont le mandat aurait déjà pris fin ?

Les raisons politiques
La perspective d’adoption du PLF 2016 par le CNT paraît être une incohérence politique. Sur le plan politique, le budget est l’expression financière des choix que la majorité au pouvoir veut mettre en œuvre. Ce rôle politique a une signification particulière dans le budget 2016 car, en cette période de transition politique, le gouvernement qui sera désigné après les élections voudrait peut-être marquer une rupture d’avec la politique menée jusque-là et mettre en œuvre ses promesses électorales. Cette vocation d’instrument politique semble être mise à rude épreuve pour le budget 2016. La transition vivant ses derniers instants, l’adoption du PLF 2016 par le CNT anéantit la possibilité pour la future majorité d’utiliser le levier budgétaire comme instrument de mise en œuvre de son programme politique. Comment pourra-t-elle en conséquence mettre en œuvre son programme de société, si elle n’a pas élaboré le projet de budget? Se sentira-t-elle liée par un budget établi par les autorités de la transition ? Le dilemme posé par la coïncidence entre la succession politique et le calendrier budgétaire réduit ainsi la possibilité pour le futur gouvernement d’honorer ses promesses dès l’année 2016. Une solution palliative pourrait être envisagée à travers la technique des lois de finances rectificatives. Ces dernières modifient en cours d’année les dispositions de la loi de finances initiales. Mais elles ne sont pas de véritables lois de rupture de politique budgétaire. Elles procèdent plus à des annulations de crédits, mais elles n’augmentent pas significativement les recettes dans un contexte où des candidats ont promis la mobilisation de ressources exceptionnelles. De toute évidence, les lois de finances rectificatives ne permettront pas au nouveau gouvernement d’imprimer sa marque au budget 2016. Encore que se pose la question de savoir si elle aura une majorité confortable à l’Assemblée pour les faire adopter ? Il paraît alors utile de recourir aux mesures dérogatoires prévues par la Constitution.

Le recours judicieux aux techniques d’urgence budgétaire de substitution
Si l’on conçoit avec nous que l’adoption du budget 2016 par le CNT est inopportune, il est possible de rester dans la légalité budgétaire en faisant recours aux mesures exceptionnelles prévues par la Constitution. Ces mesures dérogatoires à la procédure budgétaire normale tiennent aux techniques des douzièmes provisoires et des ordonnances budgétaires (A). L’expérience de certains pays de la sous-région peut conforter le recours à la mise en œuvre de ces dernières procédures qui seraient inédites au Burkina Faso (B).

Pour une expérience des douzièmes provisoires et de l’ordonnance budgétaire
Ces dérogations sont prévues à l’article 103 de la Constitution. Cette disposition qui commande la procédure d’adoption du budget dispose substantiellement que si l’Assemblée nationale n’a pu se prononcer sur le projet présenté par le gouvernement dans les délais, le budget rentre en vigueur par ordonnance d’une part; si le gouvernement n’a pu déposer le projet à temps pour une adoption par l’Assemblée d’autre part, cette dernière peut lui donner l’autorisation de reprendre le budget de l’année précédente par douzièmes provisoires. Le recours à l’ordonnance budgétaire qui transfert à l’exécutif le pouvoir d’adopter le budget s’analyse comme un palliatif à la défaillance du Parlement. Dans notre cas de figure, on peut envisager cette solution dans la mesure où la nouvelle Assemblée n’aura vraisemblablement pas le temps pour examiner et se prononcer sur le projet de loi de finances. Mais cette solution présente des limites dès lors que, comme on l’a dit plus haut, le nouvel exécutif aura besoin d’un minimum de temps pour intégrer dans le projet de budget actuel quelques grandes lignes de son programme. La prise en compte de cette dernière réalité impose inévitablement le recours à la dérogation des douzièmes provisoires. Les douzièmes provisoires permettent à l’Assemblée nationale d’autoriser le gouvernement de reprendre le budget de l’année antérieure (celui de 2015) au 1/12e de sa dotation. Il s’agit d’une autorisation provisoire qui permet au Parlement de se réserver le pouvoir budgétaire et de se donner le temps nécessaire pour l’examen et l’adoption du budget au cours de l’année (2016). La solution recommandable des douzièmes provisoires a l’avantage de conserver une prérogative essentielle de l’Assemblée qui est celle de remplir la fiction juridique du consentement du peuple à l’impôt. Cependant, elle peut susciter des curiosités, voire des craintes, d’autant plus qu’elle n’a jamais été appliquée au Burkina Faso. Pourtant, l’expérience de certains États de la sous-région peut aider à la mise en œuvre de cette disposition constitutionnelle.

Cette contribution est une réaction de chercheurs en finances publiques de l’Université Ouaga II contre l’adoption de la loi de finances par le CNT.
Pr Séni Mahamadou Ouédraogo
Dr Djibrihina Ouédraogo
Dr Yacouba Ouédraogo
Dr Daouda Diallo
Dr Elvis Sawadogo


Tirer les leçons des expériences sous-régionales

Faut-il craindre une autorisation par 1/12e de la dotation du budget de 2015? Cette question qui peut surprendre se justifie par le fait que les circonstances particulières d’adoption de la loi de finances de l’année 2015 avaient amené certaines voix à relever le caractère inapproprié de cette technique. Il a été rétorqué que le recours aux douzièmes provisoires n’était qu’une vision d’universitaires ignorant les réalités administratives et que son utilisation serait un mauvais signal renvoyé aux partenaires financiers ; de surcroît, il contraindrait l’administration à s’exercer à une procédure inédite. De telles considérations paraissent injustifiées d’autant plus qu’elles tendent à rendre ineffective une disposition constitutionnelle. Du reste, on pourrait se poser des questions sur le choix à opérer par un partenaire financier entre une légitimité électorale et une légitimité conjoncturelle.
Sans vouloir rentrer ici dans des réflexions relatives à la complexe théorie du droit, on voudrait rappeler que certains pays voisins ont déjà appliqué cette technique des douzièmes provisoires sans qu’il n’ait été noté des difficultés particulières sur le fonctionnement de l’État. Ainsi, au Bénin, le budget de l’exercice 1994 est seulement rentré en vigueur en août. Jusqu’en juillet 1994, il a été adopté par l’Assemblée nationale un peu moins d’une dizaine de lois autorisant le recours aux douzièmes provisoires. De même en Côte d’Ivoire, en raison de la crise politique et institutionnelle, les ordonnances budgétaires intervenues au cours des exercices 2003, 2004 et 2005 n’ont fait que reprendre par douzième le budget de l’exercice précédent. Les lois de finances de ces différents exercices avaient ensuite été adoptées respectivement en juillet 2003, avril 2004 et avril 2005. Certes, ces expériences ne se sont pas toujours déroulées suivant la pure orthodoxie juridique, il n’empêche qu’elles apportaient des réponses à des urgences budgétaires.

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RAF

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