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STFL : Visa pour sa privatisation

La Société de transformation des fruits et légumes (STFL), basée à Loumbila, est devenue une arlésienne. Cette unité tant attendue a eu du mal à se mettre en place et à fonctionner. Face à cette situation, l’Etat avoue son impuissance et jette l’éponge.

La STFL, conçue avec le statut d’une société d’économie mixte à participation majoritaire de l’Etat (62,5%), va être privatisée. C’est la décision prise par le gouvernement lors du Conseil des ministres du 9 septembre 2015. Le Conseil a instruit les ministres en charge du dossier de prendre les dispositions idoines pour la rétrocession de la société à un privé. Une solution radicale pour donner une nouvelle chance à ce projet de transformation de la tomate et des fruits locaux. Une initiative étatique qualifiée par bon nombre de Burkinabè comme l’un des projets industriels les plus pertinents du pays. Elle résulte en effet d’une forte recommandation de la Journée nationale du paysan (JNP), tenue à Manga en janvier 2006. La STFL a été créée le 6 mars 2009 et ses statuts approuvés le 10 juin de la même année par des décrets. Son capital est de 800 millions F CFA. Le coût initial du projet, qui s’élève à plus 8,1 milliards de F CFA, a été financé par la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC), à travers les ressources de la ligne indienne (Exim Bank) à hauteur d’environ 7,5 milliards et par le gouvernement burkinabè pour une contrepartie nationale de près de 528 millions. Le démarrage de la phase de production était prévu pour 2014. Mais à cette échéance, les retards et les difficultés étaient encore nombreux.
Dès son arrivée, le gouvernement de la transition a montré beaucoup d’enthousiasme et de volonté de relancer le secteur industriel, notamment celle de la transformation des produits locaux. En l’occurrence BRAFASO et la STFL. A la STFL, on a tablé sur la finalisation des travaux de construction de l’usine et la mise en marche de la production. Un nouveau directeur général, l’économiste Baya Toé, a été nommé le 14 janvier 2015. Le Conseil d’administration a également été remanié. Mais ce volontarisme s’est très vite révélé insuffisant. Le nouvel équipage de la STFL va rapidement comprendre qu’il est face à un puzzle, avec en plus de nombreuses pièces manquantes.
Le Conseil des ministres du 9 septembre 2015 a adopté un rapport qui en dit long sur le marasme actuel de la STFL. Il apparait clairement que le projet a été mal conçu. Par la suite, il a connu un raccommodage indigeste et de nombreuses lacunes liées à la gouvernance administrative, technique et financière. Concernant ce dernier point, une mission de l’Inspection générale des finances a déjà séjourné au sein de la société, tandis que l’Autorité supérieure du contrôle d’Etat (ASCE) y est depuis mai 2015. Les conclusions de ces investigations sont attendues.
«Nulle part dans les décrets de création et d’approbation des statuts de la STFL, il n’est mentionné que celle-ci est un organe d’orientation ou d’administration (comité de pilotage par exemple) ou qu’elle est chargée de la maîtrise d’ouvrage du projet de construction de l’usine», regrette le rapport gouvernemental sur la STFL. Par ailleurs, un manque de synergie a été constaté entre les différentes parties prenantes au projet. «L’autre incongruité est que l’accord de prêt confie l’exécution et la gestion du projet respectivement au ministère en charge du Commerce (maître d’ouvrage du projet) et à une société à laquelle sera rétrocédé le prêt, en l’occurrence la STFL de Loumbila», ajoute le rapport.
Dès 2010 et 2011, le coût initial du projet avait été réévalué à plus de 17 milliards de F CFA au lieu de 8 au départ. Aujourd’hui encore, ce nouveau montant de 17 milliards est largement dépassé. Rien qu’en 2014, le besoin de financement supplémentaire du projet était estimé à environ 6,5 milliards de F CFA. Un nouvel audit industriel et organisationnel est nécessaire pour actualiser ce chiffre. Voilà qui constitue un dossier suffisamment lourd et budgétivore pour l’Etat, qui a alors choisi de s’en débarrasser au profit d’un repreneur privé.
Karim GADIAGA


Un projet à l’arrêt et endetté

Le «beau» projet de la STFL s’était donné pour objectif global la mise en place d’une usine pilote de transformation de la tomate et de la mangue en concentré, d’une capacité respective de 250 et 240 tonnes par jour pour les deux produits. A ce jour, la mise en œuvre du projet indique un taux d’installation des équipements à 70% contre seulement 24% pour la construction des infrastructures.
La construction de l’usine est à l’arrêt depuis juin 2013. L’usine était censée commencer son fonctionnement en 2014, mais la contrepartie nationale budgétaire comprenant les ressources destinées aux investissements et aux charges de fonctionnement n’avait été inscrite ni au titre du budget 2014, ni dans celui de 2015. A présent, rien non plus pour 2016. Aujourd’hui, la masse salariale mensuelle brute du personnel (58 employés) s’élève à plus de 20 millions. La STFL, qui ne produit pas encore et ne commercialise rien, n’est pas capable de l’assurer. A cela s’ajoutent les dettes grandissantes de la société vis-à-vis des fournisseurs. Lesquelles dettes sont évaluées à environ 548 millions au 31 juillet 2015. En 2016, le budget de l’Etat devrait réserver plus de 552 millions au titre des charges de la STFL, soit environ 313 millions pour payer l’intégralité des salaires du personnel et 240 millions pour le nouvel audit.

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