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Mission Energie à Taïwan: diversifier les sources d’approvisionnement en équipements

Du 23 juillet au 4 août 2015, une délégation d’hommes d’affaires burkinabè a séjourné à Taipei dans le cadre d’une mission commerciale organisée par la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina et la coopération taïwanaise. Cette mission était centrée sur les opportunités d’échanges et de coopération dans le secteur de l’énergie. Félix Sanou, directeur des services aux entreprises et de la coopération à la Chambre de commerce, a conduit la mission. Il nous fait ici le bilan du séjour à Taïwan. De nombreux contacts d’affaires ont eu lieu.

– L’Economiste du Faso: Qu’est-ce qui a motivé l’organisation d’une mission commerciale axée sur l’énergie?
Comme vous le savez, cette année, notre pays a connu des délestages d’électricité sans précédent. Cette situation a lourdement handicapé l’activité économique. Dans le souci de contribuer un tant soit peu à la recherche de solutions au problème énergétique récurrent du pays, la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso, en collaboration avec l’ambassade de Chine (Taïwan) au Burkina Faso et l’accompagnement de la Société nationale d’électricité (Sonabel), a entrepris d’organiser cette mission de prospection et de partage d’expériences à Taïwan dans le domaine de l’énergie, du 23 juillet au 4 août 2015.
Le premier objectif était de bénéficier de l’expérience de Taïwan en matière de développement du secteur de l’énergie et de présenter les projets de la Sonabel aux investisseurs taïwanais. L’autre objectif était de permettre à nos entreprises participantes de prospecter le marché taïwanais en vue de diversifier leurs sources d’approvisionnement en équipements d’énergie, notamment solaires, et de créer un cadre d’échanges entre entreprises burkinabè et entreprises taïwanaises dans la perspective de la formation de partenariats d’entreprises.

– A l’arrivée, quel bilan peut-on en tirer tant au niveau de la participation des deux côtés que de la qualité ?
De façon générale, la mission a été un succès. Cela s’explique en grande partie par la qualité des entreprises burkinabè qui ont participé à la mission et par l’intérêt manifesté par les entreprises taïwanaises pour cette mission. Il faut dire que nous avons fait un travail rigoureux de sélection des entreprises participantes, ce qui a relevé le niveau de professionnalisme de nos entreprises dans leur interaction avec leurs vis-à-vis taïwanaises.
En outre, nous avons fait un travail important de présentation des objectifs de participation de chaque entreprise afin qu’ils soient les plus précis possibles. Cela a eu pour conséquence de faciliter le travail de mobilisation et de matching des entreprises taïwanaises. Je salue au passage la qualité du travail de mobilisation effectué par l’équipe de l’Ambassade de Chine (Taïwan) sur place à Taïwan.
La mission en elle-même s’est déroulée en trois phases. D’abord, il y a eu un séminaire thématique sur l’énergie. Ce séminaire nous a permis de faire deux communications. La première sur l’environnement des affaires du Burkina Faso et sur la situation énergétique de l’Afrique qui est caractérisée par un important déficit de production d’énergie. La deuxième communication a porté sur le secteur de l’énergie au Burkina Faso et les grands projets de la Sonabel. Nous avons également eu une communication sur le développement de l’énergie solaire à Taïwan. La deuxième phase de la mission a consisté en des rencontres B2B qui ont immédiatement suivi le séminaire. Ces rencontres ont permis à nos entreprises d’avoir des contacts d’affaires de très bonne qualité, bien organisés et bien ciblés. Ce sont au total plus de 100 contacts d’affaires que les 18 entreprises participantes ont eus. Enfin, la troisième phase de la mission a concerné des visites d’entreprises. Nous avons notamment visité une entreprise de production de batteries et une société de production d’équipements solaires. Par ailleurs, nous avons visité des mini-centrales solaires d’un producteur privé d’électricité, ainsi que la plus grande centrale de production d’électricité de Taïwan qui combine à la fois la production d’électricité à partir du gaz, de l’éolien et du solaire; et dont la production est de 4.400 MW sur une production nationale totale de 200.000 MW.
Je rappelle que les capacités de production au Burkina Faso ne totalisent qu’une puissance de 262 MW. En outre, de nombreuses visites d’entreprise ont été organisées pour certaines entreprises de la délégation, à titre individuel.

– Le plus difficile dans ce genre d’opération, c’est de concrétiser les contacts par des contrats. Quelle assistance votre département offre-il aux entreprises (avant et après)?
Vous avez tout à fait raison. L’un des enjeux les plus importants de ce type de mission est le suivi d’affaires pour concrétiser les contacts. Nous essayons de prendre cela en compte dans nos actions. En effet, avant même d’effectuer une mission, nous formons les participants sur l’importance des partenariats d’affaires dans le développement de leurs entreprises, sur la négociation de partenariats et le suivi d’affaires. S’ils maîtrisent bien ces éléments, ils sont en mesure de négocier des partenariats viables et équilibrés, ce qui à son tour facilite le suivi d’affaires. Nous insistons notamment sur la façon de se présenter, de présenter ses atouts et ses attentes. Pour ce qui est du suivi des contacts, nous disons toujours qu’il faut de la réactivité aux requêtes d’informations des partenaires et du professionnalisme dans les réponses qui sont apportées. Pour le reste, nous restons disponibles pour conseiller, lire éventuellement les projets de contrats ou de protocoles d’accords pour en déceler les pièges et attirer l’attention de nos opérateurs économiques. Nous leur demandons de recourir dans la mesure du possible aux services de conseils juridiques avant toute signature de documents contractuels.

– La participation à certaines missions coûtent un peu cher pour les Pme, y a-t-il de ce côté un quelconque appui?
Nous sommes bien conscients du fait que ces missions coûtent assez chers et ce n’est pas toujours évident pour nos Pme de faire face aux dépenses de prospection. Malheureusement, la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso ne dispose pas de ligne de financement pouvant nous permettre de partager les coûts de participation à ces voyages. Néanmoins, avec parfois l’appui de nos partenaires, nous prenons en charge certains frais qui autrement devraient être supportés par les participants.
Pour ce voyage, par exemple, nous avons négocié et obtenu que la coopération taïwanaise prenne en charge 5 nuitées d’hôtel pour chaque participant. Cela constitue un effort très important.
La coopération taïwanaise a par ailleurs pris en charge le transport interne à Taïwan, les frais de location de salles pour l’organisation du séminaire que nous avons eu, les frais de traduction et d’interprétation tout au long du séjour, les frais pour le transfert entre l’hôtel et l’aéroport et deux déjeuners pour tous les participants. Parfois, en l’absence du soutien d’un partenaire, la Cci-BF est obligée de prendre en charge certains de ces frais pour alléger le coût de participation pour les entreprises.
Mais nous ne pouvons pas aller jusqu’à prendre en charge les titres de transport et les frais d’hébergement des participants. Il faut savoir que ces missions constituent en réalité un investissement. Si la participation est bien préparée et qu’il y a un bon suivi, il y aura nécessairement un retour sur investissement, même si ce n’est pas à court terme. C’est dire donc que les dépenses effectuées dans le cadre des missions que nous organisons constituent un investissement que chaque participant doit travailler à faire fructifier.

– La Cci-BF a organisé cette mission commerciale en collaboration avec la coopération taïwanaise. De quand date cette collaboration et vous en êtes à combien de missions?
Notre collaboration avec l’Ambassade de la République de Chine (Taïwan) a commencé il y a maintenant une dizaine d’années. En effet, nous avons organisé notre première mission commerciale en étroite collaboration avec cette ambassade en décembre 2007. Depuis lors, nous organisons chaque année au moins une mission à Taïwan. Il est très courant que nous organisions jusqu’à deux missions au cours de la même année comme c’est le cas cette année où nous en sommes déjà à deux.
La première s’est tenue en fin juin et a concerné la participation d’une délégation de 20 entreprises à la Foire internationale de l’agro-alimentaire et de l’hôtellerie de Taipei. La deuxième est donc celle que nous venons d’effectuer sur le secteur de l’énergie. Il n’est d’ailleurs pas exclu que s’il y a besoin d’en organiser encore une avant la fin de cette année, nous le fassions. En fait, nous ne nous fixons pas vraiment d’objectifs chiffrés. Ce qui compte pour nous, c’est que chaque fois que nous organisons une mission, qu’elle réponde à un besoin ressenti chez nos entreprises. Notre rôle c’est de les accompagner dans leur exploration du marché international, à la fois pour trouver des marchés d’exportation et pour diversifier les sources d’approvisionnement afin de moderniser les industries nationales et ainsi booster la productivité et la compétitivité du pays.

– Vous qui êtes un spécialiste des entreprises, quels sont les atouts du marché taïwanais pour nos entreprises ?
Le marché taïwanais présente de nombreux atouts pour nos entreprises, à la fois en termes d’exportation et d’approvisionnement en machinerie adaptée à notre contexte économique. Taïwan est un débouché pour certains de nos produits comme le sésame, le beurre de karité et le coton. Mais c’est aussi un marché fournisseur intéressant pour des équipements industriels présentant un formidable rapport qualité-prix.
Le plus souvent, il s’agit d’équipements bien adaptés aux besoins de nos entreprises. Cela concerne entre autres les équipements agricoles, les équipements de transformation agro-alimentaire, les équipements d’énergie solaire, les équipements informatiques, les équipements électroniques, les équipements biomédicaux, etc.
L’autre atout du marché taïwanais c’est la qualité de la relation politique et de l’excellence de la coopération entre le Burkina Faso et ce pays. Dans la pratique des affaires avec Taïwan, les entreprises ont le soutien politique; et en commerce international, c’est quelque chose qui est important. Les représentations diplomatiques jouent un important rôle dans la facilitation des échanges. Par ailleurs, en cas de différend avec un partenaire d’affaires, elles peuvent aider à la recherche de solutions. La Cci-BF a également signé un mémorandum d’entente avec la Chinese international economic cooperation association (Cieca) qui prévoit justement l’entraide judiciaire en cas de différend entre nos membres dans leurs relations d’affaires.
Ceci étant dit, le marché taïwanais présente aussi des défis. D’abord, il y a la barrière de la langue qu’il faut savoir surmonter. En outre, il y a la différence culturelle qui fait que nous n’avons pas la même culture des affaires. Le plus souvent, nos entreprises paraissent lentes dans leurs prises de décision aux yeux des Taïwanais. Compte tenu de l’étroitesse de notre marché, les commandes minimales exigées par bien d’entreprises taïwanaises constituent parfois une contrainte pour nos entreprises et cela peut être la cause de l’échec d’une relation d’affaires. Enfin, il y a le défi logistique.
Taïwan est loin de notre pays et pour le moment, il n’y a pas de ligne maritime régulière entre ce pays et les côtes de l’Afrique de l’Ouest. Cela complique parfois l’organisation de la logistique entre Taïwan et l’Afrique de l’Ouest, augmentant de ce fait le coût du fret. Heureusement qu’il y a une société de logistique taïwanaise pour qui travaille un de nos compatriotes qui essaie d’apporter des solutions au défi logistique.
Propos recueillis par Abdoulaye TAO


La Sonabel n’était pas au rendez-vous

Parmi les sociétés à avoir séjourné à Taipei dans le cadre de la mission commerciale sur l’énergie, la Sonabel était très attendue. Son absence a été déplorée par les participants.
«Je comprends tout à fait la déception des entreprises face à l’annulation de dernière minute de la participation de la Sonabel, quand on sait que la mission avait vraiment été organisée avec et autour de la société. Suite à l’incendie dont elle a été victime à son siège, la Sonabel a estimé qu’elle ne pouvait pas prendre part à la mission dans ces conditions.
C’est une situation de catastrophe que personne ne pouvait prévoir. Nous avons souhaité que la Sonabel, même dans ces circonstances, puisse se faire représenter, ne serait-ce que par un directeur. Mais cela n’a pas été possible. C’est dire donc que l’annulation de sa participation a été un coup dur pour nous-mêmes, et pour la partie taïwanaise, surtout que la décision ne nous a été communiquée que le jour même du départ. Avec nos amis de la coopération taïwanaise, nous avons géré la situation comme on le pouvait et finalement la mission s’est plutôt bien déroulée, même si on aurait aimé avoir la Sonabel avec nous.
Comme vous l’avez constaté, j’ai dû moi-même faire la présentation préparée par la Sonabel. Est-ce que ce n’est que partie remise ? Oui, je pense, puisque la Direction générale de la Sonabel nous a signifié qu’il ne s’agissait pas d’une annulation mais plutôt d’un report. Est-ce que cela pourrait se faire toujours avec nous ? Je dirai que c’est possible, mais ce ne serait plus pour cette année, car ce type de mission est assez lourd à organiser et nécessite beaucoup de temps aussi bien pour nous que pour la partie taïwanaise», a déclaré Félix Sanou qui a conduit la mission.

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