Tribune

Comment choisir le prochain secrétaire général des Nations unies – Par Ngaire Woods et Nina Hall

OXFORD – Lorsque les Nations unies sélectionneront un nouveau secrétaire général l’an prochain, la communauté internationale devra prendre une décision majeure. Compte tenu des crises émergeant aux quatre coins du monde, la nécessité d’une action résolue n’est que trop évidente. Et pourtant, le processus de sélection aux principaux postes des organisations internationales fait plus l’objet de marchandages politiques que d’une recherche des candidats les plus à même d’occuper ces postes, en fonction de leurs mérites.
Les outils permettant d’améliorer ce processus existent pourtant et le temps est venu de faire en sorte qu’ils soient adoptés par les Nations unies et d’autres organisations internationales. Un nouveau rapport publié conjointement par le Forum économique mondial et la Blavatnik school of government de l’université d’Oxford définit un ensemble de meilleures pratiques – qui ont chacune déjà été appliquée par au moins une agence internationale – qui garantissent que les responsables sélectionnés soient issus des candidats les plus qualifiés et que les organisations pour lesquelles ils travaillent disposent des meilleurs instruments de gestion possibles.
Pour commencer, il est essentiel de professionnaliser le processus de sélection. Depuis trop longtemps, les tractations en coulisses entre Gouvernements ont pris le pas sur la recherche d’un candidat ayant les compétences et l’expérience nécessaires. Lorsque Pascal Lamy, l’un des auteurs du rapport, a été choisi pour diriger l’Organisation mondiale du commerce, il n’y avait même pas de description de poste à l’aune de laquelle mesurer ses qualifications.
Établir un code de conduite avec des dispositions claires permettant d’identifier les conflits d’intérêt, ainsi que des procédures strictes pour répondre à des plaintes concernant le comportement d’un ou d’une responsable, est essentiel. Ces dernières années, des allégations de conduite inappropriée ont conduit à la démission des dirigeants du Fmi, de la Banque mondiale et de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés.
La qualité d’un dirigeant dépend également des compétences de ceux et celles qui travaillent sous ses ordres. Les organisations se doivent donc de tout faire pour attirer et retenir les personnes les plus qualifiées et pour éliminer celles n’ayant ni intégrité, ni compétences professionnelles. Une proportion importante d’agences internationales mène aujourd’hui des enquêtes systématiques sur leurs employés, mais il reste beaucoup à faire. Surtout, les organisations internationales doivent améliorer leurs capacités à résister aux tentatives faites par les Gouvernements pour protéger leurs ressortissants incompétents. Les évaluations de la performance doivent être rendues publiques, pour permettre à des tiers de mesurer les progrès (ou l’absence de progrès).
Ces organisations doivent également mettre davantage l’accent sur l’obtention de résultats et sur le suivi de ces résultats. Les pays désireux de contracter un prêt auprès de la Banque mondiale ou des banques régionales de développement réclament depuis des décennies que le processus soit plus rapide. La plupart d’entre eux ne peuvent pas se permettre d’attendre plus de deux ans pour savoir si le prêt est approuvé ou non. Réduire ce délai de moitié est le genre d’objectif opérationnel qu’un dirigeant capable peut réaliser et pour lequel il ou elle peut être amené à rendre des comptes.
Il est tout aussi important de garantir un engagement structuré et systématique avec les parties prenantes et les groupes de la société civile, une relation nécessaire pour garantir des apports novateurs de qualité. L’approche au cas par cas, suivie par une majorité d’organisations internationales, n’est pas propice à l’obtention de résultats.
Enfin, il est essentiel que les organisations tirent des enseignements de leurs erreurs. Heureusement, la plupart des agences mondiales ont aujourd’hui adopté des processus d’évaluation indépendante. Malheureusement, elles en sont encore à se demander comment traduire concrètement ces enseignements. L’évaluation est importante, mais elle doit être suivie de réformes de gouvernance draconiennes accompagnées d’une transition vers de nouveaux comportements et incitations.
Les pressions en faveur d’un changement vont croissants. En novembre 2014, l’Ong Avaaz, la fédération mondiale des associations pour les Nations unies et d’autres Ong ont lancé une campagne visant à réformer le processus de sélection du secrétaire général des Nations unies. Leur objectif est de remplacer un processus opaque, dominé par les membres permanents du Conseil de sécurité, par un processus transparent dans lequel tous les pays auront leur mot à dire. Leurs demandes incluent notamment une description détaillée de poste, un examen public des candidats et une liste courte de candidats comportant plus qu’un seul nom.
Certaines agences ont enregistré des progrès. Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés a défini ses objectifs dans le cadre de ses Priorités stratégiques globales et réalise une évaluation annuelle des progrès en vue de ces objectifs. Et tous les hauts fonctionnaires de l’Onu doivent remplir une déclaration de situation financière auprès du bureau de la déontologie de l’organisation.
La Banque africaine de développement (Bad) est l’une des agences ayant réalisé des progrès notables à cet égard. Elle a introduit une politique de dénonciation des abus, un cadre de lutte contre la fraude et la corruption et un bureau d’enquête chargé d’examiner les divulgations d’actes répréhensibles. La Bad choisira un nouveau président en mai prochain. Elle a non seulement présenté une description détaillée de poste, mais également retenu huit candidats auxquels elle a demandé de présenter une déclaration écrite sur leur vision pour la Banque avant l’élection.
La communauté internationale compte sur les organisations internationales pour coordonner une réponse mondiale à un large éventail de menaces majeures, des pandémies aux crises financières. Le secrétaire général des Nations unies doit être capable de convaincre les États membres de coopérer, de bien gérer l’organisation et de fournir des résultats. Sans une direction adéquate, toute organisation – même les Nations unies – est vouée à l’échec.

Traduit de l’anglais par Julia Gallin
Copyright: Project Syndicate, 2015.
www.project-syndicate.org


De la nécessité d’adopter des normes éthiques plus strictes

Une fois qu’un candidat aura été choisi, il faudra établir de claires attentes en matière de performance, qui puissent être évaluées annuellement. Des agences comme l’Organisation mondiale de la santé -vivement critiquée pour sa gestion de la crise liée au virus Ebola -auraient des enseignements à tirer des conseils d’administration des organisations à but non lucratif américaines, qui pour 80% d’entre elles mènent une évaluation annuelle de leur Pdg.
Des normes éthiques plus strictes doivent également être adoptées.
En avril dernier, la police espagnole a interrogé Rodrigo Rato, l’ancien directeur général du Fmi, dans le cadre d’une nouvelle enquête le visant pour blanchiment d’argent. Peu avant, son successeur au Fmi, Dominique Strauss Kahn, était inculpé pour proxénétisme dans le cadre d’une instruction en France.o

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