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Zéphirin Diabré: «Les politiciens peuvent parler pendant des jours, c’est l’économie qui va les réveiller»

DSC_0802De retour d’une tournée politique dans la région des Cascades, le président de l’Union pour le progrès et changement (Upc), Zéphirin Diabré, est venu le 17 févier 2015 répondre matinalement aux questions de la Rédaction de L’Economiste du Faso. La marche de la transition, les préparatifs des élections générales à venir, les politiques économiques expérimentées par le pays et les perspectives économiques, sociales et diplomatiques sous la direction du parti libéral au Burkina font partie des divers sujets abordés au cours de cette grande interview.

– L’Economiste du Faso : Certains politiques vous ont reproché d’avoir très vite enterré le Chef de file de l’opposition (Cfop). Est-ce que ce n’était pas précipité, vu que vous remettez ces jours-ci en place un cadre de concertation pour veiller sur la transition ?
Zéphirin Diabré: Ce n’était pas précipité. Nous avions un problème juridique très simple.
Quand on est homme d’Etat et qu’on aspire à gérer un pays, il ne faut jamais se faire prendre à défaut sur les questions de droit. Le Cfop, c’est d’abord un individu et non une organisation qui est chef de l’opposition, tout simplement parce qu’il est le président du parti de l’opposition qui a le plus grand nombre de députés. C’est l’Assemblée nationale qui, à la suite des élections, désigne cette personne en son sein sur la base des résultats, de la même manière qu’il désigne son président et ses vice-présidents. C’est toujours l’Assemblée nationale qui assure le financement de la fonction, puisqu’elle met à la disposition du Cfop un budget pour lui permettre de jouer son rôle de porte-parole. Après l’insurrection et l’incendie de l’Assemblée, on peut estimer qu’elle a eu un incident de parcours, mais dès lors que le Conseil Constitutionnel a pris une décision pour prendre acte de la dissolution de l’Assemblée, cela veut dire que tous les organes qui découlent cette Assemblée sont automatiquement dissouts.
Nous aurions pu dire que nous sommes dans le camp des vainqueurs, donc que nous restons, mais avec le risque que le reproche nous soit fait un jour. Le reproche a d’ailleurs commencé quand certains m’ont vu à la signature de la Charte de la transition et se demandaient à quel titre j’y étais. Je l’ai quand même fait avant de me libérer de ma charge.

– Hier, l’opposition réunie au sein du Cfop semblait unie. Aujourd’hui, on remarque que les «unis» d’hier deviennent des adversaires acharnés. C’est déjà la campagne apparemment ?
Il est clair que l’opposition est plurielle et diverse, du point de vue de la personnalité des gens qui l’animent, des orientations idéologiques des partis qui l’animent et du point de vue de la configuration des organisations qui la composent. Il y avait un combat qui nous a soudés, celui du refus de la révision de l’article 37 de la Constitution, combat que nous avons mené ensemble.
Pour la suite, c’est une autre dynamique qui s’instaure. Depuis le 30 octobre 2014, la classe politique est en recomposition. De nouveaux partis politiques se créent, ceux qui étaient dans l’ancienne majorité se fissurent. C’est une nouvelle dynamique de laquelle va émerger une nouvelle configuration après octobre 2015, avec d’un côté une opposition et de l’autre une majorité. Dans un tel contexte, il est normal que les partis dont la vocation est de conquérir le pouvoir aillent sur le terrain pour faire entendre leurs voix. Ce que l’on doit souhaiter, c’est que les principes et les valeurs qui ont été la base du combat puissent être respectés par le parti qui sera au pouvoir.

– Vous êtes en campagne avant l’heure, n’allez-vous pas vous essouffler financièrement et même physiquement ?
Je suis surpris parce que jusqu’à une date récente, ce sont les journalistes qui m’appelaient tous les matins pour me dire qu’on ne voyait pas l’Upc. Nous commençons à travailler, vous nous demandez si nous n’allons pas nous épuiser (Rires). Chaque parti a sa démarche.
La nôtre consistait d’abord à nous assurer que nos structures ont été complétées, conformément aux directives du Congrès de juin selon lesquelles le Comité de base passe de 12 à 18 membres. Le secrétariat national chargé des structures s’assurait que ces instances sont mises en place. Aujourd’hui, notre parti est installé dans toutes les provinces. La deuxième étape est la tournée du chef de parti, tournée que j’ai entamée. Je viens de rentrer de la région des Cascades et la prochaine étape, c’est la région de l’Est.
– Il y a un sondage qui vous place premier à la prochaine présidentielle. Le fait d’avoir présidé le Chef de file de l’opposition vous donne-t-il un quelconque avantage sur les autres partis ?
Je ne pense pas. En tout cas, le fait d’avoir présidé le Cfop ne me donne aucun droit. Ce sont les citoyens qui jugent, qui observent et qui analysent le comportement de tout un chacun, avant le combat, pendant le combat et après le combat. Je pense que c’est cela qui va être déterminant. Pour le sondage, je n’y crois pas trop. L’essentiel est qu’en tant que parti politique, nous allons jouer notre partition et les Burkinabè vont juger si nous méritons leur confiance ou pas.

– De nouveaux partis politiques voient le jour, l’éparpillement des voix est prévisible. Dans ce contexte, comment allez-vous négocier les alliances ?
C’est vrai, cela va sans doute éparpiller les voix, mais c’est peut-être fait à dessein (rires). On a un phénomène qui fait que la fragmentation ne va pas s’arrêter parce que les gens ont des ambitions de chercher des postes au détriment de l’idéologie. Cela va continuer jusqu’à ce que l’on atteigne un niveau de saturation. Je pense qu’après les élections, on aura des fusions. S’agissant des alliances, cela dépendra des résultats qui sortiront du premier tour. Est-ce qu’il y aura un second tour ? Je ne sais pas encore, mais il y en a qui pensent que ce sera un quart de tour pour eux (rires). S’il y a un second tour, en fonction de l’état des forces, c’est de voir qui soutient qui et pour aller où ?

– La récente crise provoquée par les agissements du Régiment de sécurité présidentielle (Rsp) a conduit l’ex-Cfop à annoncer la création d’un cadre de concertation. Quels genres de préoccupations ce cadre devrait-il permettre de résoudre ?
Il s’agit d’avoir un organe pour suivre le déroulement de la transition, être un gardien vigilant pour s’assurer que les choses vont dans la direction que nous avions souhaitée en amenant l’insurrection populaire et en mettant en place cette transition et faire entendre notre voix, de manière collective, chaque fois qu’on estime qu’il y a un problème susceptible de remettre en cause la transition, comme ce que nous avons connu avec le Rsp.
C’est d’ailleurs à cette occasion qu’il y a eu une sorte de ressaisissement des leaders politiques pour dire qu’il fallait monter au créneau. C’est déjà un agenda suffisamment fourni qui, de mon point de vue, devrait nous permettre de bien suivre les choses jusqu’à l’élection d’octobre 2015.
– Etes-vous partisan d’une dissolution ou d’un redéploiement du Rsp? Si oui, sous la transition ou après ?
Je n’ai pas d’avis tranché sur la dissolution ou le reploiement du Rsp sous la transition ou après.
Ces questions doivent rentrer dans le cadre global d’une réforme des armées. Il faut une réforme de nos armées, pas forcement parce qu’il y a un nouveau régime, mais parce que le monde avance. Aujourd’hui, les fonctions de l’armée sont différentes de celles définies par la conception ancienne qui veut que l’armée garde les frontières contre le pays voisin. Aujourd’hui, la question ne se pose pas parce que nous ne sommes pas dans des conditions où des conflits armés peuvent survenir entre deux pays de la même région dans un contexte d’intégration et de libre circulation des personnes et des biens. C’est de plus en plus improbable avec l’existence des nombreux mécanismes internationaux de gestion des conflits. Nous sommes dans une nouvelle ère de la vie militaire, avec de nouveaux défis comme le terrorisme, l’intégrisme religieux, la drogue. Il y a aussi les conflits postélectoraux. La guerre aujourd’hui, c’est à l’intérieur des pays. Nous devons voir quels rôles l’armée doit jouer dans ces situations et les définir.
Vous avez remarqué que les politiques que nous sommes ne sont pas allés front avant en parlant de dissolution. Comme on dit en management, c’es la fonction qui crée l’organe. On ne peut pas avoir une partie de l’armée qui est au service exclusif d’une personne ou qui est le monopole d’une partie de l’armée ou d’une partie des Fds (ndlr : forces de défense et de sécurité). La sécurisation de la présidence du Faso doit être un travail collectif de l’ensemble des Fds sur la base d’une amalgamation des hommes et des femmes issus des différents corps. C’est cela la République.
Vu sous cet angle, ça permet d’aller loin. Il est clair que quand vous parlez de dissolution, cela nous ramène à un problème de décision qui relève de la hiérarchie militaire. Si ce n’est pas cela la fonction, est-ce qu’il y a une autre fonction que le corps peut faire ou faire mieux que d’autres ? Nous revenons au principe de subsidiarité. S’il y a une autre fonction que le corps peut faire mieux que d’autres, mieux vaut l’amener à cette fonction pour qu’il puisse la remplir. Le fond du problème, c’est l’histoire du Rsp qui le rattrape. L’affaire David Ouédraogo, celle de Norbert Zongo auxquelles le nom du Rsp est associé, selon les gens, même si le Rsp s’en défend.

– Vous recommanderiez des états généraux de l’armée ?
Tout à fait ! Il faut une grande discussion. Vous savez, une institution ne peut réussir sans la confiance des citoyens. Il y a d’autres missions que l’armée assure, mais qui sont ignorées par la population. Je veux parler du génie militaire et des services de santé de l’armée. Tout cela doit contribuer à une nouvelle redéfinition d’une mission, mais il faut que les citoyens en soient informés. Je lisais les contributions des internautes après la publication du communiqué du Rsp. Globalement, tout le monde reste critique, mais il y a des gens qui commencent à moduler leurs jugements.

– Ces derniers mois, la situation nationale est marquée par un discours pessimiste des chefs d’entreprise disant que l’économie va mal, certaines entreprises sont aux abois. Quel est votre regard d’économiste ? Comment peut-on trouver des solutions dans cette période de transition ?
Tout changement de régime amène un ralentissement économique. Ceux qui voulaient investir se demandent de quoi demain sera fait, donc attendent de voir. Dans les moments de crise, les gens mettent l’argent dans le bas de laine. C’était prévisible. A cela s’ajoute un certain nombre de difficultés que l’on a vues apparaître, notamment les mouvements sociaux qui ont frappé certaines entreprises. Il est clair que les syndicats ont le droit de revendiquer s’ils estiment que les conditions dans lesquelles ils travaillent ne sont pas bonnes. Mais je crois que c’est la soudaineté de l’ensemble de ces revendications qui pose problème au secteur privé. Des chefs d’entreprise trouvent que certaines revendications sont très exagérées. Tout cela amène les gens à se poser des questions à savoir si le pays est dans la bonne direction. Les politiciens peuvent parler pendant des jours, c’est l’économie qui va les réveiller, c’est mathématique. S’il n’y a pas d’investissement, il n’y a pas de croissance.
Et pour qu’il y ait investissement, il faut de la confiance, un discours qui plaise aux investisseurs. Si vous dites des choses qu’ils ne veulent pas entendre, vous envoyez un mauvais signal. Le monde est vaste, s’ils ne viennent pas chez nous, ils iront ailleurs. Si les investisseurs ont le sentiment qu’il y a trop de mouvements sociaux, sur la base de revendications qui de leur point de vue ne sont pas réalistes, cela a de quoi freiner leurs ardeurs. Il faut qu’il y ait un dialogue avec les syndicats pour qu’on trouve la juste mesure.

– Est-ce que la Transition a la capacité de prendre des mesures pour répondre aux aspirations des uns et des autres ?
Ce dont on parle ici, c’est du secteur privé, et le fait que nous ayons un régime qui est transitoire ne facilite pas une projection sur la durée. On ne peut pas énoncer une vision économique en douze mois. Il faut un minimum de cinq ans pour le faire. Ils (ndlr : les responsables de la transition) sont coincés entre les aspirations et la contrainte de la gestion du quotidien. Le rôle n’a pas été clairement défini. On leur a dit qu’ils sont là pour les élections. En même temps, on leur dit qu’il leur faut résoudre les problèmes et tracer le cap. C’est compliqué.

– Il reste un impératif que le gouvernement de transition doit se bouger pour redonner confiance aux entrepreneurs et relancer l’économie ?
Je suis d’accord. C’est pour cela que je parle d’un dialogue social de haut niveau avec les partenaires, les syndicats et les citoyens pour essayer d’avoir une trêve. Là où on estime que c’est faisable, on va appuyer. Là où ça peut gêner la bonne marche des entreprises, on va mettre la pédale douce. Si les uns et les autres y adhèrent, je pense qu’il ne devrait pas y avoir de problème. Sinon, ça va envoyer un mauvais signal.

– Les patrons appellent le Gouvernement à trouver des solutions pour la survie des entreprises en difficultés, notamment les industries qui fonctionnent au ralenti dans la capitale économique, Bobo-Dioulasso.
Il nous faut un plan de relance. J’en ai d’ailleurs proposé un quand j’étais ministre du Commerce. Mais il n’a pas été suivi par la hiérarchie. Le plan de relance devrait comporter plusieurs composantes, la recapitalisation et modernisation de l’équipement afin que nos industries arrivent à produire moins cher parce que le marché est difficile. Il faut que l’on reprenne entreprise par entreprise. Les gens indexent l’Etat pensant qu’il peut tout faire. Si le produit ne se vend pas bien, l’Etat a beau soutenir financièrement, on ne va pas avancer. Il faut accompagner les entreprises pour qu’elles deviennent compétitives et pour pouvoir concurrencer les importations que nous enregistrons. Sinon, la protection nous amènera à entrer dans des obstacles mondiaux et sous-régionaux.
C’est surtout la compétitivité qui est déterminante. Cela nous amènera à travailler sur des facteurs comme le coût de l’électricité. L’autre aspect est lié au coût du travail. C’est le débat qu’il y a en Europe en ce moment. Est-ce qu’il faut comprimer les charges de travail pour permettre d’être compétitif ? C’est un gros débat qu’il faut mener avec les syndicats. Mais je me dis que dans le cas d’un plan d’accord, il y a des chances qu’on puisse sortir la tête de l’eau.

– Et pour l’emploi des jeunes ?
La question de l’entrepreneuriat des jeunes est un des piliers de notre action. Nous allons le faire avec un instrument qui sera pris par l’Etat, mais en partenariat avec le privé. Il s’agit d’une grande société de capital risque. C’est le capital risque qui a développé les Bill Gates et de nombreuses entreprises de la Silicon Valley (ndlr : pôle des industries de pointe situé à San Francisco en Californie). Il nous faut une nouvelle catégorie de banques qui soit d’accord pour risquer sur de bons projets portés par des promoteurs sans argent. Il faut une mentalité pour le faire et c’est ce qu’il nous faut. Je ne dis pas que les instruments qui sont en place en ce moment ne sont pas bons, mais ça ne va pas dans ce sens.
Nous avons besoin d’une nouvelle classe d’entrepreneuriat. Le véritable problème, c’est l’esprit d’entrepreneuriat qu’il faut développer chez les jeunes. Le business, quoi qu’on dise, repose sur la personnalité de l’individu.

– Vous n’avez pas caché votre préférence pour la Chine populaire par rapport au partenaire diplomatique actuel qu’est Taiwan. Etes-vous toujours sur la même position avec le changement de régime ?
Notre position a évolué, pas à cause du changement de régime, mais à cause du changement observé dans les relations entre les deux Chines elles-mêmes. On a remarqué qu’il n’y a plus d’animosité entre les deux pays. Il semble que, chaque jour, le nombre de passagers qui vont de la Chine continentale à la Chine Taiwan continue de s’accroître. On dit que le développement capitaliste de la Chine est venu essentiellement des hommes d’affaires taiwanais. Nous avons une nouvelle situation qui interpelle. Il est vrai que du point de vue de la reconnaissance internationale, la Chine de Pékin est celle qui symbolise l’ensemble de la Chine, mais dès lors qu’elle-même accepte de cohabiter avec Taiwan et d’aller y chercher de l’argent, il n’y a pas de raisons que nous fermions la porte. Un ami c’est bien, mais deux amis c’est encore mieux. Je suis en train de poser un problème de fond.

Propos recueillis par la Rédaction et retranscrits par Christian KONE

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RAF

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