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Loi d’allègement du PPP : Au nom de l’urgence !

 

Le projet de loi 2017 portant allègement des procédures de contractualisation du programme des projets PPP a été adopté par l’Assemblée nationale en séance plénière, le 3 juillet dernier.
La controverse qu’elle a suscitée, la mise en garde et les menaces de l’opposition politique réunie autour du Chef de file de l’opposition politique (CFOP) n’y ont rien pu, face à la volonté de la majorité présidentielle de faire passer ce texte. La logique du nombre a donc prévalu. Sur un total 119 votants enregistrés à l’ouverture de la séance, le camp favorable à la loi avait déjà la majorité pour l’adopter. La décision des 45 députés de l’opposition de se retirer de la salle avant le vote n’a finalement été qu’anecdotique. Les 74 votants restés dans la salle ont finalement adopté le texte à l’unanimité.
La loi comporte 8 articles, qui s’ajoutent à la loi du 23 mai 2013 portant régime juridique du Partenariat public-privé (PPP) au Burkina Faso; et suspendent les dispositions contraires de la loi du 23 mai 2013. Cette désormais nouvelle loi sera applicable pour une période de six mois, à compter de sa date de promulgation.
L’objectif visé par cette loi d’allègement est, selon le gouvernement qui l’a initiée, de proposer un dispositif d’urgence qui permette un allègement des procédures de contractualisation en matière de PPP.
A propos du contexte qui l’a vu naitre et sa justification, le rapport de la Commission des finances et du budget de l’Assemblée nationale indique que c’est sur la base d’un constat de la faiblesse du taux de contractualisation des projets PPP et de l’urgence des besoins en matière d’investissement qu’elle a été initiée.
Et pour la promotion de l’investissement, des mesures d’allègement des procédures d’exécution des projets PPP étaient nécessaires sous la forme d’une loi. C’est conformément à ce besoin de célérité dans les procédures de passation des contrats PPP que la loi d’allègement autorise le recours à «l’entente directe».
L’entente directe permet la contractualisation des PPP sans tenir compte de la procédure habituelle de la commande publique qui contient des étapes de pré-qualification pouvant durer 4 à 6 mois et d’appels d’offre.
De façon pratique, chaque ministre concerné par les projets figurant dans le programme de PPP adopté par le gouvernement va pouvoir, dans un délai de 6 mois, discuter avec un partenaire intéressé et établir un contrat de réalisation. A ce jour, le programme 2017 des PPP adopté en Conseil des ministres comporte 38 projets relevant de plusieurs ministères.
Il appartient au ministre ou à l’autorité porteuse du projet de PPP de discuter des conditions de réalisation de l’infrastructure, a savoir: le délai d’exécution, le coût, les conditions de remboursement ou de rentabilisation des ressources engagées dans le projet, le régime fiscal et douanier applicable, etc.
A propos du régime fiscal et douanier applicable aux projets à réaliser en PPP, la loi du 23 mai 2013 dispose «qu’en plus des avantages prévus par les régimes fiscal et douanier et par les lois et règlements en vigueur, les partenaires privés peuvent bénéficier d’autres avantages ou facilitations en fonction de la nature de l’investissement ou du projet à réaliser». Chaque ministre pourra définir exactement la nature de ces « avantages et facilitations ». L’opposition qui a quitté la salle au moment du vote estime que cette loi d’allègement ouvre la voie au pillage des ressources du pays.
Cette opposition estime d’ailleurs que certains projets inscrits dans le programme PPP, notamment les infrastructures sociales, ne relèvent pas du domaine du PPP, car ils ne débouchent pas sur des infrastructures marchandes sur lesquelles le partenaire pourrait rentabiliser son investissement.
Du côté du gouvernement, madame Rosine/Sori Coulibaly, ministre des Finances, a mis l’accent sur l’urgente nécessité de réaliser des investissements au profit de la population et sur le fait que le PPP est une alternative face aux ressources étatiques limitées.

Karim GADIAGA


Le gouvernement évoque le besoin urgent d’infrastructures

Pour le compte du gouvernement, le ministre Rosine Sori/Coulibaly a défendu le projet de loi devant les députés :
«Le peuple burkinabè a besoin d’hôpitaux, d’établissements scolaires, d’énergie, d’infrastructures routières.
Pour les députés qui n’ont pas compris notre motivation, je voudrais leur dire que nous allons communiquer pour qu’ils comprennent les motivations réelles. Ce n’est vraiment pas un boulevard que le gouvernement veut ouvrir à la corruption, à la mauvaise gouvernance. Cela ne fait pas vraiment partie de nos intentions. L’entente directe consacrée dans cette loi ne consiste pas à utiliser les ressources budgétaires pour contractualiser avec des amis que nous aurions identifiés. Les réalités des ressources budgétaires sont très limitées. Il se trouve que, certaines fois, pour accéder aux financements et dérouler la commande publique, puisqu’il y a une loi différente pour la commande publique, cela prend du temps. A travers le programme présidentiel et le PNDES qui est la traduction du programme présidentiel, le PPP a été prévu comme une alternative de financement. Un privé qui a les ressources et l’expertise technique réalise une infrastructure. Le gouvernement ne sort rien comme argent. Il appartient au privé de rentabiliser sa réalisation à travers un système comme le péage. Dans d’autres cas, le privé réalise ; et nous discutons des conditions de remboursement de cet investissement en tenant compte des capacités budgétaires ».


L’opposition soupçonne le pillage des ressources

Avant de se retirer de la salle, le jour du vote, le député Simboro Daouda a présenté la position de l’opposition :
« Le gouvernement attend qu’on lui donne notre bénédiction pour piller les maigres ressources du pays, sous le camouflage du prétexte des PPP. Une somme d’environ 2.000 milliards, susceptible d’atteindre 7.000 milliards une fois la loi adoptée.
Certains de ces projets ne relèvent même pas de la connotation habituelle du PPP. Je veux parler des écoles primaires dans les villages, les CSPS dans les villages. Je ne vois pas par quel mécanisme le privé pourra rentabiliser son investissement.
Si le présent projet est adopté, cela fera perdre à l’Etat, mais aussi au peuple, des économies qu’on pourrait réaliser. La conséquence, c’est l’augmentation du tarif du service public pour des ouvrages de mauvaise qualité ou de qualité incertaine et à des prix exorbitants et non maitrisés.
L’opposition politique réunie autour du CFOP n’est pas contre la réalisation des infrastructures au profit de nos populations laborieuses. Toutefois, elle ne souhaite pas se rendre complice d’un mode de passation de marchés de gré à gré qui consacrerait la corruption accélérée et le pillage de nos ressources». 

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