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Affaire Inoussa Kanazoé : Le monde des affaires inquiet

 

L’arrestation de l’homme d’affaires Inoussa Kanazoé (Kanis) et de ses collaborateurs fait partie des sujets d’actualité les plus discutés au pays des Hommes intègres. Cet évènement a eu l’effet d’une bombe dans le milieu des affaires et du commerce. Entre mille et une interrogations, les passions se cristallisent et se déchainent, avec toutes sortes d’hypothèses. Ainsi en est-on arrivé à des manifestations de commerçants pour pourfendre cette arrestation et réclamer la libération des prévenus. La situation est telle qu’il faut vraiment faire attention à la récupération et à la diversion, lesquelles pourraient être des embûches à la manifestation de toute la vérité et au dire du droit dans cette affaire.
Bien avant la sortie des commerçants, il faut mentionner cette intrusion d’une certaine société civile, le Collectif pour un peuple uni (CPPU), qui très vite s’est dit, via une conférence de presse, offusquée par cette arrestation. En effet, le vendredi 21 avril 2017 à Ouagadougou, cette organisation qui se réclame de la société civile a donné une couleur politique à l’évènement. Ce qui l’a amenée à dénoncer «les frasques d’un régime balbutiant» inscrit dans une logique de la traque aux opérateurs économiques. «On ne peut pas vouloir le ying et le yang, car à ce rythme, ils (les autorités) feront fuir les restants d’opérateurs économiques », avait dit le premier responsable de cette structure, Abdallah Ben Azize Ouattara.
Le moins que l’on puisse dire à propos de cette réaction tranchée, seulement deux jours après l’arrestation d’Inoussa Kanazoé, c’est qu’elle aura été quand même précoce et son interprétation politique systématique du fait n’aurait pas manqué d’avoir un impact sur une catégorie de l’opinion. En tout état de cause, l’on peut présumer que cette sortie n’a pas manqué d’avoir un effet domino sur la compréhension et la réaction de certains Burkinabè. En tout cas, la thèse du CPPU aura apporté de l’eau au moulin de ceux qui, très vite et sans discernement, se sont positionnés contre l’arrestation du patron de Kanis International.
Et le lundi 24 avril 2017, devant le palais de justice de Ouagadougou, le personnel de Kanis International et des commerçant ont organisé une manifestation contre l’arrestation d’Inoussa Kanazoé. Après avoir fermé boutiques et magasins, ceux-ci se sont massés devant l’instance juridictionnelle pour dénoncer la manière cavalière de l’arrestation de l’opérateur économique et de ses employés, avant de demander leur élargissement en scandant «libérez, libérez, libérez Inoussa Kanazoé, justice pour lui et ses collaborateurs», etc. Ce n’est qu’après avoir remis une note au procureur du Faso que les commerçant ont libéré la devanture du palais de justice pour converger vers le grand marché de Ouagadougou où ils ont encore discuté avant de mettre fin à leur manifestation vers 13h15. Au cours de cette concertation, Hamidou Ouédraogo, le président de la région du Centre de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina (CCI/BF), a eu à expliquer que la plupart des commerçants étaient des illettrés, d’où la nécessité pour eux de faire cette démarche auprès du procureur du Faso afin de comprendre la procédure judiciaire enclenchée. Mais il n’a pas manqué de réclamer encore la libération de l’illustre prévenu, même si la procédure doit suivre son cours. Le même jour, dans l’après-midi, la coalition des structures syndicales et associatives des commerçants a invité la presse pour emboucher la même trompette que les manifestants de la matinée: « Cette interpellation s’est opérée sans transmission d’une convocation en bonne et due forme selon des sources bien introduites. Cela nous rappelle avec consternation une certaine époque dite de régime d’exception ». Pour sûr, cette arrestation a plusieurs implications à travers lesquelles s’entremêleraient enjeux politiques et économiques, d’où son caractère sensible qui met en émoi les acteurs du secteur de l’informel et des affaires. C’est dans cette direction qu’il faut inscrire la réaction des commerçants.
Si l’on veut d’une justice qui s’assume selon les règles de l’Etat de droit, que l’on laisse cette dernière exercer ses prérogatives en toute liberté. Le fait d’organiser des sorties médiatiques intempestives pour réclamer à cor et à cri la libération des inculpés est anachronique, du moment qu’en matière de justice, il y a des voies de recours qui sont prévues. Pourquoi ne pas laisser les conseils de l’homme d’affaires et de ses collaborateurs demander la liberté provisoire conformément à la loi ?
Il y a comme une manipulation de l’opinion. Et dans cette dynamique, ce n’est pas la justice qui va mettre en péril le climat social, mais plutôt ceux qui ont intérêt à ce que cette affaire ne soit jamais élucidée.o

LG


Syndrome d’inculture juridique

L’appréciation des différentes réactions du monde du commerce et des affaires concernant cette arrestation montre à souhait que bien que le Burkina Faso s’inscrive dans la perspective de la construction d’un Etat de droit moderne, ils sont vraiment minoritaires les Burkinabè qui s’en approprient l’esprit. Ce qui amène d’aucuns à toujours interpréter l’exercice du droit et du pouvoir à l’aune de leurs seuls intérêts. Du droit et de la justice, l’on semble n’en avoir cure, au point de vouloir dicter aux instances juridictionnelles ce qu’elles doivent faire.
Sous prétexte que le prévenu est un magna du monde des affaires, l’on veut exiger à la justice des faveurs de façon informelle, à coup de manifestations et de déclarations. Sur la gravité des chefs d’inculpation de faux en écriture de commerce, de tromperie du consommateur, de fraude fiscale, d’abus de confiance aggravé, d’usage frauduleux de numéro IFU, de blanchiment de capitaux…, personne ne s’en émeut ou presque dans certains milieux. Veut-on d’une justice indépendante et transparente, ou bien d’une justice de compromission où chaque fois l’on arrange des portes de sortie pour certains? C’est pour cette raison qu’il faut laisser les avocats de Kanis gérer ce dossier. Leur dernière déclaration en dit long sur les failles de la procédure en cours. Eux seuls savent comment gérer ce dossier dans l’intérêt de leurs clients.

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