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Dr Paulin K. Somda, à propos de l’hépatite au Burkina Faso « Son traitement est encore coûteux »

L’hépatite virale tue plus que le VIH/Sida et le paludisme. Mais, malheureusement, elle est méconnue des Burkinabè. Si dans les années 2000 la prévalence était estimée à 10,2%, elle avoisine de nos jours les 14,4%. Pour mieux connaitre ce mal que les médecins qualifient généralement de maladie «silencieuse», L’Economiste du Faso a rencontré Docteur Paulin Kuissomé Somda, responsable des maladies chroniques à la Direction de la lutte contre la maladie (DLM). Les causes, les conséquences et surtout les coûts des soins sont abordés dans cet entretien.

Qu’est-ce que l’hépatite ?
L’hépatite est une inflation des cellules du foie qui peut être due à des batteries, à des champignons, à des virus et même à l’alcool et à certains médicaments. Mais ce qui est le plus connu du commun des mortels quand on parle d’hépatite, c’est l’hépatite virale, c’est-à-dire l’hépatite due aux virus.

Vous voulez dire qu’il y a plusieurs types d’hépatite ?
Oui, il y a effectivement plusieurs types d’hépatite. Mais ce qui nous cause le plus de problèmes de santé publique, c’est l’hépatite virale, car elle est contagieuse. Elle se transmet d’un individu à un autre. On a l’hépatite virale A qui se guérit tout seul, les hépatites B, C, D et E, qui sont dues à des virus et sont au Burkina Faso. Mais, les plus à problèmes, car responsables des complications, au Burkina Faso, sont le B et le C. Le D infecte quelqu’un qui a déjà le B et accélère son évolution vers les complications. Après le E, on parle aussi du virus F, mais qui reste à être confirmé par les recherches.

Mais comment se manifeste cette maladie ?
Elle se manifeste selon chaque individu. Elle évolue comme le paludisme, mais pas tout à fait. C’est d’abord des yeux jaunes, des douleurs au niveau des articulations, des maux de tête. Il faut dire qu’il n’y a pas de manifestations typiques. L’hépatite B ou C, quand elle passe à la chronicité, peut évoluer 20 à 30 ans dans le corps avant que les complications ne s’annoncent, et c’est souvent en ce moment que les gens font la découverte de leur infection.

Quelle est l’ampleur de cette maladie au Burkina Faso ?
Je vous donne les prévalences rapportées mais, en fait, ce sont des estimations, car les études faites ici sont parcellaires et ne concernent que des groupes cibles (les femmes enceintes, les prisonniers, les travailleuses du sexe, les donneurs de sang, les patients dialysés, etc). Il n’y a pas d’étude en population générale. L’hépatite B est au-delà de 10% et l’hépatite C à plus de 5%. En 2009, la prévalence était estimée à 11,4% et 14,4% en 2014. En milieu rural comme en milieu urbain, l’hépatite est présente et touche toutes les couches de la population. La prévalence est très élevée dans les régions du Centre et du Sud-Ouest.

Vous donnez là des chiffres qui font froid dans le dos. Dans le souci de minimiser les conséquences sur les populations, que fait la Direction de la lutte contre la maladie (DLM) du ministère de la Santé ? Est-ce qu’il y a un plan de riposte ?
Il y a un plan de riposte en cours d’élaboration. On a déjà un draft et d’ici la fin de l’année, le ministère sera doté d’un plan stratégique national de lutte contre les hépatites. Ce plan va mettre l’accent sur la sensibilisation des populations à l’ampleur des hépatites qui tuent actuellement plus que le VIH et le paludisme. Sinon, ce que le ministère de la Santé fait actuellement c’est l’introduction du vaccin contre l’hépatite B dans le programme élargi de vaccination des enfants qui est financé par un partenaire du ministère, le GAVI. Il faut savoir que ce vaccin est gratuit et est administré aux enfants à partir de deux mois après leur naissance et cela depuis 2006. Pour une meilleure prévention de la transmission mère/enfant, le plaidoyer vise à le faire dès la naissance, dans les 12 premières heures de vie, à tous les nouveau-nés. La protection est assurée à vie. Pour les adultes, le vaccin existe dans les différentes officines à raison de 7.000 FCFA à 8.000 FCFA la dose, et il faut trois doses avec les rappels nécessaires. C’est vraiment de sensibiliser les gens à aller faire le dépistage. Quand on fait le dépistage et qu’on n’est pas protégé, il y a le vaccin qui protège à vie. Maintenant, si on est infecté, on doit être référé à des structures sanitaires où nous avons des spécialistes sur la maladie qui donneront tous les conseils avisés.

Pourquoi vous qualifiez souvent l’hépatite de maladie « silencieuse » ?
Maladie « silencieuse », car elle est vraiment méconnue des populations. Comme exemple, sur près de 400 millions de personnes infectées dans le monde, il y a près de 95% qui ne savent même pas qu’elles ont le mal. Le plus grave, on le dépiste dans 20 à 30 ans après la survenue des complications.

L’hépatite est-elle guérissable? Si oui, à combien est estimé son coût de traitement pour un patient ?
Oui, l’hépatite est guérissable. Pour ce qui est du traitement, il n’y a pas que les médicaments, il y a aussi les examens biologiques à faire pour savoir si le foie peut supporter les médicaments, et c’est généralement ce qui coûte de l’ordre de 150.000 à 200.000 FCFA. Il y a la charge virale qui varie de 20.000 à 60.000 FCFA (une seule charge virale) et cela est à la charge du patient. Grâce à la CAMEG, on a pu avoir des antiviraux pour l’hépatite B que le patient peut acquérir autour de 2.800 FCFA par mois et cela pour un traitement à vie.
Précision importante, l’hépatite C n’a pas de vaccin, ce qui fait que son traitement est très coûteux, autour de 200.000 FCFA par mois. Mais au bout de 6 mois, on peut l’éliminer de l’organisme.
Tous ces médicaments sont disponibles au Burkina Faso, mais leurs coûts demeurent toujours inaccessibles. Mais nous travaillons au niveau du ministère de la Santé pour avoir des partenaires financiers pour la disponibilité à coût subventionné des antiviraux, des réactifs et pour faciliter les examens.
Y a-t-il de l’espoir qu’un jour des malades burkinabè puissent avoir les médicaments à des prix abordables ?
Oui, il y a de l’espoir, car il y a des pays voisins tels que la Côte d’Ivoire où la charge virale est réalisée à 4.000 FCFA et le Cameroun où le traitement (médicaments + examens) revient pratiquement à 5.000 FCFA au patient.
Avec le plaidoyer, nous pensons que des mesures seront prises pour que le traitement au Burkina Faso soit abordable et accessible aux malades, le temps d’avoir un plan de lutte et de faire le plaidoyer pour la mobilisation des ressources auprès des partenaires publics et privés.

Interview réalisée par Rachel DABIRE


Sonner la grande mobilisation contre les hépatites

Le Burkina Faso, de concert avec les autres pays membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), vient d’adopter la stratégie mondiale de lutte contre les hépatites, avec pour objectif d’éliminer les hépatites qui constituent un problème de santé publique, d’ici 2030, et de mobiliser la population autour de ce mal comme on l’a fait avec le VIH. Au début, le taux de prévalence du VIH était de 7,2%, mais aujourd’hui on est pratiquement à moins de 1%. Ces chiffres montrent à souhait que s’il y a une mobilisation conséquente, le taux actuel de l’hépatite qui est à plus de 10% peut être ramené à des proportions raisonnables.

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