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Django le Koglweogo: certains fusils nous sont prêtés

On l’appelle Django. Ce n’est pas le premier des Koglweogo, mais en l’espace de quelques mois, il en est devenu la principale figure de proue. L’Economiste du Faso a pu décrocher un entretien avec cet homme affable, direct dans sa façon de dire les choses. Depuis Fada son fief, il martèle que les Koglweogo sont indispensables tant qu’il y aura des bandits. Pour lui, il faut trouver la meilleure formule pour contrôler ces groupes d’auto-défense dans leur appui aux forces de sécurité contre le banditisme.

– L’Economiste du Faso: Pourquoi est-ce qu’on vous a surnommé Django?
Django, chef des Koglweogo: Le surnom est venu quand j’avais 18 ans, à l’époque il y avait Django, Salingo, Pécos, etc, et moi c’est le nom que j’avais choisi et ce nom est resté. Je suis devenu par la suite artiste de profession et j’ai tourné hors de nos frontières.

– Artiste ?
Oui, je suis un des fondateurs de la troupe «Boyaba», chorégarphe, j’ai fait près de 147 spectacles à l’extérieur, donc j’étais un ambassadeur ambulant. Je continue de faire dans la culture, je suis plongé dans la culture et je continue à faire des formations à tous ceux qui s’intéressent à ce domaine.

– Vous étiez un artiste et comment se fait-il que de nos jours vous portez la casquette de Koglweogo ?
J’écoute les radios et, chaque fois, on parlait des Koglweogo: comment cela a débuté, comment ils contrôlent les localités, tout le monde écoutait. Comme tout le monde était intéressé, nous avons invité la population et tous les villages environnants de Fada. C’est à l’issue de cette rencontre que nous avons décidé de créer une association de Koglweogo à Fada, une structure d’autodéfense pour sauvegarder notre localité qui est souffrante depuis 12 ans. La région est une zone rouge, même les bailleurs de fonds ne veulent plus investir par ici, car il y a de l’insécurité.
Les Organisations non gouvernementales sont en train de fuir la région pour la même raison, c’est pourquoi nous avons trouvé utile de mettre en place cette structure d’autodéfense que j’ai pu installer dans tout le Gulmu. C’est-à-dire dans la Tapoa, la Gnagna, la Komandjari, la Kompienga. On devient ainsi des fourmis qui sont partout et c’est tout cela qui fait notre force. Quand je parle, ce sont tous les villages qui nous entourent qui nous entendent. L’association, c’est pour simplement venir en appui à nos frères gendarmes, policiers et militaires qui ne peuvent pas couvrir tout le territoire. De nos jours, nous avons capturé plus de 200 voleurs; les coupeurs de route, je n’ai pas compté, mais pour quatre ou cinq villages, nous avons près de 90 coupeurs de route et il y en a qui viennent d’eux-mêmes pour se déclarer… Il y a également des fusils que nous avons récupérés.

– Il y a combien de temps que vous êtes Koglweogo ?
J’ai été arrêté le 16 mars 2016. Il n’y avait pas de Koglweogo ici à Fada. Quinze jours après, j’ai été libéré, et c’est là, en avril 2016, que nous avons commencé à installer les Koglweogo à Fada. Cela a pris un mois. Depuis ma sortie de prison, pendant 33 jours, tous les jours c’était la fête chez moi. Tous les villages ont défilé chez moi.

– Mais, pourquoi on vous avait arrêté si vous n’étiez pas encore Koglweogo?
La gendarmerie et la police croyaient qu’on allait prendre leur place alors qu’au contraire, on leur venait en appui. Nous, on n’est pas payé. Je me réserve de dire beaucoup de choses sinon je ne vois pas comment les gendarmes et les policiers ne veulent pas s’intéresser aux Koglweogo.
Ces forces de l’ordre ont été les premières à s’opposer à ce que les Koglweogo ont fait. Nous, nous avons des fusils traditionnels de chasse, alors que les bandits ont des kalachs. Avec un tel rapport, c’est comme si nous n’avions que des bâtons. Mais nous sommes comme des fourmis et nous sommes partout. Avec les forces de l’ordre, c’est un manque de dialogue et je continue à demander à ce qu’il y ait une rencontre avec les autorités (NDLR : cette rencontre a finalement eu lieu la semaine dernière et les deux parties ont trouvé un consensus).

– Concrètement, combien de Koglweogo pouvez-vous mobiliser dans le Gulmu ?
Je pourrai sortir près de 10.000 Koglweogo dans tout le Gulmu, dans ses zones les plus reculées. Dans un mois, nous pourrons installer les Koglweogo partout où il y a nécessité.

– Est-ce qu’il y a des femmes Koglweogo ?
On y réfléchit, on va peut-être mettre des bureaux et nous ferons appel aux femmes qui pourront nous servir sur le plan administratif. Tout ce que nous faisons et ferons, il faut qu’il y ait des papiers pour mieux les relater, c’est pour cela que tout ce qui est écrit m’intéresse, car ce sont des archives qu’on peut utiliser même dans 100 ans.
Nous inclurons dans nos rangs des femmes, mais pas pour le combat.

– Les jeunes qui sont autour de vous ont des fusils traditionnels, pourquoi ce ne sont pas des bâtons, des poignards et autres ?
Les coupeurs de route sont munis de kalachs, de fusils de guerre. Je ne crois pas qu’on puisse les affronter avec des bâtons. Par contre, ils savent que même avec les fusils de chasse, et à cause de notre nombre, ils ne pourront pas nous abattre tous.

– Qui a doté en armes vos éléments ?
On ne va pas les mains nues pour un combat. Il y a des fusils qui nous sont prêtés et il faut faire attention à ne pas les perdre. S’ils se perdent, on doit rembourser. Légalement, on sait que ce n’est pas normal. D’ailleurs, on est en train de préparer nos flèches qui seront très empoisonnées et sans doute pire que les fusils.

– Si moi je suis un jeune du Gulmu et que je veux devenir Koglweogo, quelle est la condition pour qu’on m’accepte dans le groupe ?
Dans chaque secteur, nous avons 21 éléments. Moi, je ne choisis pas. Même en tant que patron, je ne suis pas chargé de choisir quelqu’un. Si tu es accepté dans ton secteur par ceux qui te connaissent bien, alors moi je te prends et je t’inscris dans le registre des Koglweogo.

– Mais si on m’accepte et que je n’ai pas d’arme, comment en aurai-je une ?
Tout le monde ne circule pas au même moment, car nous sommes organisés en équipes. Si ton équipe doit sortir sur le terrain, on te prête une arme. Actuellement, on a des armes qu’on a retirées chez des coupeurs de route et que nous utilisons à ces fins.

– Mais quand je deviens Koglweogo, est-ce que j’ai des avantages ?
Je ne peux pas dire qu’il y a des avantages, mais l’avantage de la personne c’est elle-même. Cela veut dire que tu es content de toi-même, tu sais que tu es félicité par tout ce beau monde qui t’entoure. Tu te contentes de cela parce que, par ton action, la tranquillité et la paix reviennent dans la région.

– Mais, les motos que les jeunes utilisent pour aller en patrouille, sont-elles des motos personnelles ?
Ce sont des motos personnelles. On nous accuse d’infliger des amendes aux coupeurs de route et aux voleurs… Mais pour les rechercher, il faut combien de temps? Combien de kilomètres à parcourir? Ensuite, il faut encore démanteler tout le réseau du bandit. Voilà pourquoi c’est normal que quand on prend un bandit, il doit payer. Sinon pour une autre mission, on n’aura plus de moyens pour bouger. Déjà que le Koglweogo fait le sacrifice de donner sa moto, on ne peut pas lui demander de fournir l’essence. Sinon pour quelqu’un qui a été victime d’un vol de moto, quand on attrape le voleur, on te remet la moto, il n’y a pas de taxes à payer. Si tu veux nous donner un cadeau, tant mieux, sinon ce n’est pas exigé. Mais le voleur par contre doit payer et c’est cet argent qui nous permet de continuer à fonctionner.

– Dans ce cas de figure, concrètement, combien le bandit doit vous payer ?
On avait des jeunes ici qui volaient des motos pour aller les revendre à Pouytenga. Même s’ils prennent une moto de marque «135» qui coûte environ un million, ils vont la brader à 200.000 F CFA et, de fois, l’acheteur leur remet la moitié de la somme en promettant de payer le reste après. Ces voleurs vont revenir bousiller cette somme, puis ils vont tenter de voler à nouveau. Nous avons pris quelqu’un ici, nous étions obligés d’aller jusqu’à Boromo où un acheteur lui a donné rendez-vous. Nous avons pu récupérer trois motos qu’il avait volées.

– Mais quelle a été l’amende qu’il a payée ?
L’amende qu’il a payée? Personne ne vient le voir. Il n’a rien. Ainsi, même s’il nous propose 50.000, on va prendre puisqu’on ne peut pas le garder longtemps.
Au départ, on conduisait les bandits à la gendarmerie et après on nous a dit qu’il n’y avait plus de place et qu’ils ne sont pas là pour garder nos prisonniers. Depuis, on les garde une ou deux semaines avec nous et nous sommes obligés de les libérer. Mais quand on les libère, on part identifier leur maison, leur famille. Si on ne fait pas payer les amendes, nous n’aurons plus de fonds de roulement. C’est la raison d’être de ces amendes qui s’adressent uniquement aux coupeurs de route, aux grands bandits et grands voleurs.

– Qu’est-ce que l’Etat vous reproche?
L’Etat nous reproche le fait d’imposer des amendes, de frapper les gens; mais je ne sais pas, quand on prend un délinquant, un malfaiteur, un tueur, qu’est-ce qu’il faut faire? S’il faut le mettre à l’hôtel pour qu’il te dise où se trouve le reste des membres du gang, ça sera difficile. C’est pourquoi on le caresse avec quelques coups de fouet. D’ailleurs, actuellement, on ne frappe même plus, on a de petites cordes et quand on t’attache avec, au bout de 5 minutes tu dis la vérité.

– En ce qui concerne la question du port d’arme, vous vous baladez avec des armes en bandoulière. Le ministre Simon Compaoré a dit qu’il vous fallait des autorisations et qu’il faut mettre fin à cela. Quelle est votre réaction ?
C’est lui le patron qui décide désormais. Je me dis que quand on gouverne, le peuple a son mot à dire. Il suffisait qu’il y ait un dialogue pour nous dire la conduite à tenir. Sinon qu’au départ, il nous a encouragés. Il n’y a que deux mois que nous sommes-là. On entame le troisième mois et, voilà, qu’il n’y a plus de coupeurs de route alors que de par le passé, tous les bandits étaient ici. A présent, ils sont en train de fuir pour rentrer au Bénin. On m’appelle d’ailleurs du Bénin pour qu’on vienne les aider à installer des Koglweogo. J’ai dis non, nous ne pouvons pas le faire, nous n’avons pas le droit de franchir nos frontières. Les Nigériens aussi se préparent pour venir me voir pour la même cause afin que tout le long de nos frontières, nous puissions installer des Koglweogo. Mais pour cela, il faut que j’ai l’autorisation de l’Etat avant de traverser les frontières, sinon je n’ai pas le droit d’aller parler dans un autre pays. Sinon, ce serait une provocation à domicile.

– Aujourd’hui, où trouve-t-on les Koglweogo au Burkina ?
Je sais qu’ils sont à Fada N’Gourma et s’étendent jusqu’à Ouaga. Là où ils ne sont pas, c’est peut-être vers Bobo-Dioulasso. Mais, là-bas, il y a les dozos qui sont des chasseurs. Ces derniers trouvent que c’est leur place que nous sommes venus prendre. Mais non, nous, nous allons à la chasse des mauvais hommes et non des lapins, alors que les dozos sont d’ailleurs des braconniers.
Nous, nous n’avons pas besoin de faire du braconnage. Nos ennemis, ce sont les voleurs, les bandits de grand chemin qui nous empêchent de dormir, qui viennent dans nos maisons coucher avec nos femmes. Je ne peux pas comprendre que quelqu’un vienne dans ta maison coucher avec ta femme devant toi. Que devient alors ton autorité devant cette femme ? Ton honneur est bafoué.

– Voulez-vous dire que c’est dans le grand Ouest qu’il n’y a pas de structure d’autodéfense ?
Oui ! Sinon de Boulsa à Ouagadougou et dans tout l’Est, il y a des Koglweogo. Je peux vous assurer que dans la Gnagna, notamment à Bogandé, il n’y a plus de voleurs. Tu peux déposer ton sac et revenir le trouver le lendemain, pourtant c’était une zone où il y avait des grands bandits. Aujourd’hui, ils se sont ralliés à nous pour devenir des Koglweogo. Si tu acceptes d’abandonner le vol, il va falloir travailler avec nous pour pouvoir démanteler les réseaux.
– Vous acceptez les anciens bandits sans problème ?
On les accepte parce qu’ils sont déjà identifiés. On connait les gens jusque dans leurs familles. Il y a d’autres qui ont des regrets. Nous, nous tentons de voir si nous pouvons réparer les choses. Sinon, nous ne sommes pas des tueurs.

– Y a-t-il une structure nationale des Koglweogo ?
A partir du moment où nous n’avons pas encore de papier, je ne peux pas parler de national. Mais nous nous sommes vus pour créer une structure nationale afin d’être acceptés et reconnus par l’Etat. Parce qu’il faut qu’il y ait une bonne collaboration entre tous les Koglweogo, de sorte à ce que les statuts et les règlements intérieurs soient les mêmes partout, pour ne pas aller délirer.

– Pour adhérer aux Koglweogo, les prestations de serment sur le coran et les fétiches ont-elles toujours cours ?
Oui, parce qu’on recherche la vérité à travers tout ça. Dans notre lutte, il ne faudrait pas qu’il y ait des règlements de comptes. Nous ne sommes pas venus pour ça. Nous ne sommes pas venus pour juger quelqu’un qui fait la cour à la femme de son voisin. Nous ne sommes pas là parce que X et Y ne s’entendent pas. Notre objectif, c’est de lutter contre le vol. Ne prend pas ce qui ne t’appartiens pas. La prestation de serment a lieu. Nous avons nos fétiches et quand nous nous rendons là-bas, nous prions. Depuis mon jeune âge, j’ai toujours apprécié ma calebasse. J’ai une petite calebasse et un couteau; beaucoup savent de quoi je suis capable avec.

– Les cérémonies d’installation sont forcément périodiques ?
Oui, car ça se prépare. Parce que moi j’ai déjà tellement de problèmes et manque de temps. Je vais dans les départements, les villages, etc. Quand on organise les cérémonies, on peut réunir une vingtaine de villages pour que leurs Koglweogo soient initiés le même jour.

– Il y a des gens qui ont peur que les kolgweogo soient infiltrés et récupérés par les djihadistes…
Ceux qui disent cela, ce sont nos vrais ennemis. Sinon, nous, on a dit que ces comités d’auto-défense vont défendre la population, nos frères, nos mamans, nos sœurs… Et si un jour on doit revenir encore être contre eux, autant laisser les bandits continuer à les maltraiter. Sinon, qu’est-ce qu’on a à gagner en tuant nos frères ?

– Donc, selon vous, les djihadistes ne peuvent pas récupérer votre mouvement. Mais qu’en est-il alors des politiciens ?
Depuis le départ, et mes hommes peuvent témoigner, je ne parle pas politique. Au sein des Koglweogo, on ne parle pas politique. De plus, je suis prince mais je ne viens pas parler aussi de la féodalité ici. Non. Nous parlons tous du même mal. Je ne sais pas si tu as déjà eu mal aux dents. Moi, c’est mon gros problème. Si tu me parles de ta dent, je sais comment ça fait mal. Donc, voilà comment on considère que le banditisme est le même mal que tous nous subissons.

– Dans le futur, qu’il ait une autorisation ou pas, les Koglweogo seront-ils toujours là sur le terrain ?
Si l’Etat peut arrêter tous les voleurs, à quoi vont servir les Koglweogo ? Faut-il attendre que ces voleurs continuent à nous nuire, qu’ils nous prennent tous ce que nous possédons ? Non, nous n’accepterons pas cela tant que nous serons en vie. S’il n’y a plus de bandits, il n’y aura plus de Koglweogo.

Propos recueillis par Samba Traoré


La question de la reconnaissance officielle

«Au départ, tout le monde a suivi à la télé quand Simon Compaoré a affirmé que les Koglweogo sont là parce que l’Etat n’a pas assez d’éléments de forces de l’ordre, pour les déployer partout sur le territoire national». Aujourd’hui, affirme Django, le ministre dit le contraire et ni lui ni la population n’arrivent à suivre. Dans le contexte actuel, pensez-vous que l’Etat acceptera de vous accorder une reconnaissance officielle après la rédaction de vos statuts et règlement intérieur ?
Je ne sais pas. Peut-être que mon français n’est pas assez bien, mais qui parle de l’Etat, parle d’un ensemble. Ce sont des gens que nous avons placés à la tête pour la gouvernance. Si nos textes sont vraiment bien élaborés, je ne vois pas pourquoi on ne peut pas nous donner un récépissé. C’est important, car avec ce règlement, nous montrera les limites à ne pas franchir». Pour celui qui se présente aujourd’hui comme le porte-parole des Koglweogo, l’objectif c’est d’avoir une ligne droite qui puisse empêcher le grand banditisme, même sans contrepartie de l’Etat. «Le plus grand appui, c’est de nous encourager dans ce qu’on fait. En plus de ça, c’est comme je l’ai dit, nous n’avons pas les moyens pour aller partout et si on considérait ce qu’on fait, on pouvait nous soutenir dans nos sorties parce qu’il y a une question de distance à parcourir. Notre priorité, c’est d’être encouragé et félicité pour le don de soi. Moi, par exemple, j’ai 66 ans. Qu’est-ce que je perds en recevant un coup de fusil si cela peut arranger quelque chose ? Si je meurs et que cela va améliorer la situation du Burkina Faso, je ne serai alors pas mort pour rien».

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RAF

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