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Gratuité des soins : Le financement, problème majeur

 

Le 30 mars dernier, le ministre de la Santé annonçait officiellement devant la presse les différentes mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la santé. Désormais, les soins sont gratuits pour les femmes et les enfants. Toutefois, quel pourrait être l’impact de ces mesures dans le système de la santé et quels sont les obstacles qu’elles pourraient rencontrer? Le secrétaire général du Syndicat des médecins du Burkina (SYMEB), Docteur Alfred Ouédraogo, s’exprime sur ces préoccupations.

– L’Economiste du Faso: Quelle appréciation fait le Syndicat des médecins des différentes mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la santé ?
Dr Alfred Ouédraogo, SG du SYMED: En ce qui concerne les mesures du gouvernement, nous saluons la gratuité des soins pour les enfants, car c’est à cet âge que nous en perdons beaucoup. La mortalité infantile est encore très élevée dans notre pays. Nous avions plaidé dans ce sens depuis toujours. Il est vrai que ce n’est pas évident d’implémenter ce genre de mesures de façon efficace. Mais nous pensons qu’en tant qu’acteur de la santé, nous avons été associés à la stratégie et nous avons pu apporter notre contribution pour recadrer un certain nombre de choses. Nous profitons pour demander à la population d’être des citoyens actifs pour la bonne marche de ces mesures.
Des citoyens actifs en payant les impôts, en consommant et en payant les factures. En effet, il est dit que ces mesures sont gratuites mais, dans le fond, c’est la population qui paie d’une manière ou d’une autre à travers les impôts et sa consommation. Ce sont ces impôts directs et indirects qui vont se retrouver en définitive dans la caisse de l’Etat d’où seront déduits les 16 milliards de F CFA pour assurer cette gratuité. En définitive, c’est un système qui permettra aux populations de ne pas payer directement, mais indirectement. Le citoyen doit être conscient de cela et veiller à ce que l’utilisation de ces ressources se fasse de façon parcimonieuse et en relevant les manquements auprès des associations et des structures de l’Etat afin que nous puissions apporter des corrections pour que ces mesures puissent aller de l’avant.

– Un mot sur le cancer ?
En ce qui concerne les cancers, nous demandons à l’exécutif et à la population d’accepter qu’il soit alloué plus de crédits pour que puisse être finalisé le centre de prise en charge des cancers et aussi pour renforcer les laboratoires pour des diagnostics de qualité. Aujourd’hui, nous avons non seulement un problème de dépistage, de diagnostic, mais surtout de prise en charge. Il ne faudra pas seulement dépister, mais également mettre l’accent sur la prise en charge. C’est donc à l’ensemble des acteurs de jouer correctement leurs partitions pour la réussite de ces mesures.

– Quels sont les problèmes que pourraient rencontrer la mise en oeuvre de ces mesures ?
Déjà à court terme, il peut subsister des problèmes d’approvisionnement, et il faut rapidement résoudre ce souci. Il pourrait aussi avoir des problèmes dans le management et l’organisation, comme dans toute œuvre humaine, mais aussi des problèmes liés à la perception des populations comme ce fut le cas pendant longtemps avec les vaccins contre la poliomyélite.
Certaines personnes ont refusé l’administration du vaccin à leurs enfants à cause de différents préjugés. Déjà, nous voyons des populations qui pensent que la gratuité des soins n’est pas conforme avec leur religion. Nous leur disons que non. La gratuité des soins n’est pas de l’aumône, ce n’est pas du «haram» car c’est eux qui paient en réalité de façon indirecte.
Il faudrait que le gouvernement travaille à mieux communiquer auprès des populations, mais aussi à édicter la liste de façon exhaustive des médicaments qui peuvent se retrouver dans les centres de santé et renforcer la législation, de sorte à ce que dans les dépôts l’on puisse substituer les génériques aux spécialités s’il en existe. Mais pour cela, il faut un contrôle de qualité des médicaments. L’un des problèmes majeurs pourrait être le financement. Les hôpitaux, les centres de santé s’inquiètent quant à la disponibilité des fonds propres. Les coûts seront payés par l’Etat certes, mais il faudrait que ces fonds viennent à temps pour permettre aux structures de santé de pouvoir fonctionner. Prenant l’exemple des SONU, il y a eu des hôpitaux qui ont dépensé plus de 200 millions et ont été remboursés à hauteur de 90 millions. Le manque à gagner pose alors problème, et les hôpitaux ont ensuite du mal a renouvelé les stocks.En ce qui concerne les médicaments, il faudrait qu’il y ait des sous-comptes au niveau des dépôts, afin que les médicaments soient toujours disponibles, au risque de nous retrouver dans des situations d’endettement comme c’est le cas actuellement avec la CAMEG a qui l’Etat doit plus de 5 milliards de F CFA. Si cela continue, les stocks pourraient ne plus être disponibles. Il faut donc des structures de décaissement fluides et un suivi pour que cela puisse être recadré.

– Mais comment se fera la prise en charge des heures supplémentaires ?
Actuellement, pour gérer ces heures, il est donné aux agents juste une indemnité de garde qui tourne autour de 20.000 F à 25.000 F CFA par mois, soit 1.000 F CFA par jour, si bien que lorsque les agents de santé finissent leur service, ils préfèrent se retrouver dans le privé car ils ne peuvent pas vivre avec ce qu’on leur donne. Mieux, beaucoup de spécialistes préfèrent rester dans les grandes villes au lieu d’aller dans les régions. Si nous devons avoir des césariennes de qualité, il faut des médecins qualifiés, des gynécologues dans les périphéries. Pourtant, à cet instant, il existe trois régions dans le pays où il n’y a pas de gynécologue, pendant que nous avons des centaines de spécialistes formés. La raison est toute simple, une journée de travail à Ouagadougou correspond au salaire du mois du gynécologue qui travaille à Dori. Il faut donc repenser le système sanitaire du pays, faire des réformes afin de permettre aux travailleurs de gagner mieux et réparer un certain nombre d’injustices liées à la grille indiciaire. Pour que ces mesures puissent avoir de beaux jours, il faut que chacun joue sa partition correctement, et c’est aux populations de faire un suivi en vérifiant le travail des agents de santé à travers leur assiduité. Si le gouvernement allie le recrutement du personnel et la formation des ressources humaine, l’équipement des hôpitaux et la motivation des ressources humaines, nous pensons que cela pourrait accompagner ces mesures de gratuité pour qu’elles puissent réussir.

Germaine BIRBA


A propos du suivi des mesures

Pour la bonne marche de ces mesures, selon Docteur Ouédraogo, il faut que les populations puissent faire confiance aux médicaments qui seront disponibles au niveau des centres de santé. Bien évidemment, les médicaments seront les génériques. La question des kits aussi a été évoquée. Avec l’échec des Soins obstétricaux néonataux d’urgence (SONU) à cause du contenu des kits, le syndicat des médecins se montre plus méfiant. «L’échec des SONU doit être une leçon pour tous afin de mieux réussir cette nouvelle étape. Les kits SONU ne contiennent pas toujours de tous les éléments nécessaires pour la prise en charge correcte des césariennes et des accouchements. Si bien que les patients étaient obligés de se promener partout dans la ville pour compléter les médicaments», a expliqué Dr Alfred Ouédraogo. Aussi, le SYMED demande un renforcement dans les plus brefs délais des dépôts de médicaments dans les hôpitaux, les CMA et les CSPS, pour que l’approvisionnement puisse se faire de façon plus qualitative et quantitative sans qu’il y ait des ruptures. Il faudrait enfin, selon la structure syndicale, vérifier que les médicaments et les réactifs sont tout au plus au moment de la livraison à la demi-vie. C’est-à-dire que si un médicament à une durée de vie de 4 ans, lors de la livraison il faudrait s’assurer que le temps restant avant sa date de péremption est tout au moins de deux ans. Sinon, nous allons perdre beaucoup de médicaments. «Du reste, nous plaidons pour que l’échographie puisse s’intégrer également dans la prévention», conclut-il.

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