Société-Culture

Aéroport de Donsin: le premier vol prévu pour 2020

Depuis 2009, le projet de construction de l’aéroport de Donsin (à une trentaine de km de Ouagadougou) est sur les lèvres des Burkinabè. Ce sera un aéroport moderne (étendu sur 4.400 hectares), capable d’accueillir les plus gros aéronefs du monde, avec l’ambition de faire de Ouagadougou un hub du trafic aérien en Afrique de l’Ouest. Il ne reste plus que 4 années pour que cet aéroport soit livré. Pour comprendre les entraves et les motifs d’espoir, L’Economiste du Faso est allé à la rencontre du directeur général de la Maîtrise d’ouvrage de l’aéroport de Donsin (Moad), Edouard Bouda, nommé le 1er avril et installé depuis seulement 3 mois, soit le 17 avril 2015.

– L’Economiste du Faso : Le 1er avril avait été perçu par certains comme un poisson d’avril quand vous avez été nommé comme Dg de la Moad. Votre jeunesse et votre qualification de conseiller des affaires étrangères avaient été brandies pour douter de vos compétences à diriger la Moad. Comment vous sentez-vous aujourd’hui à votre poste, 3 mois après ?
Edouard Bouda (Directeur général de la Maîtrise d’ouvrage de l’aéroport de Donsin) : Je me sens comme un homme à qui on a confié une mission et qui a le devoir de l’accomplir. En effet, j’ai aussi suivi certains débats dont les auteurs se demandaient ce qu’un conseiller des affaires étrangères vient faire dans un projet d’infrastructure. J’ai plus évolué au ministère de l’Economie et des finances où j’étais directeur de la coopération multilatérale avant de venir à la Maîtrise d’ouvrage de l’aéroport de Donsin. A ce poste, j’ai suivi certains dossiers ayant trait à ce projet. Je ne me sens donc pas en terrain totalement inconnu. J’ai seulement conscience qu’on m’a confié une tâche assez lourde que je dois exécuter avec succès.

– Depuis 2009, on parle de l’aéroport de Donsin. Jusqu’à quand doit-on attendre pour voir enfin ce projet se réaliser, quand on sait que les délais sont fluctuants car l’objectif 2017 s’est déporté vers 2019 ?

La construction d’un aéroport demande toujours du temps. Pour le cas précis de l’aéroport de Donsin, le terrain a été identifié, mais il était occupé par des populations. Il fallait donc prendre le temps de les reloger. Ce qui n’a pas été du tout facile. Maintenant, c’est chose faite. A ce jour, nous avons pu construire des logements pour ces populations.
Nous avons fini les études pour les travaux de construction de l’aéroport. Actuellement, nous sommes à la phase de sélection des entreprises pour les travaux. Ce qui nous amène à un calendrier réaliste de 2019 pour la fin des travaux de l’aéroport.

– C’est maintenant un délai ferme?
On est un projet. Et, par définition, un projet est flexible.

– Trois Dg pour le même projet en 6 ans ! Qu’est-ce qui coince ?
Le projet se porte bien. S’il y a eu cette situation, c’est peut-être pour donner du souffle à ce projet. Dans tous les cas, il ne me revient pas de répondre à cette question.

– La mobilisation des fonds en vue de la construction de la plateforme aéroportuaire était de 80% en avril dernier. Y a-t-il eu évolution ? Qui donne quoi et à quelle hauteur ?
Au niveau du financement du projet, il y a deux volets : un financement public assuré par l’Etat et un financement privé qui est lié à la mise en place d’un investissement privé. Pour le financement public, on peut dire que les choses n’ont pas bougé depuis avril 2015, mais il ne reste pas grand-chose à mobiliser. Nous avons une dizaine de partenaires techniques et financiers sur notre liste. On a la Banque mondiale qui a contribué à la construction des voies d’accès à hauteur de 85 millions de dollars, la Banque islamique de développement contribue pour 100 millions de dollars (pour la chaussée aéronautique et hydrante), le fonds koweitien, la Bada, la Bidc, le Fonds saoudien interviennent tous dans la construction de la plateforme aéroportuaire. A eux s’ajoute la Boad qui intervient dans les voieries et dans les bâtiments techniques. Enfin il y a l’Afd. C’est au niveau du financement de l’Afd que nous n’avons pas encore fini le processus de préparation. Elle a promis un financement de 15 millions d’euros pour les réseaux.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés aujourd’hui?
Nos difficultés sont globalement liées à la lenteur dans le processus de passation de marchés et d’exécution des travaux sur le terrain. Pour l’exécution des travaux sur le terrain, on est en contrat avec plusieurs entreprises qui ont du mal à respecter les délais contractuels.

– Justement, cela ne constitue-t-il pas une crainte dans le respect des délais, quand on sait que des entreprises ont traîné les pieds dans la construction des logements ?
Le retard à ce niveau n’est pas forcément lié à l’exécution. Certains retards sont liés au processus de passation de marchés. Nous avons par exemple contracté avec des entreprises pour construire des logements pour les Personnes affectées par le projet (Pap). Il est ressorti de la part des Pap que ces logements soient crépis et clôturés. Il fallait à nouveau lancer un processus pour recruter les entreprises en vue de l’enduit sur les bâtiments et aussi sur les murs de clôture. Ce qui fait que des travaux se sont arrêtés et d’autres ont commencé plus tard par des entreprises qui ne sont pas les mêmes. Mais, nous avons pu construire tous les 2.622 bâtiments pour les Pap. (Ndlr, la cérémonie de remise des clés est prévue pour le 16 juillet prochain sur le site). Nous sommes également engagés sur des chantiers d’infrastructures communautaires comme des centres d’alphabétisation, des écoles (coraniques), etc. Aujourd’hui, nous avons pu reloger 4 des 9 villages. Les 5 autres villages sont actuellement en cours d’installation. C’est pourquoi, nous sommes convaincus que nous pourrons reloger la majorité de ces Pap avant l’installation définitive de la saison pluvieuse.
– Tout le monde devait être relogé depuis le 15 mars 2014. Malgré une année de retard, ce n’est pas encore le cas…
En effet, mais les dispositions sont prises pour recaser les populations dans un délai relativement bref.

– Le 24 février 2014, l’ex-Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, était sur les lieux et avait promis des sanctions contre les entreprises défaillantes. A-t-on mis ces menaces en exécution ?
Nous avons tiré leçon de ces retards et nous avons pris les dispositions pour résilier les contrats avec un certain nombre d’entreprises qui sont largement en retard.

– Au début du projet, en 2009, son budget était estimé à 368 milliards de FCFA. Ces chiffres tiennent-ils toujours la route ?
Ces chiffres tiennent toujours la route. Nous sommes toujours dans ces prévisions.
– Tout ce qui a été prévu sera-t-il toujours réalisé ? A savoir, entre autres l’autoroute qui va desservir l’aéroport, le renforcement de la Rn3, les deux bretelles qui vont s’appuyer sur les routes nationales 4 et 2, le camp militaire qui va engloutir 55 milliards de FCFA et le chemin de fer…
L’autoroute n’est pas, tout comme le chemin de fer, dans le schéma actuel du projet, mais dans un développement futur. Par contre, pour ce qui est des autres voies d’accès, notamment le renforcement de la Rn3 (route de Kaya), la construction des deux bretelles est et ouest pour desservir l’aéroport sont actuellement en cours d’exécution. Nous sommes à environ 30% de taux d’exécution pour la construction des voies d’accès. Il est prévu également la construction de pistes rurales sur 42 km dont les travaux vont commencer en octobre 2015.

– C’est la première fois au Burkina Faso qu’en plus des compensations des biens des personnes affectées, un projet prenne en compte les compensations de biens culturels. Comment gérez-vous les 1.076 tombes et 202 biens archéologiques et ethnographiques répertoriés?
Nous avons un partenariat avec l’université de Koudougou sur les aspects rituels et coutumiers. Nous avons identifié les différentes tombes. En fonction de la volonté des Pap, certaines tombes sont abandonnées et d’autres sont déplacées. Actuellement, nous avons pris les dispositions pour déplacer les tombes qui sont identifiées. Pour le moment, nous n’avons pu exhumer qu’une seule tombe qui est recasée sur les sites d’aménagement du projet.
– Quel est le degré d’accompagnement des populations concernées par rapport à toutes ces actions ? Un appel à lancer ?
Nous avons en face de nous des populations assez compréhensives. Il y a des villages entiers qui ont été déplacés à l’occasion de la construction de cet aéroport. Quand on déplace tout un village, il est normal que les intéressés cherchent à récupérer le maximum des biens perdus.
D’une manière générale, la collaboration avec les populations est satisfaisante. Il reste du chemin à faire.
Je lance donc un appel à ceux qui sont concernés par l’exécution de cet aéroport pour que nous reconnaissions que c’est un projet assez fastidieux, délicat, mais nous sommes engagés dans un schéma qui, nous pensons, est réaliste. Les travaux sur la plateforme aéroportuaire devraient commencer dans le premier trimestre de 2016 et continuer jusqu’en 2019. Selon notre planification, le premier vol devrait pouvoir intervenir en 2020, après tous les essais pour les aéronefs de catégorie E comme les Boeings 777.
Pour la première phase, c’est une piste d’une longueur de 3.500 mètres extensibles à 4.000 mètres au besoin. Pour la 2e phase, il est prévu une deuxième piste qui sera mise sous la responsabilité du concessionnaire de l’aéroport.
Je ne peux que solliciter l’accompagnement des acteurs du secteur aérien (Asecna, Dan, Anac, Raggae) afin que nous disposions de notre aéroport moderne digne du pays des Hommes intègres d’ici à 2020.o

Propos recueillis par
Alexandre Le Grand ROUAMBA


A propos des interpellations à la Moad

Récemment, il y a eu des interpellations en rapport avec l’exécution du projet de construction de cet aéroport. Pour Edouard Bouda, Dg de la Moad, «s’il y a interpellation, je pense que c’est dans le cadre global du déroulement de la Transition. Un projet à l’envergure de l’aéroport de Donsin ne saurait échapper à de telles recherches. Dans tous les cas, je ne pense pas que la Moad ait quelque chose à cacher. Il faudra peut-être qu’on mette à la disposition de tous les corps de contrôle l’ensemble de la documentation pour établir ce que ces corps recherchent. Pour le moment, on n’a pas été saisi en tant que structure de ceux qui ont été interpellés». Selon nos informations, 11 agents ont été convoqués par la gendarmerie de Boulmiougou le 16 juin 2015. Parmi ces agents, il y aurait des responsables dans l’administration des finances, de l’informatique, technique et la cellule chargée des marchés.

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