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Accaparement des terres : Le monde paysan cherche des alliés au Cnt

Tab1«Apparu à une date relativement récente, le phénomène des acquisitions de terres est encore en pleine expansion. Impulsé par la volonté des pouvoirs publics de voir émerger une agriculture moderne, performante assurant au pays une bonne sécurité alimentaire et compétitive sur le marché international, le phénomène des grands domaines fonciers a pour principaux acteurs les hommes politiques et des fonctionnaires et les opérateurs économiques. Les centaines d’hectares individuellement appropriés sont cependant encore faiblement mis en valeur avec une productivité assez faible. Mais, avec des conséquences désastreuses pour l’environnement et les exploitations familiales agricoles : réduction drastique de la disponibilité foncière, exacerbation des conflits fonciers entre catégorie d’acteurs, destruction du couvert végétal, des sols et de la biodiversité. Tel qu’il se développe actuellement, le phénomène d’acquisition de terre à grande échelle est porteur de germe de destruction de l’agriculture familiale sans pour autant fournir des alternatives pour promouvoir une agriculture compétitive. Le choix de sa promotion doit s’accompagner de mesures idoines pour en circonscrire les effets pervers».

C’est la conclusion d’une étude de l’Ong Oxfam Burkina, portant sur l’acquisition des terres pour l’agrobusiness dans le Ziro, la Sissili et le Nahouri et qui fait l’état des lieux et l’impact social et environnemental. Pour le Groupe d’action et de réflexion sur le foncier (Graf), qui a appuyé d’Oxfam dans la réalisation de l’étude, environ 5, 5 millions hectares de terres sont accaparées par des sociétés minières et par des individus de l’élite politique à des fins d’investissements agricoles sans qu’on ne perçoive leur contribution dans la production agricole, dans la sécurité alimentaire.
Invité aux débats du festival Consom’acteurs tenu début mai 2015 sur la problématique, Saydou Koudougou du Graf, invitait à la vigilance parce que les situations d’accaparement de terres à grande échelle qui se vivent ailleurs arriveront au galop au Burkina. Le constat d’Oxfam et du Graf rencontre celui des organisations paysannes burkinabè. En tant que fervent défenseur de l’agriculture familiale, la Confédération paysanne du Faso est critique à l’endroit à l’agrobusiness tel qu’il est promu au Burkina. La part des productions issues des grandes exploitations de ces agrobusinessmen dans la production nationale ne représenterait pas plus de 2%, a confié Bassiaka Dao, le président l’organisation.
Les inquiétudes se font plus persistantes avec l’avènement de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle (Nasan) lancée en 2012 au Burkina avec l’appui des pays du G8. Les paysans se demandent à qui va-t-elle profiter? «A la lecture du document, nous voyions qu’il y a un certain nombre d’insuffisances, du fait que la Nasan est financée de l’extérieur et que ces activités sont centrées sur l’agrobusiness». Cela mettrait en péril l’existence des exploitations familiales, selon la faîtière des organisations paysannes qui profite de l’arrivée du nouveau pouvoir politique pour attirer l’attention du Conseil national de transition (Cnt) sur la nécessité de trouver des financements adaptés à la Nasan.
Le recours actuel à l’agrobusiness donc à des investisseurs privés ne rassure pas le monde paysan. Pour eux, ces derniers viennent pour leur intérêt et pour profiter de la facilité en termes de fiscalité que l’Etat leur accorde. «L’Etat prône cette approche tout en sachant que 86% de notre population vit des métiers agricoles et 90% des aliments produits proviennent des exploitations familiales. Où met-on cette catégorie de producteurs. Est-ce qu’on ne risque pas d’aller à un déséquilibre», se demande Bassiaka Dao.
Une question à laquelle le ministre de l’agriculture, François Lompo a tenté d’apporter une réponse lors de la Journée nationale du paysan. Pour le chargé du département de la sécurité alimentaire, c’est une question qui revient de façon sournoise mais il n’y aurait pas de grandes inquiétudes à se faire. «Lorsqu’on dit accaparement des terres par le secteur privé en posant la question de la nouvelle alliance, je voudrais vous dire que sur les 10 sociétés burkinabè qui ont souscrit dans son cadre, 2 sont dans le domaine de la production et les 8 autres dans l’agro-alimentaire. S’agissant des sociétés étrangères, aucune des 6 qui sont souscrites à la Nasan n’interviennent dans la production».
Dr Lompo promet de veiller à ce que les intérêts des producteurs des exploitations familiales agricoles ne soient pas du tout lésés. «Nous devrions faire un pas pour reconnaître que dans notre pays, si nous voulons faire un bond qualitatif, nous devons donner également une place au privé pour qu’ensemble nous voyions comment mettre en commun nos efforts pour résoudre un certain nombre de préoccupations».
Du côté, d’Oxfam, l’on recommande que le privé se positionne en aval de la production agricole, sur certains maillons de la chaîne. Issaka Ouandaogo, chargé de plaidoyer estime que investisseurs privés pourraient aider les producteurs avec des intrants de qualité et à des prix abordables, à transformer les produits locaux, à les commercialiser et à les distribuer dans des emballages de qualité. Leur concours sur ces aspects permettra de donner plus de valeur ajoutée aux produits agricoles. o
Christian KONE


Lobbying auprès des parlementaires

L’accaparement des terres est l’affaire de certains politiciens et cadre de l’administration qui, en réalité, ne les mettraient pas en valeur d’après les agriculteurs. Le doigt est mis sur ces questions en vue d’interpeller les nouvelles autorités au changement. Aujourd’hui, avec la monétarisation des terres, des organisations paysannes estiment que des gens, qui n’ont pas suivi la procédure exigée par les lois relatives à la sécurisation foncière, s’accaparent de dizaines et de centaines d’hectares en expropriant d’autres.
La Cpf appelle à la mise en place des organes de gestion du foncier au niveau national comme le veut la loi 034. Une délégation était récemment au parlement de Transition pour poser les préoccupations, surtout en ce qui concerne la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Elle souhaite la sécurisation foncière des exploitants sur leurs parcelles, qui sont des terres lignagères, par l’octroi d’attestation de propriété pour servir de frein à l’accaparement. Pour les leaders paysans, si les grands domaines ancestraux ne sont sécurisés, les velléités d’accaparement et les litiges sont à craindre.
Leur souhait est que le gouvernement de Transition puisse tracer les sillons de cette démarche de sorte à engager les futurs dirigeants. Le plan d’actions 2015-2018 de la Cpf prévoit de faire le point de la situation d’occupation des terres en vue d’argumenter le plaidoyer auprès des autorités pour encourager à la mise en valeur des terrains non exploités, explique Dao qui souligne dans les semaines à venir, les services de la Cpf auront une restitution avec les consultants commis à cette tâche, en vue d’arriver à faire un travail méticuleux.

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